Ouverture de la 15e édition de L’Assemblée des idées sur le thème « Immigration : peut-on avoir un débat apaisé ? »

Mardi 20 mai

Salle des Fêtes
Seul le prononcé fait foi

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Mesdames, messieurs,

« Ma première mesure sera de voter une loi référendaire pour l’immigration zéro. (…) Si je suis élu, plus un seul migrant n’entrera. Avec l’immigration zéro, il n’y aura quasiment plus de délinquance, j’en suis sûr. » 

« À Springfield, les migrants mangent les chiens, ils mangent les chats, les animaux domestiques des habitants. ». 

« Eh bien moi, je défends l’abolition des frontières. La liberté de circulation. Comme au Néolithique. À l’époque, il n’y avait personne pour faire chier et heureusement, sinon on n’aurait pas eu de peintures à Lascaux »

Mesdames, Messieurs, rassurez-vous, j’ai toujours toute ma tête ! 

Ces propos ne sont pas les miens. Ils ont été prononcés par trois personnalités politiques que vous aurez peut-être reconnues, et qui viennent des deux extrêmes.

Certaines de ces déclarations nous font peut-être sourire.

Mais derrière ces provocations, transparaît un symptôme. 

Il paraît impossible de tenir un débat apaisé, nuancé, éclairé sur l’immigration.

Trop souvent, ce sujet électrise et divise. 

Trop souvent « immigration » rime avec « passion », « polarisation » ou « division ». Rarement avec « raison. »

Alors, je le dis franchement devant vous : la classe politique n’est pas à la hauteur du débat que mériteraient nos concitoyens.

D’un côté, l’extrême-droite, fidèle à son histoire, érige des murs entre les Français. Elle fait de l’étranger une menace, de la différence une faute. Elle trie, cible, stigmatise. C’est une impasse, une imposture, et une insulte.

De l’autre côté, une partie de la gauche semble parfois dans le déni s’enfermant dans l’angélisme ou l’irréalisme.

Alors oui, il faut parler d’immigration. 

Mais il faut en parler autrement. Lucidement. Intelligemment.

Assez de stigmatisations : nous voulons des solutions.

Assez de populismes : nous voulons des perspectives.

Assez de fantasmes : nous voulons des faits.

Et c’est pour cela que nous sommes là ce soir.

**

Mais avant que nous commencions, permettez-moi de vous livrer trois de mes idées-forces qui contribueront, je l'espère, à enrichir et apaiser le débat.

La première, c’est que je crois à l’intégration par le travail. Vraiment. Profondément. Concrètement.

Notre France s'est construite sur une immigration de travail. Et ce n'est pas seulement notre passé : c'est aussi notre présent.

Je le constate sur le terrain, encore récemment à Rungis. Qui ai-je rencontré, à l’atelier désossage, à 4 heures du matin ? Principalement des femmes et hommes issus de l’immigration.

Et cette scène, je l’ai revue mille fois. Dans nos hôpitaux, où un médecin sur cinq a été formé à l’étranger. Ou dans nos restaurants.

Oui, la France s'est construite par cette immigration de travail et de talent.   

**

Ma deuxième conviction, c'est que nous devons renverser la table en matière de politiques d’immigration.

L’immigration est actuellement assignée au seul ministère de l’Intérieur, et donc réduite à une unique perspective sécuritaire.

Un leader d’extrême-droite l’a avoué presque fièrement : « Le ministère de l’Immigration existe déjà. Il s’appelle le ministère de l’Intérieur. »

Eh bien, c’est précisément cette myopie politique que je veux casser.

Car l’immigration est un sujet transversal, à la fois social, éducatif, économique, diplomatique, européen. Bref, à la croisée de toutes les politiques publiques.

J’ai donc une proposition forte pour nourrir nos débats.

Je propose de libérer la politique migratoire de l’emprise du ministère de l’Intérieur - et de créer un grand ministère chargé de la Politique migratoire et de l’intégration, rattaché au Premier ministre.

Un ministère croisant l’action de nombreux autres, des Affaires étrangères à l’Économie, du Logement à la Justice, de la Santé à l’Éducation… Et dont l’action locale serait fluidifiée grâce à des préfets délégués.

De plus, en sortant l’immigration du seul prisme sécuritaire, cette solution pourrait apaiser le débat. Car changer de cadre, c'est aussi changer de regard sur l’immigration : nous ne la verrions plus sous le seul prisme anxiogène de la délinquance et des faits divers. 

Non, l’immigration n'est pas un fait divers, c'est un fait de société.

**

Enfin, ma troisième conviction - toujours dans ce souci d’apaisement -  c’est que la France n’a pas besoin de lois supplémentaires.  

J’ai fait les comptes. 

Depuis 1945, le Parlement a adopté 118 lois sur l’immigration. 

Soit une loi tous les huit mois. 

La France n’a donc pas besoin de plus de lois, mais de lois mieux appliquées et respectées.

**

Voici le défi que je vous propose ce soir : faire entendre la complexité contre les caricatures.

C’est l’esprit même des Assemblées des idées : ces rencontres régulières où l'Assemblée nationale s’ouvre à tous, s’ouvre à la société civile, pour croiser l’expertise et l’expérience, et pour enrichir le débat parlementaire par l’intelligence citoyenne - la vôtre.

Pour y parvenir, il nous faut des regards lucides et des voix claires. Bonne nouvelle, nous les avons trouvés. Je suis donc heureuse d’accueillir:

•    M. Hervé Le Bras, démographe et historien,

•    Mme Ekrame Boubtane, économiste spécialiste des migrations,

•    Mme Hélène Thiollet, chercheuse au CNRS, fine analyste des dynamiques migratoires mondiales,

•    Et je remercie Elsa Mondin-Gava qui modérera nos débats.

**

Mesdames, Messieurs,

Dans la dernière salle de l’exposition du Musée de l’homme consacrée aux migrations, le visiteur peut découvrir ces mots du grand résistant et historien Jean-Pierre Vernant :

« On se connaît, on se construit par le contact, l’échange, le commerce avec l’autre. Entre les rives du même et de l’autre, l’homme est un pont ». 

Alors ce soir, soyons des constructeurs de ponts. Merci et excellente Assemblée des idées à tous !
 

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