Ouverture de la session plénière de l’Assemblée parlementaire franco-allemande
Lundi 16 juin
Assemblée nationale
Seul le prononcé fait foi
Madame la Présidente du Bundestag, chère Julia Klöckner,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Monsieur l’Ambassadeur,
Mesdames et Messieurs,
Il y a 75 ans, dans le salon de l’Horloge du Quai d’Orsay – à deux pas de l’Assemblée nationale – Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, né au Luxembourg et ancien citoyen allemand, tendait la main à l’ennemi d’hier pour bâtir l’Europe de demain.
Nous étions le 9 mai 1950 - depuis devenu Journée de l’Europe.
Chacun connaît cette formule visionnaire de la Déclaration Schuman : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes, créant d’abord une solidarité de fait. »
Mais l’on cite moins souvent la phrase suivante, et qui concerne au premier chef notre Assemblée parlementaire : « Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée : l’action entreprise doit donc toucher au premier chef la France et l’Allemagne. »
Mesdames et messieurs, nous sommes les héritiers et les gardiens de cette audace fondatrice et matrice.
Du 9 mai 1950 au Traité de l’Élysée, dont nos deux Assemblées avaient commémoré le soixantenaire en 2023 en Sorbonne.
C’est pierre par pierre que nos deux peuples et parlements ont bâti et accompli l’inimaginable : la paix entre deux ennemis héréditaires et séculaires.
Chers collègues,
Vous le savez, je viens de Lorraine, cette terre-frontière qui porte dans sa chair les cicatrices de l’histoire et la fierté de notre amitié.
C’est donc avec un plaisir sincère et une émotion particulière que je vous souhaite la bienvenue à cette plénière.
Je salue ceux qui nous rejoignent pour la première fois, et particulièrement Madame la Présidente du Bundestag.
Chère Julia Klöckner, tu as choisi la France pour ta première visite officielle. Ce fut un bonheur et un honneur de t’accueillir à l'Assemblée nationale.
D’ores et déjà, notre rencontre a dessiné la partition que notre duo pourra jouer ensemble : une coprésidence active, ambitieuse, audacieuse.
Et j’ajouterai : impatiente.
Car cela fait longtemps, trop longtemps, que notre plénière ne s’était pas réunie.
Depuis celle à Bonn, en décembre 2023, deux dissolutions, une sur chaque rive du Rhin, ont suspendu nos délibérations.
Or le silence de notre assemblée commune contrastait violemment avec le fracas du monde.
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La reprise de nos travaux s’inscrit en effet dans une bascule géopolitique et un tournant stratégique.
Au Proche-Orient, nous assistons à une escalade sans précédent entre Israël et l'Iran. La position de la France est claire : si le programme nucléaire iranien pose une menace existentielle pour la sécurité d’Israël et de l’Europe, la meilleure voie d’action est celle de la négociation diplomatique. La France appelle aujourd'hui, avec fermeté, toutes les parties à la retenue.
Dans le même temps, la guerre d’agression caractérisée, menée par la Russie contre l’Ukraine, se poursuit, causant toujours plus de victimes et de destructions.
La Charte des Nations unies, la souveraineté d’un pays, son droit même à exister, sont violés et bafoués.
Face à cette guerre d’agression, face à la loi du plus fort, nous devons opposer – ensemble – la force de la loi. Notre soutien à l'Ukraine est donc total – et il le restera.
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Cependant, à l’intérieur de nos frontières, d’autres armes que les missiles Iskander ou les T-34 russes menacent nos démocraties libérales.
Elles sont rongées de l’intérieur par une autre forme de guerre, hybride et idéologique, insidieuse et dangereuse.
Une conjuration des « ismes » – extrémismes, complotismes, racisme, antisémitisme – attaque à visage découvert nos États de droit et ses principes, ceux de la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen, ceux de la Loi fondamentale allemande de 1949.
Mais les peuples se lèvent aussi pour défendre leurs trésors démocratiques : à Tbilissi, Chișinău, Bucarest, Belgrade, Varsovie, des milliers de citoyens manifestent en brandissant un drapeau bleu étoilé pour s’opposer aux populismes et aux illibéralismes.
Malheureusement, dans ce combat pour nos valeurs, l’Europe doit faire face à un paradoxe stratégique : son plus vieil allié, les États-Unis, regarde ailleurs et se détourne peu à peu de notre continent.
Ainsi que le Chancelier Merz l’a énoncé dans un de ses premiers discours, je le cite, « il est temps que l’Europe obtienne une véritable indépendance vis-à-vis des États-Unis, car il est clair que les Américains – ou du moins cette administration – sont indifférents au destin de l’Europe. »
Chaque jour le confirme en effet : face à une administration américaine erratique et imprévisible, et qui a initié une guerre commerciale aussi brutale qu’absurde, l’Europe doit prendre en main son propre destin, sa propre sécurité.
Oui, l’heure d’une Europe-puissance a sonné – et je sais que cette conviction est partagée sur de nombreux bancs.
Et pour que cette Europe-puissance advienne, un levier existe déjà. Un levier éprouvé, exigeant, efficace : le couple franco-allemand, qui est un couple au service de l’Europe.
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Ce couple, nous l’incarnons.
Et en vous voyant ici, rassemblés, concentrés, déterminés, je veux le dire avec force : je crois en nous.
Je suis une optimiste. Mais je suis aussi une réaliste.
Et être réaliste aujourd'hui, c'est constater cette évidence : jamais nos calendriers n’ont été aussi convergents, nos priorités aussi partagées.
C’est ce qu'a confirmé le premier entretien, le 7 mai dernier, entre le Président Emmanuel Macron et le Chancelier Friedrich Merz.
Et plus encore leur présence, à Kyiv, avec Keir Starmer et Donald Tusk, pour marteler notre soutien indéfectible à l’Ukraine.
Oui, le moteur franco-allemand tourne à nouveau à plein régime, au service d’un agenda franco-allemand partagé :
Pour la compétitivité de nos économies.
Pour financer notre souveraineté.
Pour la transition écologique.
Pour le retour de la paix et le respect du droit international, en Ukraine ou au Proche-Orient.
Pour protéger les droits des femmes, en Iran, en Afghanistan, en Pologne.
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Et pour porter ces priorités, pour les déployer, les incarner, les concrétiser, l’Assemblée parlementaire franco-allemande, cette Assemblée unique et sui generis, a un rôle stratégique à assumer.
Ensemble, nous incarnons la diplomatie des peuples, de nos deux peuples qui se sont réunis pour ne pas subir l’avenir, mais le définir.
Je veux ici rendre hommage au travail accompli ces deux dernières années par nos vice-présidents : Brigitte Klinkert et Nils Schmid. Je salue également la mobilisation de nos collègues qui ont débattu au sein de plusieurs Groupes de travail sur l’avenir de l’Europe, la souveraineté énergétique, la transposition des directives, et la politique étrangère et de sécurité.
Oui, notre Assemblée unit, construit, agit, au service de ce qui nous lie et réunit.
Je pense notamment à notre résolution pour “l’apprentissage vivant et efficace” du français et de l’allemand, adoptée à Strasbourg en mai 2023. Ce texte rappelle une évidence trop souvent oubliée : une langue n’est pas qu’un lexique. C’est un lien, un viaduc entre deux imaginaires.
Enfin, je remercie les membres de nos groupes d’amitié France-Allemagne et de nos Commissions des affaires étrangères, de la défense et des affaires européennes, qui contribuent également au dynamisme du dialogue franco-allemand.
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Mesdames et Messieurs, chers collègues,
Aujourd’hui, vous aborderez des sujets concrets, cruciaux, cardinaux et qui suscitent une forte attente chez nos citoyens : le contrôle aux frontières, l’union des marchés de capitaux, le numérique et l’énergie.
C’est d’ailleurs autour de ce dernier enjeu que nous tiendrons cet après-midi une audition conjointe de Marc Ferracci, ministre français de l’Industrie et de l’Énergie, et de Mme Katherina Reiche, ministre fédérale de l’Économie et de l’Énergie. Je les remercie pour leur participation. Et je veux ici souligner combien ces auditions, en présentiel, sont importantes pour assurer le suivi de notre agenda commun.
Sur l’ensemble de nos priorités, soyons clairs : nous réussirons l'un par l'autre, jamais l'un sans l'autre.
Pour aller plus loin, plus vite, plus fort, plusieurs d’entre vous ont aussi plaidé pour davantage d’agilité et de réactivité dans nos méthodes. En deux mots, notre Assemblée parlementaire doit devenir plus opérationnelle et visible !
Une piste proposée est que le bureau de notre Assemblée puisse lancer des “missions flash”– pour travailler sur une thématique en un délai court, avec des déplacements communs. Ces missions pourront ainsi compléter utilement les activités des groupes de travail, et permettre l’adoption de davantage de textes tout au long de l’année. Je sais, chère Brigitte Klinkert, que cette avancée te tient à cœur.
Afin d’améliorer l’efficacité de nos travaux, nous pourrons également travailler à assurer un meilleur suivi de nos résolutions et recommandations ; comme à renforcer le rôle du Bureau et des co-présidents, pour en faire un véritable organe de suivi. Ce sont des pistes que je trouve personnellement stimulantes et efficientes.
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Mais au-delà des textes, nous avons un autre défi à relever : celui de l’ouverture, de l’incarnation, de la transmission.
Nos travaux doivent donc sortir des murs de nos hémicycles, être plus visibles, lisibles, accessibles.
Ils doivent parler aux citoyens, interpeller les consciences, mobiliser les jeunesses.
C’est dans cet esprit que je vous annonce, aux côtés de la Présidente Julia Klöckner, le lancement du nouveau Prix parlementaire franco-allemand.
Créé en 2003, ce prix change désormais d’échelle : il mettra en lumière des projets concrets, issus du terrain, initiés par des citoyens, des associations, des jeunes, des passeurs de lien, tous ceux qui œuvrent pour l’amitié franco-allemande.
Et parce que cette amitié ne se perpétue que si elle se partage, nous accorderons une attention particulière aux projets portés par ou pour la jeunesse.
C'est pour cette même raison que nous nous rendrons aujourd'hui, avec la Présidente Klöckner, au lycée franco-allemand de Buc pour parler démocratie, Europe, avenir, avec les jeunesses de nos deux pays.
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Cependant, chers collègues, c’est aujourd'hui à vous – à nous tous – qu’il revient de faire vivre cette amitié. De « dresser les futures perspectives de la coopération franco-allemande », pour reprendre le titre de notre débat d’actualité de cet après-midi.
Et de le faire ici, dans cette salle Lamartine où notre Assemblée parlementaire est née en 2019.
Une salle portant le nom d’un poète romantique qui, déjà, dans les années 1840, esquissa cette folle utopie : la réconciliation franco-allemande.
Mais c'est avec un autre géant du romantisme que je conclurai –avec Victor Hugo, ancien député et européen avant l’heure.
Dans un recueil intitulé Le Rhin, il écrivait que les peuples français et allemand sont « frères dans le passé, frères dans le présent, frères dans l’avenir. »
Et il concluait ainsi : « L’union de la France et de l’Allemagne, ce serait la paix du monde ».
Lui qui milita tant pour l’union des peuples européens aurait été fier d’assister à nos travaux. Je déclare donc ouverte cette séance plénière de l’Assemblée parlementaire franco-allemande. Je vous remercie. Vielen Dank.
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