Colloque du Think et Do Tank Marie Claire « Agir pour l’égalité »

Mercredi 15 janvier

Galerie des Fêtes
Seul le prononcé fait foi

Madame la Ministre, Chère Aurore Bergé,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Madame la Ministre, chère Marlène Schiappa,

Madame la Directrice générale Déléguée Groupe Marie Claire, 

Madame la Co-présidente du Think et Do Tank Marie Claire Agir pour l’égalité,

Mesdames et messieurs les cadres et dirigeants d’entreprises,

Mesdames et messieurs,

Permettez-moi de commencer par un paradoxe frappant, déroutant et même inquiétant pour l’avenir de notre pays.

La France, le pays de Marie Curie, de Sophie Germain, la mathématicienne pionnière des théories de l’élasticité, de Claudie Haigneré, première européenne dans l’espace, d’Esther Duflo, Prix Nobel d’Economie 2019, la France - notre France - est en retard. Et même dramatiquement en retard sur les carrières scientifiques et les métiers d’avenir – le thème qui sera abordé en détail dans vos discussions.

Dans l’enseignement supérieur, seules 13 % des étudiantes décrochent un diplôme dans les domaines des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques, contre 40 % de l’ensemble des étudiants.  

13 % contre 40 % : c'est un véritable gouffre. 

Et en 2024, seulement 16 % des nouveaux Polytechniciens étaient des Polytechniciennes, un recul alarmant de 5 points en un an.
Talleyrand disait : « quand je me regarde, je me désole ; quand je me compare, je me console ». Mais les comparaisons internationales ne nous consolent pas.  

Certes, la France est dans la moyenne de l’OCDE, mais c’est avec les pays du Maghreb ou du Moyen-Orient que le contraste devient si peu flatteur. En Algérie, 41  % des diplômés en science sont des femmes, contre 32% en France. 

Au Kazakhstan, aux Philippines, en Thaïlande, au Koweït, ce pourcentage dépasse les 50 %. Et en Iran ? 7 ingénieurs diplômés sur 10 sont des femmes.

Comment expliquer cette situation paradoxale ? Car dans les pays moins égalitaires, les sciences deviennent des promesses d’indépendance. Beaucoup de mères en Iran disent par exemple : « Deviens ingénieure ou médecin, ma fille, c'est la clef de ta liberté ».

Au contraire, dans les pays plus égalitaires, les femmes choisissent les métiers davantage portés vers le social, le « care ». 97 % des assistants maternels et 98 % des auxiliaires de vie sont ainsi des femmes : des métiers nobles, mais des métiers précaires.
98 % des secrétaires sont aussi des femmes… une profession qui pourrait être remplacée par l’IA, dans un futur pas si lointain. 

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Pourquoi, en somme, les femmes sont-elles tenues à l’écart des métiers d’avenir ? Et surtout, comment inverser la tendance ?
C’est tout l’objet de cet événement, pour lequel je suis ravie de vous accueillir au Palais-Bourbon, là où se votent les lois qui peuvent changer cette réalité.

Commençons par briser une idée reçue : les filles n’ont pas moins “la bosse des maths” que les garçons. En début de CP, leurs résultats sont identiques. Mais dès le CE1, un écart se creuse.

Ce n’est pas une différence innée, c’est une différence inculquée. Un écart culturel, pas naturel.

Une étude l’illustre parfaitement : lorsqu’un exercice de géométrie est présenté comme un test de dessin plutôt que de mathématiques, les filles réussissent mieux que les garçons. Comme si elles perdaient confiance dès qu'on leur parlait de maths.

Alors d’où vient ce manque de confiance ?

Des stéréotypes. Ces stéréotypes de genre, enracinés dès le plus jeune âge, qui disent aux filles ce qu’elles peuvent être – et surtout ce qu’elles ne peuvent pas devenir.

Et ils s’immiscent partout : dans les jouets, dans les manuels scolaires, ou dans certaines pratiques pédagogiques inconscientes des enseignants. 

Ils s’immiscent à l’école… mais aussi à la maison, à travers les biais véhiculés par les parents. Quelle maman n’a jamais dit à sa fille « viens m’aider à faire la cuisine »…et à son fils « va aider papa à bricoler » ? Ces injonctions, souvent banalisées et inconscientes, pèsent pourtant lourd sur l’avenir des filles.

Un autre obstacle est l’absence de modèles féminins. Les filles manquent de figures inspirantes auxquelles s’identifier, pour se dire « oui, informaticienne, développeuse, c'est aussi pour moi ».  Une enquête a montré que 37 % des lycéennes ayant rencontré des chercheuses choisissent des prépas scientifiques, contre seulement 24 % ailleurs.
C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a organisé, le 22 juin 2023, un événement avec plus de 200 jeunes filles lycéennes, bénéficiant du programme Girls in Tech, leur permettant de rencontrer des chercheuses, scientifiques, exploratrices et d’échanger afin de se projeter dans des études et des métiers scientifiques.

Cette sous-représentation n'est pas seulement une injustice fondamentale. C’est aussi un immense gâchis économique et social, que certains spécialistes ont chiffré à 22 milliards d’euros annuels. 

Et ce qui vaut pour les filières scientifiques vaut pour tous les métiers d’avenir. Nous avons besoin de plus de femmes dans la Transition Écologique, la Défense, la Cybersécurité, l’IA ou le quantique. Et, bien sûr, nous avons besoin de plus de femmes en politique.

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Alors aux jeunes femmes que je rencontre très souvent, je dis : osez ! Osez devenir ingénieure, députée, militaire. Osez croire que ces métiers sont faits pour vous, autant que pour les autres.    

À toutes les femmes, je leur dis : l’avenir vous appartient. Mais souvenez-vous  : il faut aussi aller le chercher.

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Et je leur dis également : vous n’êtes pas seules. L'Assemblée nationale que je préside sera toujours votre alliée, pour que vous puissiez conquérir les places que vous méritez dans les métiers d’avenir.

Mais aujourd’hui, agir n’est plus seulement une nécessité : c’est une urgence. 

Car ce que nous pensions imaginable devient réalité : nos valeurs fondamentales vacillent sous nos yeux.

Le droit international est contesté, bafoué, nié. Les idées mêmes de démocratie, d’État de droit, de laïcité, sont, elles aussi, contestées et mises à l’épreuve. Les droits des femmes sont en régression partout.

Et ces vents contraires menacent également l’égalité femmes-hommes. 

Aujourd'hui, certains géants du numérique, qui devraient incarner pourtant le progrès et l’innovation, s’abandonnent à des discours archaïques, propageant l’idée absurde que « l’énergie féminine » affaiblirait la performance économique. 

Face à cet archaïsme, il n'y a qu'une réponse : l’action. Une action résolue, courageuse et collective. 

Oui, soyons fiers de nos valeurs. Soyons prêts à les assumer, à les porter. Soyons prêts à bâtir un modèle français et européen d’égalité et de diversité. 

Pour que chacune et chacun se sente bien dans son corps, bien dans son entreprise, bien dans sa vie.

Et c’est ici, au Palais-Bourbon, que cette ambition doit prendre forme. Parce que nos valeurs ne vacillent que si nous les laissons vaciller. 

Nous en avons la responsabilité.  Nous en avons la capacité.  Nous en avons le devoir.

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Je veux que la France soit exemplaire. 

Mais il faut être lucides : la réalité, c'est que nous ne le sommes pas.

Par exemple en matière d’innovation : les femmes ne représentent que 32 % des créateurs d’entreprises, et les équipes masculines captent 88 % des fonds levés par les start-ups. 

Notre Assemblée est au travail pour renverser cette situation. En adoptant des lois concrètes : comme la loi Rixain, adoptée à l’unanimité en 2021 – et je salue la présence parmi nous de Marie-Pierre Rixain. 

Cette loi audacieuse et ambitieuse prévoit un quota de 40 % de femmes dans les cadres dirigeants des grandes entreprises d’ici 2030. Elle pose aussi un critère de représentation équilibrée dans les comités de sélection décidant des investissements de BPI France - et également dans les projets qui en sont bénéficiaires. 

Appliquons vraiment cette loi. Et appliquons pleinement aussi l’Index Pénicaud, qui oblige les entreprises à la transparence sur l’égalité femmes-hommes - pourquoi pas en le renforçant, en l’étendant à d’autres critères ou en alourdissant ses sanctions.

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Je suis cependant convaincue qu’il faut prendre d’autres mesures et aller plus loin, beaucoup plus loin.

Par exemple : sans quotas, il y a peu de résultats. Nous pourrions donc instaurer des quotas de filles dans les filières scientifiques et prépas scientifiques, pourquoi pas dès le lycée.

Dès le primaire aussi, nous devons aussi repenser la formation des enseignants, pour les sensibiliser aux biais sexistes qu'ils peuvent véhiculer inconsciemment. Enfin, tous les concours, comme les olympiades mathématiques, devraient respecter des exigences de parité.

Ce sont aussi les mentalités qu’il faut transformer et les stéréotypes qu’il faut déconstruire. 

Il ne suffit pas d’avoir plus de femmes dans les métiers d’avenir : il faut qu’elles y soient accueillies, respectées, épanouies. Cela passe par une lutte résolue contre les violences sexistes et sexuelles au travail, qui dissuadent tant de vocations. En somme, ce sont les métiers d’avenir qui doivent s’adapter aux femmes, et non l’inverse.

Le monde politique mérite lui aussi d’être plus exemplaire. Il faut notamment aller plus loin aussi sur la parité, pour inspirer et susciter des vocations. 

À un an des municipales, il est ainsi urgent d’étendre les listes paritaires aux élections des communes de moins de 1000 habitants, soit l’écrasante majorité de nos communes – alors qu’aujourd'hui, seules 2 maires sur 10 sont des femmes.  

La parité reste une exception dans l’exécutif de nos petites communes, mais elle l’est tout autant dans la direction des cabinets politiques. Chacun doit s’emparer de ce sujet.

Là encore, j’ai moi-même voulu montrer l’exemple dans mon propre cabinet : c’est ainsi qu'aux postes stratégiques de directeur et de chef de cabinet, j’ai nommé deux femmes ! 
À cet égard, nous avons là aussi voté une loi.

Les députés ont également fixé une obligation de parité stricte dans la composition des Cabinets ministériels et du Président de la République, via des amendements de plusieurs groupes dans la loi du 19 juillet 2023 sur l’égalité dans la haute fonction publique. 

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Oui, l'égalité est une exigence. Une exigence pour nos institutions, pour notre économie, pour notre société. Et c’est ici, au Palais-Bourbon, que cette révolution de l’égalité doit être pensée, portée, et votée.

Votée, ai-je dit ? Mais me direz-vous, comment y parvenir dans un hémicycle aussi divisé ? Je suis pourtant convaincue d’une chose : cette Assemblée, même divisée, sait se retrouver sur l’essentiel. Et l’essentiel, c'est l’égalité, ce sont les droits des femmes. 

Nous l’avons prouvé en adoptant de nombreux textes, souvent à l’unanimité, pour les droits des femmes. 

Par exemple pour créer une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales. 

Une aide financière qui leur permet de fuir rapidement un conjoint violent, de payer l’hôtel ou un billet de train. Car on le sait, les violences économiques participent souvent aux violences faites contre les femmes, en les maintenant dans une situation de dépendance financière – des liens dont vous discuterez aussi.

Je suis convaincue que vos débats, tout comme les propositions de votre Livre Blanc, feront émerger des solutions utiles qui pourront inspirer notre représentation nationale : afin que l’égalité ne soit plus une urgence, mais une évidence.

Oui, au-delà de nos divergences, au-delà de nos fractures, l’égalité femmes-hommes doit nous rassembler. Parce qu’elle incarne notre idéal républicain. Parce qu’elle est inscrite au cœur de nos textes fondamentaux, qui nous unissent et nous éclairent. 

Comme le Préambule de la Constitution de 1946, dont le 3e alinéa rappelle ces mots tellement évidents, mais tellement nécessaires : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. » Et c’est à nous, ici et maintenant, de transformer ces mots, gravés dans notre Constitution, en réalités gravées dans chaque vie. Dans vos vies. Merci à toutes et tous et excellentes discussions.
 

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