Hommage à M. Jean-Louis Debré

Mardi 4 mars

Ouverture de la Séance des Questions au Gouvernement

Hémicycle de l'Assemblée nationale
Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement,

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,

« Mon engagement politique fut au service de la République. La République qui est dans le sang de mes ancêtres. (…). La République qui est notre ambition, notre idéal, notre bien commun, une aspiration profonde à la liberté. Il faut l’aimer. »

Chers collègues, la Ve République a perdu, ce matin, l’un de ses plus grands défenseurs et serviteurs. 

Issu d’une famille illustre, député, ministre, Président de l'Assemblée nationale, Président du Conseil Constitutionnel, sa carrière fut en tous points exceptionnelle.

C’est d’abord vers les prétoires qu'elle se tourna. Après une capacité puis une thèse en droit, Jean-Louis Debré devint en effet, en 1971, assistant à la faculté de droit de Paris, puis magistrat et juge d’instruction. Chargé des affaires de grand banditisme, il tirera de ces années une source d’inspiration inépuisable pour les polars qu'il écrirait ensuite. 

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Mais revenons en arrière - en 1967. 

Jean-Louis Debré a 23 ans, et une rencontre va changer sa vie : il fait alors la connaissance de Jacques Chirac, « Mon Chirac », comme il l’appelait affectueusement. 

Ainsi naquit une amitié personnelle, marquée par une fidélité politique indéfectible. Du ministère de l’Agriculture en 1973, au soir de la vie du Président Chirac, lorsque Jean-Louis Debré lui remontait le moral dans les bars du 6e arrondissement, les deux hommes furent toujours liés, toujours alliés. 

 C’est donc par Jacques Chirac que Jean-Louis Debré entre en politique –comme conseiller en Cabinet, puis comme député de l’Eure, en 1986. 

Ses mandats nationaux se doublent alors de mandats locaux, notamment comme maire d’Evreux, de 2001 à 2007. 

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C’est cependant ici, à l'Assemblée, et depuis ce même Perchoir, que Jean-Louis Debré aura connu, selon ses mots, « cinq ans de bonheur absolu ».

Président malicieux, Jean-Louis Debré était surtout un président rigoureux, amoureux de cette institution dont il fut l’élève et l’architecte. 

Cette histoire d’amour commence tôt. Lorsqu’enfant, il accompagnait son père au Palais-Bourbon. Il en profitait alors pour faire du patin à roulettes dans les couloirs, à la grande frayeur des huissiers.

Président de l'Assemblée nationale, il en connaissait tous les rouages, tous les passages, tous les secrets.

Mais surtout, il connaissait l’essence de sa fonction de Président : celle d’être impartial, pour, selon ses mots, « incarner l’Assemblée dans toutes ses composantes, et être le protecteur des droits de l’opposition »

Estimé et respecté bien au-delà de son propre camp, il fut ainsi reconnu pour ce qu'il était : un homme droit et intègre, attaché au pluralisme républicain.

Il était aussi et surtout un politique qui aimait les gens et s’intéressait à eux. Un homme simple et bien, qui avait l’art du lien.

Je peux en témoigner puisqu'il fut toujours, avec moi, d’une grande bienveillance, et d’un soutien indéfectible.

Comme nombre d’entre vous je le croisais souvent ici, à l'Assemblée, lorsqu’il arpentait les couloirs en guide passionné, se faisant, auprès du jeune public autant conteur que passeur.

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Jean-Louis Debré, c’était donc un homme de cœur. 
Mais c’était aussi un homme d’esprit et d’humour.

À l'Assemblée même, il se permit quelques facéties. A la Boutique dont il eut l’idée, il avait même dessiné – et désigné - des peignoirs floqués du slogan, « Mouillez-vous avec les politiques » ou des tabliers estampillés « Cuisine électorale ».

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En 2007, après ces cinq années de bonheur à l'Assemblée, Jacques Chirac le nomma à la Présidence du Conseil Constitutionnel.

Jean-Louis Debré fit alors entrer la rue de Montpensier dans une nouvelle ère. Il fut le président de la QPC, fit grandir cette réforme, ouvrit aussi les portes du Conseil aux avocats et justiciables.

Sous sa Présidence, le Conseil devint pleinement, selon ses mots, le « bouclier qui préserve de toute atteinte à des droits et libertés ». 

En 2016, quittant la rue de Montpensier, il poursuivit l’autre grand fil rouge de sa vie : l’écriture.

Encore ces derniers mois, il sillonnait la France pour jouer, avec sa compagne Valérie Bochenek, une pièce consacrée à « Ces femmes qui ont réveillé la France ». Il y mettait en lumière des pionnières et des premières, comme Sand, Colette, ou Yourcenar. Ce fut un honneur pour moi de lui avoir permis de jouer sa propre pièce, en 2022, dans la Galerie des Fêtes.

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Mesdames, messieurs, Chers collègues,

Jean-Louis Debré était un amoureux de la République.

Un amoureux d’une République qu’il voulait libre et laïque, qu'il voulait ardente, vivante, vibrante.  

Un amoureux de ces Mariannes auxquelles il était si attaché. C’est même lui qui créa, à l'Assemblée, notre Salle des Mariannes, et qui fit placer, dans une niche du Salon Delacroix, le buste de Marianne – à la place du trône de Louis-Philippe.

Sur Marianne, sur la République, le Président Jean-Louis Debré citait souvent ce mot d’Ernest Renan : « La République est le rêve d’un avenir partagé ». Mais ces deniers temps, il ajoutait un avertissement inquiet : « Il faut faire en sorte que la République ne meurt pas. »

Au nom de la représentation nationale, en votre nom à tous et au nom du personnel de l'Assemblée nationale, je salue la mémoire du Président Debré et j’adresse mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches. 

Je vous invite à respecter une minute de silence en sa mémoire.

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