Ouverture du colloque en hommage à M. Louis Mermaz, ancien Président de l’Assemblée nationale

Mardi 15 avril

Galerie des fêtes

Seul le prononcé fait foi

 

Madame la Première ministre, Mme Edith Cresson,

Monsieur le Premier ministre, M. Jean-Marc Ayrault,

Monsieur le ministre, M. Pierre Joxe,

Monsieur le ministre, M. Didier Migaud,

Monsieur le Président du Groupe socialiste, M. Boris Vallaud,

Monsieur le Premier secrétaire du Parti socialiste, M. Olivier Faure,

Mesdames et messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Secrétaire général de la présidence de l’Assemblée nationale,  

Monsieur le Président de l'Institut François Mitterrand, M. Jean Glavany,

Messieurs les anciens collaborateurs du Président Louis Mermaz,

Mesdames et messieurs les membres de la famille du Président Louis Mermaz,

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes à l’Élysée, en 1983.

« Un jour », raconte le Président Louis Mermaz dans ses Mémoires, « alors que j’étais dans le bureau de François Mitterrand, celui-ci (…) me dit de sa voix charmeuse : ‘Vous êtes l’un des deux ou trois qui pourrait me succéder. Vous avez un visage un peu sévère, mais Poincaré était comme ça’. »

Le Président Mermaz répond alors au Président Mitterrand : « Mais il faudrait que je sois d’abord Premier ministre. »

Et le Président Mitterrand réplique : « Vous avez la présidence de l’Assemblée. Le Parlement, c’est considérable… »

Mesdames, Messieurs, la vie de Louis Mermaz, ou plutôt « ses vies », pour reprendre son expression, furent aussi denses qu’intenses, aussi engagées que tourmentées.

Son enfance prit racine dans le silence d'un secret, dans le non-dit d'une naissance. Louis Mermaz porta ce secret presque toute sa vie, jusqu'à le révéler, en 2013, dans ses Mémoires au titre cathartique : Il faut que je vous dise.

Cette dualité entre la lumière publique et l’ombre privée forgea sans nul doute sa personnalité d’acier, lui donnant ce « visage un peu sévère », à la Poincaré, selon la formule mitterrandienne.

Pourtant Louis Mermaz, s’il était en effet pétri de sérieux, de rigueur, voire d’austérité, maniait très souvent l’ironie et l’autodérision. Peut-être ses rires et ses sourires étaient, pour lui, une élégante cuirasse contre les morsures du destin – son destin propre, comme celui de la Nation.

**

Car son enfance fut percutée par la débâcle, l’Occupation, ce qu'il nomma « les fureurs de l’histoire ».

Mais très vite, l’écriture devient son refuge. À 6 ans, le jeune Louis compose un poème, Les Trois Petits Cochons. Et c’est l’illumination : il vivra de sa plume.

À 15 ans, il devient chroniqueur pour Le Réveil normand. Pendant dix ans, il portera souvent lui-même son article au wagon postal de la gare Montparnasse.

Cette soif de comprendre le monde, comme sa passion pour l’histoire, le mènent tout droit en Sorbonne. « Agrégé d’histoire » : telle est la profession qu'il indiqua sur sa fiche de renseignement de député que nous exposons aujourd'hui.

Il enseigne au Mans, à Sceaux puis à Clermont-Ferrand, et publie deux livres érudits, sur madame de Maintenon et les Hohenzollern – deux livres que nous exposons aussi aujourd'hui.

Mais son destin a déjà bifurqué. Car l’Histoire qu’il voulait comprendre, il allait désormais l’écrire.

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En 1954, il fait une rencontre décisive : celle avec François Mitterrand. Ainsi commence un compagnonnage unique, tissé d’une fidélité quasi-filiale.

Promu secrétaire général adjoint de l’UDSR à 28 ans, Mermaz échoue à trois reprises aux législatives dans l'Orne en 1956, 1958 et 1962.

Il fut élu député à sa 4e tentative, en 1967, dans l’Isère.  "L'Orne reste de droite, j'ai préféré changer de département plutôt que de convictions", expliqua-t-il à ses électeurs.

Ainsi l’homme d’appareil devient-il aussi, et surtout, un homme de terrain.

En Isère, Mermaz se fait bâtisseur et passeur. Il prend sous son aile une nouvelle génération. Certains – chers Didier Migaud et Erwann Binet – témoigneront aujourd'hui.

À Vienne, dont il fut le maire pendant trente ans, il laisse une trace durable. L’historien qu'il est redonne vie aux musées de l’antique cité des Allobroges. L'homme de gauche mène une politique volontariste de logements sociaux. Et l'homme de culture crée en 1981 le très renommé festival "Jazz à Vienne".

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1981.  L’année charnière. L’année de l’alternance.

Mitterrand n’y croyait plus. Après un nouveau revers il confia ceci à Louis Mermaz : « Eh bien, vous ne serez peut-être jamais ministre. Mais Jaurès n’a jamais été sous-secrétaire d’État et pourtant il est entré dans l’histoire ».

Mermaz ne sera pas sous-secrétaire d’État. En mai 1981, il est en effet nommé ministre. Il reste un mois au gouvernement, avant d’être élu au Perchoir – cela nous fait un point en commun.

À l'Assemblée, il forme un cabinet d’excellence. Plusieurs de ses collaborateurs témoigneront aujourd'hui de leur expérience à ses côtés, je les en remercie.

Petite anecdote : à l’ouverture de la session ordinaire d’octobre 1981, sous la présidence de Louis Mermaz, la première question orale sans débat fut posée par une autre grande députée de l’Isère — Gisèle Halimi.

Au Perchoir, face à une opposition véhémente, Louis Mermaz apaise les esprits dès son discours d’installation, assurant qu'il serait « le garant des droits de tous les députés qui sont l’expression de la souveraineté populaire ».

Il fut un Président respecté car respectueux de toutes les paroles parlementaires.

En 1986, Jean-Claude Gaudin, président du groupe UDF, lui rendra cet hommage paradoxal : "Vous êtes entré partisan, vous êtes sorti président".

Quel fut « le style Mermaz » ? Sans doute une alliance de rigueur intellectuelle, de hauteur de vue et d’humanisme.

Mais aussi un souci permanent d'améliorer le fonctionnement de l'institution.

Il combat les séances de nuit, cette « pratique française déplorable » selon lui.

Il abolit, dès ses premiers jours, l’obligation du port de la jaquette et de l’habit pour les présidents de séance. Mais il tient au cérémonial de la Garde Républicaine, qui, selon ses mots, « symbolise l’indépendance du Parlement ».

Il veille à la tenue des débats, particulièrement lors des QAG, dont il obtient la retransmission télévisée.

Il se résout alors à devenir, selon son expression, un « surveillant général », usant de sa cloche en cuivre les jours de « forte tempête », ou adressant un mot par huissier à des députés indisciplinés.

Sous sa présidence, l’Assemblée vote des lois humanistes et historiques, qui forment encore notre socle républicain. Il appose sa signature, avec Robert Badinter, à la loi abolissant la peine de mort. 

Le Président Mermaz se fait aussi l'ambassadeur de l'Assemblée.  En 1982, il effectue une visite historique en Chine. Il se rend encore en Inde, en Côte d'Ivoire, au Sénégal, en Israël, en URSS.

Sa première mission fut cependant en Italie. Alors qu'il s’étonnait au Palais Farnèse « de l’extrême cordialité » entre tous les politiques italiens, le Président du Sénat, Amintoré Fanfani, lui répond : « Oui, mais chez nous, nous avons ceci en commun, c’est d’avoir tous été des antifascistes.»

L'Hôtel de Lassay devient une étape obligée pour les grands de ce monde. Il y reçoit Gorbatchev en 1985, aux prémices de la perestroïka.

Mais il reçoit des visites plus personnelles, comme celle de Madame Loreille, son ancienne institutrice, à qui il fait découvrir avec fierté l'Assemblée.  

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En 1988, la gauche revient au pouvoir et Mermaz à l'Assemblée. Il y redevient Président – mais Président du groupe socialiste, cher Boris Vallaud.

Deux années plus tard, il est nommé ministre de l’Agriculture puis ministre des Relations avec le Parlement, Porte-parole du gouvernement.

En 1993, il n’échappe pas au désaveu cinglant que subit la gauche.

Mais en 1997, après une dissolution hasardeuse, il fait un nouveau retour à l'Assemblée.  

Membre respecté de la Commission des Lois, il préside avec détermination et conviction une commission d'enquête sur les prisons françaises et, après plusieurs visites qui l’ont marqué, qualifie les CRA d'"horreurs de notre République".   

Célébrer Louis Mermaz, c’est donc aussi célébrer les principes qu'il défendait : l’État de droit, la justice, l’humanisme - pour tous et partout. Puissions-nous entendre aujourd’hui sa voix lucide, claire, républicaine.

Le Président Mermaz revenait souvent à l'Assemblée, ces dernières années, pour participer à nombre de nos évènements – et nous pouvions le reconnaître de loin avec ses bâtons suédois, lorsqu'il venait à pied de son domicile du Ve arrondissement.

Je me souviens encore l’accueillir, à l'Assemblée nationale, pour commémorer le 230e anniversaire de la première abolition de l’esclavage. Il était là, au premier rang.

Il fut toujours pour moi d’un précieux conseil, m’encourageant à tracer ma route, à défendre mes convictions, et à tenir bon. Il parlait en connaissance de cause : lui-même n’avait jamais fléchi.

**

Mais derrière l'armure de l'homme politique aguerri, l'homme meurtri demeurait, avec ses douleurs incommensurables.

Louis Mermaz connut le pire pour un père. La perte tragique de deux enfants, Frédéric et Pierre.

Face à ces drames absolus, il fit preuve, avec son épouse Annie – chère Madame Mermaz – d’un courage extraordinaire. « Je ne lâchais rien. Il fallait vivre, combattre encore » écrit-il dans ses Mémoires.

Comme Mitterrand, Mermaz était attaché aux forces de l’esprit.

Lui le lettré, lui le chrétien, croyait dans « l’écriture », dans les deux sens du terme.

« Mon ambition aujourd’hui : survivre par l’écriture ».

C’est par cette phrase que Louis Mermaz ouvre ses Mémoires.

Ainsi réalisons-nous son « ambition » aujourd'hui, grâce à ce colloque pour lequel je remercie aussi le Groupe socialiste et l’Institut François Mitterrand.  

Excellent colloque à tous - et j’ai maintenant le plaisir de céder la parole à M. Boris Vallaud, Président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.

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