Vendredi 5 septembre 2025
Ottawa - Canada
Seul le prononcé fait foi
Mesdames et messieurs les présidentes et présidents d’Assemblée,
Chers collègues,
Fausses informations, théories du complot, deepfakes créés par l’intelligence artificielle : toutes nos démocraties libérales sont percutées par le même fléau, celui de la désinformation en ligne.
Or, cette offensive contre l’idée même de vérité poursuit un agenda politique bien précis.
Car que recherchent les faussaires professionnels de l’information ?
Ils entendent fracturer nos sociétés de l’intérieur, manipuler les opinions publiques et les processus électoraux.
C'est ainsi que la liberté d'expression, une fois dévoyée, peut devenir une arme de déstabilisation géopolitique entre les mains de puissances hostiles.
C'est notoirement le cas de la Russie, qui mène une véritable guerre informationnelle contre nos démocraties libérales.
La France est elle-même ciblée. Je peux vous en donner un exemple concret et récent : les mots d’ordre d’une manifestation anti-système, prévue pour le 10 septembre prochain, sont relayés et amplifiés par des faux comptes dont certains sont identifiés comme pro-russes.
D’autres pays – je pense à la Roumanie, à la Moldavie ou à la Géorgie – ont été récemment confrontés à de telles ingérences étrangères, menaçant gravement la stabilité de leurs démocraties et l’intégrité de leurs processus électoraux.
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Face à ce péril mondial, je suis venue vous présenter la riposte française.
Un modèle hérité de notre histoire et de la Révolution de 1789.
Ce modèle français, et que partagent nombre de pays européens, est gravé à l’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme ».
Mais la phrase suivante précise : « sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »
C'est cet équilibre pluriséculaire que la France s’efforce de tenir. Équilibre entre droits et devoirs. Entre liberté et responsabilité. Et entre information et intoxication.
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Et pour défendre ce modèle, la France agit à deux échelles : nationale et européenne.
À l’échelle nationale, la France a ainsi créé, en 2021, un service spécialisé, VIGINUM, pour contrer les ingérences numériques étrangères. La mission de cette « tour de contrôle » informationnelle est triple : d’abord, détecter les campagnes de désinformation orchestrées par des puissances étrangères ; ensuite, analyser leurs mécanismes ; enfin, informer les pouvoirs publics et alerter l’opinion.
D’autres services sont également mobilisés : à l’image de PHAROS, la plateforme de signalement des contenus illicites en ligne du ministère de l’Intérieur.
Sur le plan législatif, les députés ont également agi. Sous ma Présidence, les députés ont adopté en particulier une loi très importante : la loi du 21 mai 2024 visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique.
Elle double les peines contre les auteurs de deepfakes.
Et désormais, notre autorité administrative indépendante chargée de la régulation des médias, l’ARCOM, peut enjoindre des chaînes de propagande étrangère, sous sanctions européennes, à stopper toute diffusion sous 72 heures.
Très concrètement, en mars dernier, cette loi a permis à l’ARCOM de couper la diffusion par satellite des chaînes de propagande russe, STS et Kanal 5.
Mais cette loi vise aussi à éduquer, en instaurant des cours d’éducation aux médias pour les collégiens.
Car le plus puissant des boucliers, c'est l'esprit critique. La rationalité des Lumières. Pour remettre les faits, le réel, la vérité, au cœur du débat.
Enfin, à l’échelle de l’Union européenne, le Digital Services Act est entré en vigueur en février 2024. Ce règlement européen a fixé un principe clair : ce qui est illégal hors ligne doit l'être aussi en ligne.
Il a aussi obligé les plateformes à plus de transparence sur leurs algorithmes, pour mieux lutter contre la circulation virale de contenus falsifiés.
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Chers collègues,
Protéger le citoyen de la manipulation, ce n'est pas brider sa liberté, c'est la garantir.
Réguler les plateformes, ce n'est pas censurer le débat, c'est en assurer la loyauté et la possibilité même.
Notre devoir, en tant que législateurs, est de donner à la vérité les moyens de se défendre.
C’est une condition de survie pour nos démocraties parlementaires.
Je vous remercie.