Rencontres de l'évaluation

Jeudi 12 juin

Hôtel de Lassay

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

M. le Rapporteur général de la Cour des comptes,

M. le Haut-commissaire à la stratégie et au plan,

Mesdames et messieurs les députés,

Mesdames et messieurs,

 

« Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir », avait coutume d’ironiser Pierre Dac.

Mais parfois, déchiffrer le passé peut exiger autant de clairvoyance que d’exigence.

Telle est la vocation de l’évaluation des politiques publiques.

Elle correspond à une exigence citoyenne, et même révolutionnaire, celle de l’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »

Or, en période de disette budgétaire, cette exigence civique devient également un impératif stratégique.

 

Alors que notre pays fait face à un mur budgétaire, il est en effet impérieux que chaque politique publique soit dûment évaluée, jaugée, et ajustée, pour prioriser, hiérarchiser,
et rationaliser nos dépenses.

Dans une France à l’euro près, l’évaluation n’est donc certainement pas un simple rituel technocratique.
C’est un devoir politique et civique.

Disons-le tout net : lors de ces Rencontres, il ne s’agira pas de tout revoir. Mais de mieux voir.

Pas de tout défaire. Mais de mieux faire.

Pour économiser non seulement de l’argent public, mais aussi des centaines de pages dans nos codes législatifs.

Car c'est la présidente de l'Assemblée nationale qui vous le dit : la France n’a pas besoin de plus de lois.

Elle a besoin de lois mieux pensées, évaluées, appliquées.

Une règle d’airain devrait donc prévaloir : avant d’écrire une nouvelle loi, mieux vaudrait relire et évaluer les anciennes.

C’est une question d’hygiène démocratique. Et c'est un devoir politique.

Prenons un exemple récent : les centres de rétention administrative.

La loi du 10 septembre 2018 a déjà porté la durée de rétention maximale à 90 jours.

Or, sept années après son adoption, les effets de cette loi n'ont pas été évalués.

Et pourtant, que voyons-nous ? Une nouvelle proposition de loi, déjà votée par le Sénat et qui sera examinée à l'Assemblée nationale en juillet, envisage d’allonger la durée de rétention jusqu’à 210 jours pour les étrangers ayant fait l’objet d’une condamnation pénale pour certaines infractions graves.

Mais sur quelle base ? Avec quel recul ? Avec quelles données ?

 

Nous nous apprêtons donc à légiférer sur un texte dans des conditions qui ne sont pas satisfaisantes.

C'est une fuite en avant législative. Car légiférer sans évaluer, c’est naviguer sans boussole et préférer la vitesse à la justesse.

Tel est donc le sens de notre réunion : remettre l’évaluation au cœur de la législation.

**

C'est ainsi dans un esprit d’ambition et de responsabilité que j’ouvre ces deuxièmes rencontres de l’évaluation, dans ce nouveau format lancé l’année dernière.

Je rappelle que cet évènement est désormais organisé sur une base tripartite. Il associe la Cour des comptes et le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan, au Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques que je préside, en ma qualité de présidente de l’Assemblée nationale.

Je salue chaleureusement M. Pierre Moscovici et M. Clément Beaune pour leur soutien cette manifestation. Je remercie également mes collègues Annie Vidal et Ugo Bernalicis, vice‑présidents du comité, ainsi que Catherine Hervieu et Vincent Jeanbrun, rapporteurs du comité, qui participeront à vos échanges.

Je voudrais également souhaiter la bienvenue aux dirigeants de la Société française de l’évaluation qui regroupe notamment les acteurs du secteur privé participant à l’évaluation des politiques publiques.

Enfin, je salue les chercheurs parmi nous, et notamment les doctorants dont les travaux sont exposés ce matin.

**

Mesdames, Messieurs,

L’évaluation des politiques publiques s’est progressivement installée à l’Assemblée nationale depuis la révision constitutionnelle de 2008 - qui a érigé cette mission du Parlement au même niveau que le vote de la loi et le contrôle de l’action du Gouvernement, à l’article 24 de la Constitution.

Pour mener à bien cette mission, nous avons aussi innové dans nos moyens d’action.

S’agissant de l’évaluation ex ante, nous avons notamment créé en 2020 une cellule pluridisciplinaire, baptisée Leximpact.

S’agissant de l’évaluation ex post, l’Assemblée a décidé de créer en 2009 un organe spécifique, le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

Ce Comité a peu à peu trouvé sa place dans les institutions parlementaires.

En effet, il remplit aujourd'hui un rôle d’interface entre l’Assemblée nationale et la communauté évaluative française, mais également avec des parlements étrangers qui souhaitent échanger sur leurs pratiques.

Son activité présente un caractère sinon consensuel, du moins largement transpartisan. Notamment parce que ce Comité confie les évaluations à deux rapporteurs, l’un appartenant à l’opposition et l’autre à la majorité.

Pour affiner la qualité de ses travaux, le Comité d’Évaluation et de Contrôle a également noué un partenariat solide avec la Cour des comptes, au titre de l’article 47‑2 de la Constitution. Chaque année ou presque, le Comité demande ainsi à la Cour de lui présenter une ou deux études évaluatives dont le périmètre a été défini en commun.

C’est ce qui a été ainsi fait dans notre étude sur « la lutte contre la fraude aux prélèvements sociaux liée au travail dissimulé ».

Plus récemment, c’est-à-dire depuis 2019, le Comité d’évaluation et de contrôle a aussi noué un partenariat solide avec France Stratégie, devenu le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan.

Mais six années ont passé. Et en six ans, les lignes de force de notre vie parlementaire ont connu une véritable révolution.

Sous la XVe législature, 29 textes avaient été adoptés la première année : 24 projets de lois contre 5 propositions de lois. Sous cette législature, les chiffres se sont presque inversés : en un an, ce sont 27 propositions et 8 projets de loi qui ont été adoptés.

Entendez-moi bien : chacune de ces PPL est utile et porte sur des sujets très concrets pour les Français. Mais cet essor des initiatives parlementaires soulève également un défi structurel : l’absence d’étude d’impact préalable.

De là vient cette conviction que je veux vous soumettre aujourd'hui : notre partenariat doit désormais changer d’échelle et s’adapter aux nouvelles réalités parlementaires.

Nous devrions donc réfléchir, collectivement, à faire du Haut-Commissariat et de la Cour des comptes non plus seulement des partenaires de l'évaluation a posteriori, mais des alliés de la construction législative a priori.

En clair, votre expertise ne doit pas uniquement évaluer la loi ex post, elle doit bien davantage aider à la forger ex ante.  

**

Pour l’heure, l'Assemblée nationale demeure bien sûr très attachée à sa coopération avec le Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan.

Cette coopération se traduit, cette année, par une étude très ambitieuse sur la santé environnementale – une étude dont les rapporteurs, nos collègues Catherine Hervieu et Vincent Jeanbrun, vous parleront plus amplement lors de la première table ronde.

En effet, nous avons décidé, cette année, de débattre d’évaluations thématiques ou sectorielles autour, d’une part, de l’environnement et, d’autre part, de la justice.

S’agissant de la santé environnementale, il semble que nous soyons loin de mesurer l’impact de nos pratiques sur notre environnement et notre santé. Par conséquent,
il appartient aux représentants de la Nation de se saisir de ce sujet vital, dans tous les sens du terme.

S’agissant de la justice, sujet qui me tient à cœur en ma qualité d’ancienne présidente de la Commission des lois, les travaux d’évaluation sont encore trop peu nombreux.
En témoigne, par exemple, le faible nombre d’évaluations relatives à la justice disponibles sur la plateforme de la Cour : seulement 13 sur un total de 1 047.

Évaluer l’efficacité de la justice, sans aucunement porter atteinte à la séparation des pouvoirs, est pourtant faire œuvre utile, si j’en juge par la mauvaise opinion qu’ont nos concitoyens de ce service public auquel ils reprochent sa lenteur.

Les députés, qui modifient souvent les procédures et les incriminations, sans parfois pleinement mesurer les répercussions de leurs initiatives sur le terrain, ne trouveraient que des avantages à disposer d’évaluations solidement étayées sur des données consolidées – et ce, dans un domaine qui peut être l’objet de représentations irrationnelles ou d’a priori idéologiques.

Le Comité d’Évaluation et de Contrôle contribuera à cet objectif, en publiant, courant juillet, une évaluation de la prise en charge des troubles psychiques des personnes placées sous main de justice par nos collègues Elise Leboucher et Josiane Corneloup.

**

Mesdames, Messieurs,

« Gouverner, c’est prévoir », disait Émile de Girardin.

Mais gouverner, c’est aussi revoir l’efficacité de nos politiques publiques. Et c’est pour cela que nous sommes réunis aujourd’hui.

Monsieur le rapporteur général de la Cour des comptes, j’ai à présent le plaisir de vous céder la parole.

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