Ouverture de « la Dictée pour tous »

Mercredi 3 juillet

Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi

Mesdames et messieurs,
Chers enfants,
Chers finalistes de la dictée pour tous,

C’est une grande joie pour moi d’ouvrir cet après-midi, dans la galerie des Fêtes de l’hôtel de Lassay, cette nouvelle édition de la « Dictée pour tous ».

Elle en a vu des réceptions et des événements, cette salle, depuis sa construction en 1848 ! En 171 ans d’histoire parlementaire, elle a accueilli des chefs d’État venus du monde entier, des délégations nombreuses, le Dalaï Lama en personne et tant d’écrivains et d’hommes politiques de génie.

 Jamais, pourtant, elle n’avait été le cadre d’un tel exercice, dans une telle configuration. Et je me réjouis que soient réunis ici 200 amoureux des mots, courageux et téméraires, venus se prêter à cet exercice périlleux, redouté, mais auquel nous sommes tous si attachés : la dictée.

Ici, depuis mon pupitre, j’occupe la position très enviable – je l’avoue – de celui qui dicte, et j’admire évidemment le courage et la passion qui vous animent, vous, chers participants.

Nous avons tous des souvenirs de dictée, traumatiques ou glorieux. Des souvenirs de silences, de voix récitant, articulant à l’excès, répétant. Des souvenirs de copies griffonnées, raturées, ramassées, corrigées…

Je voudrais mentionner ici un souvenir du célèbre écrivain et intellectuel français Jean-Paul Sartre, amoureux des livres et des mots, que l’on peut difficilement soupçonner de s’être fâché avec l’orthographe. J’espère qu’il pourra vous amuser et vous soulager, à quelques minutes du début de l’épreuve. 

Dans Les Mots, l’écrivain évoque l’exercice avec une mélancolie teintée d’autodérision :« Après la première dictée, écrit-il,mon grand-père fut convoqué en hâte par l’administration ; il revint enragé, tira de sa serviette un méchant papier couvert de gribouillis, de taches et le jeta sur la table : c’était la copie que j'avais remise. On avait attiré son attention sur l’orthographe – ‘‘Le lapen çovache ême le ten’’(le lapin sauvage aime le thym) [la phrase mal orthographiée est projetée sur l’écran].Devant ‘‘lapen çovache’’ ma mère prit le fou rire ; mon grand-père l’arrêta d'un regard terrible. Il commença par m’accuser de mauvaise volonté et par me gronder pour la première fois de ma vie, puis il déclara qu’on m’avait méconnu ; dès le lendemain, il me retirait du lycée et se brouillait avec le proviseur. »

Et Sartre conclut par cette phrase teintée d’ironie :« Je n’avais rien compris à cette affaire et mon échec ne m’avait pas affecté : j’étais un enfant prodige qui ne savait pas l’orthographe, voilà tout. » 

Un demi-siècle après la publication de ce texte et un Prix Nobel de littérature plus tard – ce qui devrait en décomplexer et en rassurer plus d’un –, la dictée fait toujours partie du quotidien de nos écoliers.

Elle n’est pas cet exercice désuet, fastidieux et d’un autre temps que certains voudraient mettre au ban de notre système éducatif. Bien au contraire.

Comme le ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Monsieur Jean-Michel BLANQUER, je suis convaincu qu’elle constitue un formidable outil pour développer l’attention, stimuler l’intelligence et la mémoire, acquérir la richesse du vocabulaire… Plus encore, elle fait vivre, dans toutes les salles de classe de France, cette belle musique qui est celle de la langue française.

Grâce à l’association « Force des mixités » et l’organisation des « dictées pour tous », grâce à vous, Monsieur Abdellah BOUDOUR, elle sort désormais du seul cadre de la classe et embarque avec elle toutes les générations. 

Depuis 2013 en effet, les dictées sillonnent le territoire avec ces valeurs en étendard : solidarité, égalité, laïcité et citoyenneté. Vous défendez et illustrez ainsi le « faire-ensemble » et je ne peux que m’en réjouir.

Cet après-midi, vous venez de Toulouse, Marseille, Lyon ou Bourg-en-Bresse. Vous avez 10, 20 ou 65 ans.

Professionnels ou amateurs, qu’importe ! Vous prenez part à cet exercice collectif, fédérateur, qui se joue desa priori,des âges et des milieux sociaux.

Vous êtes ici tous égaux devant les copies, tous égaux devant les mots.

Car manier les mots, c’est s’armer contre les inégalités sociales et combattre à tout prix leur reproduction. C’est grâce aux mots que l’on s’instruit, que l’on construit et que l’on s’émancipe. Et chacun doit pouvoir s’armer des mêmes outils. Ce sont là les conditions pour lutter contre l’assignation à résidence. Ce sont là les conditions pour faire société.

Aujourd’hui à l’Assemblée nationale, demain à Strasbourg, à Vauréal ou au château de Versailles. Partout vous serez chez vous, et les mots seront vôtres.

Je ne serai pas plus long ; vous êtes, j’imagine, impatients de découvrir le texte que je vais dicter, avec Maïtena BIRABEN et Rédouane BEHACHE, que je remercie chaleureusement.

Merci pour votre attention, et bonne dictée à tous !

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