Mardi 15 avril 2025
Discours
Discours
Ouverture du colloque en hommage à M. Louis Mermaz, ancien Président de l’Assemblée nationale
Mercredi 7 mai
Bibliothèque de l'Assemblée nationale
SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI
Mesdames et Messieurs les membres du Bureau,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames et Messieurs de nos services de la Bibliothèque, de l'ouverture du public et des archives,
Mesdames et Messieurs les amis d'Alain Tourret,
Cher Alain Tourret,
« Robespierristes, anti-robespierristes, nous vous crions grâce : par pitié, dites‑nous, simplement, quel fut Robespierre ».
Par cette exhortation lucide, Marc Bloch, le maître de l’école des Annales, nous rappelait ce serment d’Hippocrate de l’historien : expliquer avant de condamner, comprendre avant de pourfendre.
Alors qui fut Robespierre ?
Telle est la question.
Né un 6 mai 1758 – il y a 267 ans et un jour – Robespierre est d’abord un enfant d’Arras.
Orphelin de mère, abandonné par son père, Robespierre gravit pourtant les marches de l’excellence. Brillant élève à Louis-le-Grand, avocat de formation, il plaida avec succès pour une grande cause : la Révolution.
Notre grande Révolution française, cet éclair qui déchire le ciel de l’absolutisme, lui donne en effet une occasion unique. Celle de mettre à l’épreuve ses principes rousseauistes.
Tout ou presque commence le 26 avril 1789. Ce jour, en vue des États généraux, l’Assemblée électorale d’Artois élit ses huit députés du Tiers.
Robespierre est élu, oui, mais de justesse.
Député de la Constituante puis de la Convention, membre éminent du Comité de Salut Public, il parvient bientôt au sommet de la République montagnarde.
Et je ne peux m’empêcher de le rappeler : il est même un de mes lointains prédécesseurs. Puisque comme moi, Robespierre fut élu et réélu Président de l'Assemblée nationale, en août 1793 et juin 1794[1].
Avec d’autres - Mirabeau l'éloquent, Danton le tonnant, Saint-Just l'ardent – il en vint à personnifier la Révolution.
Pour le meilleur. Mais aussi pour le pire.
Car Robespierre est avec le temps devenu, selon la formule cinglante de Marcel Gauchet, « l’homme qui nous divise le plus ».
Depuis deux siècles, il suffit en effet de prononcer le mot de « Robespierre » pour électriser le débat collectif.
Des sanctifications thermidoriennes aux légendes noires contre-révolutionnaires,
Des critiques libérales de Benjamin Constant, le voyant comme le fourrier du despotisme napoléonien,
Jusqu'aux réhabilitations républicaines ou marxistes – pensons à Lamartine, Louis Blanc, Jaurès, Soboul – le débat n’a jamais cessé.
Plus près de nous, l'école « antitotalitaire » de François Furet, a vu en lui un précurseur des tragédies du XXème siècle.
Quant à vous, Monsieur le député Corbière, vous avez eu cette formule : « Qu’est-ce que le robespierrisme ? C’est la Déclaration des droits de l’homme en actes. »
Mais bien que décrit comme un terroriste par ses détracteurs, Robespierre avait aussi des vues humanistes, comme vous le rappelez souvent, cher Alain Tourret.
Il fut un précurseur de l’abolition de l’esclavage, ce que résume un de ses mots célèbres : « Périssent nos colonies, plutôt qu'un principe ».
Il fut aussi le partisan d’une autre abolition, celle de la peine de mort. En mai 1791, il lance à la tribune : « Gardez-vous bien de confondre l'efficacité des peines avec l'excès de la sévérité : l'un est absolument opposé à l'autre. Tout seconde les lois modérées ; tout conspire contre les lois cruelles. »
Et cher Alain Tourret, je sais que vous êtes très attaché à ce visage plus lumineux du robespierrisme.
L’Incorruptible porta aussi des mesures sociales audacieuses : le blocage des prix, les allocations aux indigents, l’impôt progressif.
Alors qui fut Robespierre ? Ange ou démon ? Corrupteur ou « Incorruptible » ? Humaniste ou « terroriste » ?
Un de ses biographes récents, Jean-Clément Martin, le décrit, dans une série d’oxymores, comme « un météore inquiétant, ou inspirant, sanctifié par le martyre, ou voué aux gémonies. »
Vous-même, cher Alain Tourret, vous le qualifiez d’« homme de lumières et de ténèbres ».
Oui, Robespierre est un paradoxe vivant, inquiétant, mais toujours passionnant.
Chaque année ou presque, il ressurgit, réveille, ravive le débat historique.
Cher Alain Tourret, avec ce don magnifique de quatre lettres autographes dont une de la main de l’Incorruptible, vous faites justement vivre ce débat.
**
Cher Alain Tourret, vous êtes un amoureux d’histoire, un arpenteur des archives.
Votre premier amour ? Le droit épiscopal sous Philippe Auguste.
Mais le latin finit par vous lasser - et la Révolution vous attire de plus en plus.
Et en particulier Robespierre.
Vous devenez un mordu de l’Incorruptible.
Comme lui, vous étudiez le droit. Et comme lui aussi, vous êtes élu député.
Robespierre, vous l’appelez donc « mon confrère ».
Vous présidiez même le Club parlementaire des amis de l'Incorruptible. Un club fermé dont les membres se doivent être députés et avocats, comme Robespierre. Je suis donc heureuse de remplir les critères pour y adhérer !
Cher Alain Tourret, les pièces d’histoires que vous nous remettez ont elles-mêmes une histoire.
À 25 ans, vous aimiez fouiner chez les bouquinistes du Quartier latin. Un jour, au hasard des romans et reliures, vous découvrez d’étranges courriers.
Les trois premiers sont d’une même main. Une écriture fougueuse, fervente, avec les barres des « T » rayant chaque mot comme des sabres.
Ces lettres sont signées d’un certain citoyen Delalande, de Coutances – dans votre Calvados d’élection.
Et ce fameux Delalande est rouge de rage. Il lance : « Il n’est plus temps de vivre avec les traîtres ». Il accuse plusieurs députés de fédéralisme. Pour eux, la sanction doit tomber. Il écrit : « Je suis sûr que la hache de la loi vengera la patrie en tombant sur la tête. »
Mais ce n’est pas la violence du propos qui vous foudroie. C’est cette mention : « Citoyen père de la patrie, vertueux montagnard ».
Votre sang ne fait qu’un tour. Et si c’était… Robespierre ?
Vous tournez la dernière lettre. Elle est d’une autre écriture. Sombre, nerveuse, épaisse.
« Les conspirateurs dont vous nous parlez sont en état d’arrestation » répond cet homme à Delalande. Il rajoute une requête : merci de transmettre des preuves supplémentaires.
Et cet homme signe : Robespierre, sans formule de politesse.
C’est lui. C’est l’Incorruptible.
Ni une ni deux, vous achetez les lettres.
Puis, au fil des ans, elles s’égarent dans vos archives, jusqu’à ce qu’un déménagement récent les fasse ressurgir.
Et il faut s’en réjouir, car ces lettres sont précieuses également sur le plan historiographique : elles nous éclairent sur l'âme de Robespierre ; et surtout, sur les mécanismes du pouvoir en l'An II - la délation, le renseignement centralisé, l’enquête.
Elles permettent aussi de mieux comprendre les ressorts de la « Terreur » – ce mot que Robespierre n’a jamais revendiqué, mais que l’histoire lui a collé à la peau.
À lire cette lettre, on devine un Robespierre inflexible et implacable. Mais ni cruel, ni paranoïaque, ni surtout hystérique ou arbitraire. Un Robespierre qui procède aux arrestations demandées, mais qui exige des preuves.
Cette lettre, en elle-même, ne résout certes pas l'énigme Robespierre. Mais elle y contribue. Elle est une pièce du puzzle révolutionnaire.
**
C’est pourquoi cette correspondance sera pleinement à sa place dans notre collection de la Bibliothèque de l’Assemblée nationale, au milieu de notre fonds révolutionnaire.
Un fonds exceptionnel, qui nous fait ressentir le grand frisson révolutionnaire : avec les manuscrits de Jean-Jacques Rousseau, le maître de Robespierre ; avec le manuscrit de la Marseillaise de Rouget de Lisle ou le masque mortuaire de Mirabeau ; avec les minutes du procès de Louis XVI ; avec le compte-rendu du Serment du Jeu de Paume, acte de naissance de notre Assemblée.
Et avec encore un exemplaire du projet de Constitution de 1791, annoté de la main même de Robespierre. Il s’y opposait au suffrage censitaire… mais aussi, en bon rousseauiste, au principe de la démocratie représentative !
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Votre lettre, cher Alain Tourret, vient donc dialoguer avec ces fragments d’éternité. Elle dialogue avec eux dans une polyphonie vivante.
Je m’en réjouis particulièrement. En effet, comme Présidente de l’Assemblée nationale, mon rôle est certes de préserver l’héritage des siècles, ici dans notre Bibliothèque magnifiquement rénovée, pour laquelle je remercie encore nos questeures ; mais aussi de faire connaître, et de faire croitre nos collections.
Car celles-ci sont vivantes. Elles sont une mémoire en mouvement. Elles s’enrichissent, elles grandissent, elles s’ouvrent aux députés, chercheurs, citoyens.
Et nous permettent ainsi de mieux comprendre notre passé, pour mieux éclairer notre présent.
Car c’est bien là l’essentiel.
« Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre », disait Spinoza.
Dépasser les passions, comme nous y invitait Marc Bloch. Fuir la polarisation des débats.
Oui, en histoire comme en politique, je crois à l’importance des nuances – à l’importance d’un débat éclairé, objectivé.
Mais en politique comme en histoire, surtout lorsqu’il s’agit de Robespierre, je sais aussi que la nuance est parfois un art ardu, voire une cause perdue !
**
Mesdames, Messieurs,
Le 11 thermidor an II, au lendemain de l’exécution de Robespierre, le Journal Universel titra : « ce Robespierre meurt longtemps ».
Oui, Robespierre meurt longtemps. Et il vivra tant qu’il restera des archives pour nous murmurer, sous la poussière et le temps, quel homme il fut.
Alors qui fut Robespierre ?
Il fut un révolutionnaire, ni inhumain ni surhumain, « un homme parmi d’autres », écrit Jean-Clément Martin.
Pour Madame de Staël, il incarnait la Révolution au point qu'elle ait écrit : « Aucun nom ne restera de cette époque, excepté Robespierre ».
Pour George Sand enfin, Robespierre était, sans ambages, « le plus grand homme de la Révolution, et l’un des plus illustres ».
Cher Alain Tourret, merci donc pour ce don illustre, consacré à l’un de nos révolutionnaires les plus illustres. Vive la République, vive la France et bien sûr, vive la Révolution !
[1] du 22 août 1793 au 7 septembre 1793 // du 4 juin 1794 au 19 juin 1794
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