Cérémonie des vœux 2025 aux corps constitués, aux parlementaires et au corps diplomatique
Mardi 14 janvier
Galerie des Fêtes
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Premier ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement,
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,
Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental,
Mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Monsieur le chef d’état-major des armées,
Monsieur le Préfet de police,
Monsieur le président du tribunal judiciaire de Paris,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Mesdames et messieurs les membres des corps constitués de la République, en vos grades et qualités,
Mesdames et messieurs,
« Nous vivons dans un temps rapide (…) et à l’époque où nous sommes, une année fait parfois l’ouvrage d'un siècle » remarquait Victor Hugo au tournant des années 1850. À notre tour, nous traversons un de ces « temps rapides » de notre démocratie, un moment où l’histoire politique de notre pays s’accélère.
En moins de six mois en effet, la France a connu la première dissolution de l’Assemblée nationale en 27 ans et la première motion de censure adoptée en 62 ans. En 2024, 4 chefs de gouvernement différents et 140 ministres se sont aussi succédé, ce qui est sans précédent, hors période d’après-guerre, depuis 90 ans.
Mais cette instabilité politique dépasse largement nos frontières. En Allemagne, le Bundestag a été dissous le 27 décembre dernier. En Autriche, les négociations de coalition entre les libéraux et les socio-démocrates ont échoué, et l’extrême-droite est désormais aux portes de la Chancellerie. Au Canada, le Premier ministre a démissionné. À cette instabilité vient s’ajouter la vulnérabilité de nos démocraties face aux ingérences étrangères, comme en témoignent les scrutins récents en Géorgie, Moldavie et Roumanie.
Une telle fragilité démocratique n'est pas seulement anxiogène ou rare : elle est révélatrice. Révélatrice d’une époque où les certitudes vacillent, où notre modèle démocratique est bousculé, contesté et mis à l’épreuve.
Nos institutions portent donc une responsabilité immense : démontrer leur résilience face aux turbulences de notre temps. Le Parlement est aujourd'hui en première ligne de ce défi démocratique. Nous en prenons la mesure et nous nous donnerons les moyens nécessaires pour en être à la hauteur.
C’est aussi dans ce contexte particulier, M. le Premier ministre, que votre Déclaration de Politique Générale revêt une importance si singulière pour les Français.
Et puisque nous approchons de la 39e « DPG », permettez-moi de faire référence à la 16e, à laquelle, tout comme moi, vous êtes attaché : celle de Michel Rocard. Chacun se souvient de ces dix mots qu'il prononça en 1988 à quelques pas de nous : « Je rêve d’un pays qui se parle à nouveau ».
La suite est tout aussi pertinente dans le contexte actuel : « Je rêve d'une politique où l'on soit attentif à ce qui est dit, plutôt qu'à qui le dit. Je rêve tout simplement d'un pays ambitieux dont tous les habitants redécouvrent le sens du dialogue (…). Je suis de ceux qui croient, au plus profond d'eux-mêmes, que la liberté, c'est toujours la liberté de celui qui pense autrement ».
Une liberté à laquelle je tiens.
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M. le Premier ministre,
Dans quelques heures, vous prendrez la parole devant une Assemblée nationale qui, à la suite des dernières élections législatives, ne ressemble pas à celles que vous avez connues.
La dissolution de juin dernier a en effet conduit à l’élection d’une Assemblée plus diverse, plus fragmentée, mais certainement pas affaiblie. Bien au contraire : les dernières législatives ont singulièrement renforcé sa centralité et son importance dans la vie politique nationale. Aujourd'hui, notre hémicycle est l’émanation, dans sa composition, de la plus récente expression démocratique des Français – après une élection marquée par une participation record en 27 ans.
Fidèle traduction de notre paysage politique contemporain, cette Assemblée préfigure aussi, je le crois, l’avenir de nos démocraties. Un avenir où l’absence de domination d’un seul parti devient la norme plutôt que l’exception. Comme chez presque tous nos voisins européens. Comme lors des législatives de 2022.
Permettez-moi donc de vous partager cette conviction profonde : cette XVIIe législature n’est ni une parenthèse, ni une législature de transition. Elle est le miroir de nos démocraties modernes. Un miroir qui reflète leurs défis, leurs fractures, mais aussi leur nécessaire devoir de réinvention.
Je ne veux donc pas voir dans les turbulences actuelles une impasse, mais plutôt une opportunité historique : celle de bâtir une nouvelle culture politique en France. Une culture du compromis. « Où l'on soit attentif à ce qui est dit, plutôt qu'à qui le dit » comme le souhaitait Michel Rocard. Pour voir le compromis non comme une faiblesse, mais comme une noblesse.
Depuis 2022, je me suis efforcée de mettre en œuvre cette culture du rassemblement. C’est l’origine, c’est l’essence même de mon engagement. Pour faire primer les convergences sur les divergences. Pour bâtir des ponts là où d’autres préfèrent ériger des murs. Car rassembler, c'est pour moi plus qu'un devoir : c'est le levier de l’espoir et la responsabilité du pouvoir.
Et cela commence par l’essentiel : notre pacte républicain. Un pacte fondé sur l’intérêt général et sur la solidarité envers les plus vulnérables.
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Comment ici ne pas penser d’abord penser à nos concitoyens à Mayotte, frappée il y a un mois par le cyclone Chido et qui ce week-end encore, a dû affronter la tempête tropicale Dikeledi. Je tiens à exprimer une pensée émue pour toutes les victimes.
Je reviens de Mayotte, un département que je connais bien et où je me suis rendue déjà trois fois. À Grande-Terre et Petite-Terre, j’ai mesuré la résilience, comme l’impatience des habitants. J’ai aussi vu la mobilisation exceptionnelle des services publics et volontaires, et je salue leur engagement exemplaire.
Ce déplacement m’a permis de mieux cerner, sur place, l’ampleur de la tâche pour la reconstruction qui nous attend, alors qu'est examiné depuis hier, en Commission, le Projet de loi d’urgence pour Mayotte.
Pour résoudre les problématiques structurelles et bâtir un nouveau modèle de développement mahorais, il nous faudra cependant aller plus loin. J’ai ainsi confiance en notre Assemblée pour être au rendez-vous d’un second texte ambitieux, qui sera examiné en mars prochain, et qui portera sur tous les sujets d’avenir et structurants de l’archipel. Car il ne faut pas seulement reconstruire, il faut réinventer le modèle mahorais.
La question des flux migratoires prend une dimension particulière dans ce département.
Il nous faudra résolument doter Mayotte des moyens matériels, humains et juridiques pour faire face à cette immigration massive.
Sur le sujet du droit du sol, ma position est constante : sans mettre fin au droit du sol, pour maitriser les flux, il convient de renforcer considérablement les conditions d’accès à la nationalité française sur ce territoire.
Nous avions déjà légiféré en 2018 avec la loi asile et immigration, pour créer un dispositif juridique spécifique. Mais il nous faut aller plus loin sur l’accession à la nationalité, car les fraudes de reconnaissance de paternité rendent en partie inefficaces les mesures adoptées. Je suis donc favorable à ce que nous durcissions les conditions d’application du droit du sol à Mayotte - qui pourrait ne s’appliquer que si les deux parents sont en situation légale de résidence d’un an sur le territoire mahorais au moment de la naissance.
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Mesdames, Messieurs, l’autre défi immédiat qui s’impose à nous, c'est doter la Nation d’un budget pour l’année qui vient.
Pour la première fois depuis 1963, notre pays est sans budget adopté à la mi-janvier.
Certes, grâce à la loi spéciale votée à l’unanimité, les fonctionnaires sont payés, les soins remboursés. Cependant, ces mesures ne remplacent pas durablement un budget débattu, enrichi, adopté par le Parlement. Et elles n’autorisent pas des initiatives essentielles, comme la création de postes pour notre justice ou notre armée.
Doter la France d’un budget est donc la priorité numéro un.
Un budget qui appelle, bien sûr, à une maîtrise accrue de nos finances publiques. C'est-à-dire qui prévoit une hausse de nos recettes, dans un impératif de justice sociale. Mais un budget qui engage aussi une baisse de nos dépenses publiques. Nous ne pourrons faire cependant l’économie, par la suite, de véritables réformes structurelles, pour retrouver une trajectoire budgétaire stable, crédible, soutenable.
Pour doter la France d’un budget, je voudrais ici saluer la volonté du gouvernement de mener un dialogue inclusif et constructif, en s’appuyant sur les fondations solides posées par le travail parlementaire. Et je voudrais aussi saluer l’esprit de responsabilité des forces politiques qui sont entrées dans cette démarche de dialogue. Alors, dialoguons, dépassons les blocages, dépassons-nous pour donner ensemble à la France les moyens d’agir. Oui, la priorité des priorités, c'est d’avoir un budget pour la France.
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Mesdames, messieurs,
Dans cette tempête politique, nos institutions sont solides. Elles ne sont pas le problème, elles sont le rempart.
Face à ceux qui voudraient éroder l’État de droit, je le redis avec fermeté : je serai vigilante et intransigeante. Je suis une femme de compromis, mais jamais sur la République. Jamais sur l’État de droit.
Faire confiance au droit, c’est croire en ses principes et en ses gardiens : le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel, la Cour de Cassation, notre justice. Sans eux, sans vous, pas de démocratie solide, pas de libertés garanties.
Nous avons aussi besoin de votre expertise pour éclairer nos travaux. Et c’est pourquoi, dans les prochains jours, je saisirai le Conseil d’État sur la réforme de la définition pénale du viol, sur la base du texte issu du travail transpartisan conduit par Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin. Cette initiative parlementaire est d’autant plus nécessaire qu'elle s’inscrit dans le sillage du procès des viols de Mazan, qui a profondément bouleversé nos compatriotes.
Adapter notre architecture juridique aux réalités politiques contemporaines, pour consolider in fine notre État de droit, c’est aussi l’objet de la mission de Léa Balage El Mariky et Stéphane Mazars, sur les actes administratifs pris par un gouvernement démissionnaire. Leur rapport propose de consolider le contrôle du Parlement, et donc des citoyens, dans ces périodes où l’exécutif dispose d’une légitimité réduite.
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Mesdames, Messieurs,
Ce rapport illustre une réalité indéniable : quelles que soient les secousses, l’Assemblée nationale est pleinement au travail. Elle discute, délibère, vote, contrôle, évalue. En somme, elle agit.
C’est cette dynamique que je veux voir se poursuivre. Mes vœux pour 2025 seront donc d’abord des vœux d’action.
Les attentes de nos concitoyens sont pressantes. Qui d’entre-nous, dans sa circonscription, n’a pas été interpellé, avec colère parfois, sur le pouvoir d’achat, le logement, les déserts médicaux... ?
Et justement, il existe des textes prêts à être examinés, qui répondent à chacune de ces urgences. Des textes portés par une volonté parlementaire claire, qui font parfois l’objet de consensus transpartisans.
Sans plus attendre, nous sommes donc prêts à faire de 2025 une véritable année d’action législative au service des Français, en apportant des réponses concrètes sur nombre de sujets majeurs.
Pour nos agriculteurs d’abord, alors que la colère agricole est toujours vive. Je me réjouis que le projet de loi d’orientation agricole, adopté en première lecture sous la précédente législature à l'Assemblée, et dont j’appelais à un examen rapide, soit enfin inscrit à l’ordre du jour du Sénat début février.
Sur l’accès aux soins, dont vous savez qu'il constitue une priorité pour nos concitoyens, nous pouvons notamment compter sur un texte issu des propositions du groupe de travail transpartisan porté par Guillaume Garot, qui vient d’être déposé et cosigné par plus de 200 députés.
Sur la sécurité et la lutte contre le narcotrafic, un texte élaboré par le Sénat va débuter son parcours législatif dès fin janvier. Nous avons aussi une proposition de loi sur l’homicide routier qu’il convient d’adopter sans délai.
À un an des municipales, si nous voulons renforcer la démocratie locale, et envoyer un signal fort de confiance et de protection à nos 494.598 conseillers municipaux et maires, il est urgent également d’avancer sur deux textes importants.
Je pense à la Proposition de Loi de Françoise Gatel créant un véritable statut pour les élus locaux, votée à l’unanimité au Sénat et que nous devons examiner à l’Assemblée - en l’enrichissant avec notamment les propositions issues du rapport de Violette Spillebout et de Sébastien Jumel.
Je pense aussi à celle d’Elodie Jacquier-Laforge, instaurant la parité aux élections dans les communes de moins de 1000 habitants que nous avions adoptée à l’Assemblée nationale - et qui, je l’espère, sera inscrite rapidement au Sénat.
S’agissant de cette dernière Proposition de Loi, il s’agit de la dernière étape pour renforcer l’accession des femmes aux mandats politiques. Je suis heureuse qu’elle remporte aujourd’hui l’assentiment - tant de l’Association des Maires ruraux que de l’Association des Maires de France.
Vous savez que c'est l’un de mes combats.
Et nous avons, évidemment, le texte sur la fin de vie. Un sujet profondément intime, qui touche à chacun d’entre nous, à nos choix les plus profonds et personnels. Parce que chacun, s’il est gravement malade, mérite de pouvoir décider de sa fin de vie, librement, en toute conscience, et avec la dignité que tout être humain est en droit d’exiger. J’aurai l’occasion d’y revenir.
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Mais sur tous ces textes que j’ai évoqués, j’entends déjà les sceptiques : « comment une Assemblée aussi divisée, aussi fracturée, pourrait-elle trouver le moindre accord ? »
Oui, nos députés, pour manier la litote, ne sont pas d’accord sur tout. Mais cette diversité n’est-elle pas le reflet d’une société archipélisée ? Dans nos villes et nos villages, le dialogue n’est pas toujours facile non plus, mais il existe. Et il conduit aussi à de belles initiatives, des projets concrets, des avancées solidaires. Ce sont ces réalisations qu’il nous faut valoriser et encourager sur le terrain. Elles montrent que l’on peut s’unir pour agir.
S’unir pour agir : nous y parvenons aussi à l'Assemblée. Bien sûr, je ne suis pas angélique ni naïve. Je reçois régulièrement des courriers de citoyens indignés par le spectacle parfois déplorable que peut offrir notre hémicycle.
Mais, à mon sens, nous n’avons pas encore assez vu ou perçu le meilleur de cette Assemblée. Ce meilleur, c’est lorsqu’elle parvient à dépasser les clivages, à trouver des accords, parfois à l’unanimité.
À ceux qui qualifieraient cette vision d’utopique, je réponds par une statistique qui surprendra sans doute : sur les 13 textes adoptés depuis octobre, 9 l’ont été à l’unanimité.
Certes, ces textes ne constituent pas encore les réformes structurelles majeures dont notre pays a besoin.
Mais chacun de ces textes apportera - lorsqu’ils seront adoptés définitivement - des avancées concrètes, visibles et tangibles pour le quotidien : le remboursement intégral des fauteuils roulants, la réduction des frais bancaires sur les successions, la création d’un CHU en Corse. Ce n’est peut-être pas le grand soir, mais c’est aussi à travers une multitude de petits matins que pouvons améliorer le quotidien des Français.
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Cette dynamique d’action et d’unité constructive, j’ai contribué à l’animer avec le soutien de tous les députés de bonne volonté. Avec les présidents de groupe, nous avons réussi à forger des consensus, et je les en remercie, pour accroître la part de l’ordre du jour transpartisan et notamment assouplir les critères d’inscription des textes lors de ces semaines.
Aujourd’hui, ces semaines transpartisanes, qui illustrent notre capacité à dépasser les clivages, et que j’avais proposé aux Présidents de groupe dès 2022, représentent une part significative de nos travaux. Déjà 4 textes ont été adoptés en cette législature sur cet ordre du jour et 6 textes sont inscrits d’ici la fin du mois – et près de 20 autres auraient pu l’être si nous avions eu le temps parlementaire nécessaire.
Notre Assemblée a su également trouver un accord pour rénover les semaines consacrées au contrôle de l’action du Gouvernement. Ce mardi et ce mercredi marquent l’entrée en vigueur de cette réforme, avec l’examen de deux thématiques majeures : le respect des principes de la République et le bilan de la situation agricole. J’attends désormais que le Gouvernement assure une présence significative au banc, pour mener à bien cet exercice qui constitue une des missions constitutionnelles de la représentation nationale.
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Sur cette lancée, je voudrais également formuler au Gouvernement d’autres propositions de bonnes résolutions.
Elles ont le mérite de la constance, puisque ce sont des priorités que j’avais identifiées dès 2017, comme Présidente de la Commission des Lois.
D’abord, je souhaite de la prévisibilité. Je l’ai rappelé ce matin en Conférence des présidents, j’attends du Gouvernement une feuille de route précise à six mois. Sans programme clair, nous ne pourrons avancer efficacement.
Les engagements pris doivent être aussi respectés sur l’ordre du jour. Sur la fin de vie, nous avons déjà perdu six mois, alors que ce texte important aurait dû être voté en juin dernier. Le Gouvernement précédent s’était engagé à inscrire ce texte à l’ordre du jour le 3 février. J’attends que le Gouvernement actuel honore cet engagement : les Français nous attendent, depuis trop longtemps.
Ensuite, un partage réel du travail législatif doit s’opérer, notamment en amont des textes. Le Gouvernement doit faire confiance à l’Assemblée, surtout lorsque des travaux parlementaires aboutissent à un consensus : alors, c'est la Nation qui s’exprime.
Comme je l’ai évoqué, nous ne manquons pas de textes concrets et consensuels ; mais nous manquons de place dans l’agenda parlementaire. Je formule donc une demande explicite au Gouvernement : consacrez une partie de votre temps parlementaire à ces textes, ou laissez au Parlement plus d’espace pour faire avancer notre propre agenda – celui des Français.
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Pour donner vie à ces textes cruciaux, il faut une méthode qui repose sur le compromis : entre les députés, mais également entre l'Assemblée et le Sénat, pour que nos deux Chambres puissent travailler en bonne intelligence, comme lors de la précédente législature.
À ce sujet, vous connaissez également l’entente que nous avons nouée avec le Président du Sénat, cher Gérard Larcher. Et cette entente, nous comptons bien continuer à la mettre au service de la France. Comme en novembre dernier, en Nouvelle-Calédonie, où nous avons ensemble, avec tous les acteurs politiques calédoniens, posé les bases d’une feuille de route partagée pour redéfinir la souveraineté plurielle du Caillou.
Je salue à ce sujet l’adoption unanime, par les députés, du report des élections provinciales, qui illustre ce que nous pouvons accomplir, en responsabilité et avec humilité. Cette humilité qui est un maître-mot en Nouvelle-Calédonie et dont notre démocratie a grand besoin.
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C’est cette méthode – fondée sur le compromis, le dialogue et la volonté d’agir – qui doit guider notre travail. Parce que la France avance quand ses institutions s’unissent.
Mais notre action doit être aussi davantage visible, compréhensible. Cela passe par un dialogue direct avec nos concitoyens. C’est ce que je fais depuis 2022, avec désormais plus de 50 déplacements, en Hexagone et Outre-Mer.
Ouvrir les portes de nos institutions est tout aussi essentiel. Nous continuerons ensemble à mener la politique d’ouverture de notre institution.
Avec le doublement des visites en deux ans.
Avec de nombreux débats citoyens, ces « Assemblées des idées » que nous délocaliserons pour la première fois en mars prochain, dans le Finistère, pour parler d’égalité professionnelle.
Avec des expositions marquantes, célébrant les 80 ans du droit de vote des femmes ou les 50 ans du discours historique de Simone Veil sur l’IVG en 1974.
Avec encore l’accueil d’œuvres d’art résolument modernes, des Vénus olympiques de Laurent Perbos aux statues des « 10 femmes en or » des Jeux Olympiques.
Ces quatre initiatives que j’ai évoquées illustrent aussi une autre priorité qui m’est chère : la cause des femmes.
Dans les prochains mois, cette ouverture aux citoyens franchira enfin une étape décisive, avec le début des travaux du nouvel accueil du public. Nous créons un lieu vivant, didactique, le premier dédié à notre histoire parlementaire, à notre vie démocratique, pensé pour reconnecter les Français à leur assemblée.
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Rapprocher les Français de la politique, c’est aussi avoir l’audace de rénover nos scrutins démocratiques. C’est l’enjeu de la proportionnelle à laquelle, M. le Premier ministre, vous êtes historiquement attaché. Mais il n’y a pas une proportionnelle, il y a des proportionnelles.
J’ai évoqué l’importance du compromis : et à ce sujet, je suis convaincue que la proportionnelle pourrait marquer une rupture salutaire, en permettant de passer durablement d’une logique d’opposition à une logique de coalition. Une réforme qui encourage chacun à partir sous ses couleurs, mais qui invite ensuite à travailler ensemble. En somme, la proportionnelle pourrait marquer la fin des alternances subies et le début des alliances choisies.
Rénover la démocratie, c’est aussi impliquer plus étroitement chaque citoyen dans les décisions qui façonnent notre avenir collectif. Le Président de la République l’a annoncé : les Français seront appelés à « trancher » sur de grands débats. Je m’en félicite, car cela fait maintenant 20 ans que les citoyens n’ont pas été consultés par référendum. C’est trop long. Beaucoup trop long.
Je l’ai toujours dit : je suis favorable à ce que les Français soient consultés davantage. Mais cette ambition démocratique exige, à mes yeux, une révision ciblée de l’article 11 de notre Constitution, avec deux objectifs clairs. D’abord, élargir le champ du référendum, notamment à des questions sociétales majeures. Ensuite, simplifier et faciliter le recours au référendum d’initiative partagée.
Cette ambition démocratique pour notre pays rejoint pleinement ma proposition de créer une Journée de la Participation – une idée, M. le Premier ministre, qui avait été aussi reprise par votre prédécesseur dans sa Déclaration de Politique Générale. Le principe de cette Journée est simple : le même jour, les citoyens se prononceraient par référendum sur un sujet national, tout en participant à des consultations locales.
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Mesdames et messieurs,
Renouer avec une démocratie parlementaire vivante et forte, c’est aussi l’ouvrir au monde : telle est la vocation de la diplomatie parlementaire.
J’ai à cet égard le plaisir de vous annoncer que nous avons enfin trouvé un accord avec l’ensemble des Présidents de groupe pour attribuer les présidences des groupes d’amitiés. Mesdames et messieurs les ambassadeurs, vous aurez, avant la fin du mois, de nouveaux interlocuteurs pour chacun des pays que vous représentez.
À nouveau cette année, j’ai déployé une stratégie de diplomatie parlementaire ambitieuse. Car je crois fermement que l’Assemblée se doit d’être le fer de lance pour défendre les principes du droit international. En premier lieu pour le respect de l’intégrité territoriale des États.
C’est pourquoi en mars dernier, lors de mon deuxième déplacement en Ukraine, puis en Lettonie, au Sommet de la Plateforme de Crimée, j’ai réaffirmé notre soutien indéfectible au peuple ukrainien. J’ai aussi tenu à ce que les parlementaires expriment leur solidarité face au président Zelensky, premier chef d’un État en guerre à s’exprimer dans l’hémicycle.
2024 m’a aussi permis de relancer des coopérations bilatérales avec des partenaires majeurs de notre pays, comme le Maroc, où je me suis rendue le mois dernier. Avec le Président du Sénat, nous nous apprêtons également à relancer le Forum interparlementaire franco-marocain, dont la 5e session se tiendra dans le courant de cette année à Rabat.
Dans les mois qui viennent, je me rendrai également au Royaume-Uni, en Espagne, en Chine et en Afrique du Sud, afin de renforcer nos relations bilatérales et parlementaires avec chacun de ces pays. J’aurai aussi à cœur de relancer le dialogue franco-allemand avec la plénière de l’APFA que nous organisons au printemps.
2024 a marqué enfin un tournant décisif pour la diplomatie féministe dont j’ai fait ma signature. En mars dernier, j’ai organisé ici même le 1er Sommet international des Présidentes d’Assemblées, en réunissant 24 de mes homologues. En novembre dernier, avec 19 Présidentes d’Assemblée, nous avons aussi uni nos voix pour dénoncer l’emmurement des Afghanes sur leur propre terre. Ce combat doit se poursuivre, pour les Afghanes, pour les Iraniennes : vous le savez, c'est un engagement que j’ai chevillé au corps.
2025 portera un autre souffle diplomatique : celui de la Francophonie. Nous accueillerons en effet, en juillet, avec le Président du Sénat, la 50e plénière de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie.
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Mesdames et Messieurs,
2025 sera une année d’action, mais aussi de commémoration.
Et nous célébrons cette année un anniversaire fondamental : le 80ᵉ de la Victoire de mai 1945, un moment fondateur où la France, meurtrie mais debout, a retrouvé sa place dans le concert des nations et mis en œuvre un nouveau contrat social. Celui des « Jours heureux » et du Conseil National de la Résistance.
En 2025, l’esprit de 1945 doit nous inspirer. L’esprit du ressaisissement, du renouveau, de la conciliation.
Cette conciliation si chère au général de Gaulle, et qui était au centre de son discours du 23 novembre 1945, lorsqu’il présenta, devant les députés, son Gouvernement d’unité nationale. Il forma alors le vœu de voir émerger, je le cite, « cette conciliation qui, maintes fois, assura, après de grandes épreuves, l’unité de la France, et sans laquelle, aujourd’hui, risquerait de sombrer sa puissance à peine renaissante. » Et il concluait par ses mots très actuels : « Aujourd’hui, nous nous assemblons encore pour travailler solidairement à refaire la substance du pays. »
À l’aube de cette nouvelle année, je nous souhaite aussi de pouvoir « travailler solidairement » pour notre pays. Je forme donc le vœu que 2025 soit une année de conciliation, d’unité et de travail solidaire au service de la France et des Français.