Ouverture de la séance plénière de l’Assemblée parlementaire franco-allemande (APFA)

Lundi 1 décembre

Berlin

Seul le prononcé fait foi

Madame la Présidente du Bundestag, chère Julia Klöckner,

Mesdames les ministres,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Monsieur l’Ambassadeur,

Mesdames et Messieurs,

« Bonjour la France, Boualem revient. On va gagner ! »

Voici les tout premiers mots qu'a prononcés Boualem Sansal en foulant le sol de Berlin, après sa libération.

Et si je convoque aujourd'hui, au Bundestag, la figure de ce grand écrivain franco-algérien, si connu et apprécié en Allemagne pour son roman « Le Village de l’Allemand », c'est parce que sa libération est bien plus qu'un immense soulagement humanitaire. C'est un symbole éclatant.

Le symbole de la confiance qui lie nos deux pays.

Le symbole de l’efficacité et de la force de notre coopération.

Le symbole que lorsque la France et l'Allemagne s’unissent et font bloc, la liberté l'emporte toujours sur l'arbitraire.

C'est en effet grâce à la médiation décisive, comme « tiers de confiance », du Président Frank-Walter Steinmeier que cet heureux dénouement a été rendu possible. Oui, c'est cela, l'amitié franco-allemande en actes. Nous voulions, à nouveau, vous remercier de cette intervention décisive qui a permis d’aider à la libération d’un de nos compatriotes qui était détenu injustement depuis un an. C’est l’occasion pour moi de le faire, au nom de la Représentation nationale française.

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Chers collègues, Mesdames, Messieurs,

C'est sous ce double signe de l’espoir et de l’efficacité que j’ai l’honneur d’ouvrir cette plénière de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, aux côtés de Julia Klöckner.

Je me souviens avec émotion de ma première participation à cette assemblée. C’était ici même, à Berlin, en novembre 2022. Et je concluais alors mon propos par cette maxime de Cicéron : « C’est dans l’adversité que se révèlent les vrais amis ».

Trois ans ont passé depuis. Trois années d'amitié sincère, mais aussi, en effet, d'adversités redoutables, avec deux dissolutions, une sur chaque rive du Rhin.

Et, parallèlement, nos deux sociétés ont été confrontées à la montée des tensions et des partis extrêmes. De plus en plus, une polarisation insidieuse et pernicieuse fracture notre débat public, rendant presqu’inaudibles les discours nuancés ou dépassionnés. Un vent mauvais souffle désormais sur nos États de droit et nos valeurs démocratiques.

À ces périls politiques s’ajoutent encore des défis socio-économiques : nos modèles de protection sociale et de croissance sont en effet percutés par les mêmes murs - le mur budgétaire, le mur démographique, le mur climatique.

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Dans ce monde qui se disloque, l’Europe doit être un roc. Oui, l’heure d'une Europe-puissance a sonné. L'heure d'une Europe souveraine, maîtresse de son destin, garante de sa sécurité, gardienne de ses frontières.

Et pour que cette Europe-puissance advienne, un levier existe. Un levier éprouvé, exigeant, mais irremplaçable : le couple franco-allemand.

C'est le cœur battant de notre combat commun. C'est la raison d'être de cette Assemblée.

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Certains jugeaient ce moteur franco-allemand grippé. C'est tout le contraire : en août dernier, la double tenue du Conseil des ministres franco-allemand et du Conseil franco-allemand de défense et de sécurité a prouvé toute sa vitalité.

Ces deux Conseils, de même que nos récentes réunions, ont rappelé cette vérité essentielle : de l’énergie au commerce, de l’industrie à la défense, tous les champs d’action publique nécessitent aujourd'hui un véritable réflexe franco-allemand.

Mais s'il est un domaine où notre couple a été particulièrement actif et productif ces dernières semaines, c'est bien celui du numérique.

Ainsi, lors du tout récent « Sommet sur la souveraineté numérique européenne » tenu à Berlin, le 18 novembre dernier, et que nos deux pays ont co-présidé, nous avons obtenu des résultats clairs et concrets.

Pour bâtir une Europe innovante et à l’avant-garde de l’ère numérique ;

Pour investir 12 nouveaux milliards d’euros dans les technologies-clés ;

Pour créer une Europe souveraine sur ses données ;

Pour adapter et simplifier la législation européenne relative à l’Intelligence Artificielle ;

Pour créer des champions européens du numérique.

Transformer ces ambitions en actions : telle est la mission du nouveau groupe de travail sur le numérique que viennent de créer nos deux pays.

Une mission que notre Assemblée commune fait aussi sienne aujourd'hui, à travers les auditions que nous conduirons. Et je voudrais remercier avec vous, pour leur participation, la Ministre fédérale de la Recherche, de la Technologie et de l’Espace, Madame Dorothée Bär, ainsi que la Ministre déléguée française chargée de l'Intelligence artificielle et du Numérique, Madame Anne Le Henanff.

Mesdames les ministres, nous suivrons avec grande attention vos auditions. Car il ne faut pas s'y tromper : le numérique, la recherche, l’innovation de rupture, c’est la clé de notre indépendance, sur tous les plans - économique, démocratique, géostratégique. Au fond, il s'agit de notre souveraineté. De notre capacité à rester libres.

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Garantir la liberté et la souveraineté de notre continent : voilà également l'essence même, la raison de notre mobilisation commune et plus que jamais déterminée aux côtés de l'Ukraine.

Alors que le peuple ukrainien continue de verser héroïquement son sang pour défendre sa liberté, je le dis clairement : nous voulons une paix juste, respectueuse du droit international, et durable.

Mais cette paix ne saurait être une capitulation de l’Ukraine et un renoncement imposé à sa souveraineté.

C'est l’Ukraine qui doit décider de son avenir.

La récente réunion des 35 membres de la Coalition des volontaires, co-présidée par le Président Macron, le Chancelier Merz et le Premier ministre Starmer, a confirmé la nécessité de poursuivre le soutien multidimensionnel à l’Ukraine – soutien financier, militaire, humanitaire. Car l’Ukraine doit tenir bon.

Aujourd’hui même, se déroulent une réunion à Moscou, et des réunions aux États-Unis. L’Europe doit évidemment peser dans ces discussions, dans ces échanges.  Car nous ne pouvons plus faire confiance à la Russie, tout accord de paix devra également comporter des garanties de sécurité robustes sur le long terme.

Ces garanties de sécurité, c’est d’abord une armée ukrainienne forte, capable de dissuader toute nouvelle agression russe. C’est aussi, après la conclusion d’un cessez-le-feu, le déploiement de forces de réassurance, pour consolider l’armée ukrainienne.

L’implication des États-Unis est aujourd'hui capitale pour maintenir notre soutien à l’Ukraine, accentuer la pression sur la Russie et poursuivre les discussions de paix. Si nous pouvons saluer la mise en place d’une taskforce sur tous ces sujets il faut néanmoins que nous restions très vigilants et que nous maintenions, au sein de nos Parlements respectifs, cette unité dont nous avons tant besoin pour soutenir l’Ukraine.

Chère Julia, je sais que tu étais récemment aux côtés de Ruslan Stefanchuk, notre homologue ukrainien, et que tu as participé au récent Sommet parlementaire de la Plateforme de Crimée. Ces instances parlementaires sont indispensables pour porter la voix de nos peuples dans ces situations extrêmement complexes et graves.

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Chers collègues, Mesdames, Messieurs,

Le fracas des armes ne résonne pas qu'en Europe de l’Est. Il a aussi déchiré le Proche-Orient. 

Nous avons salué le moment historique qu’a constitué l’accord du 10 octobre et le plan de paix américain pour Gaza.

L’adoption de la résolution 2803 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui autorise la mise en œuvre du plan de paix, est un point de départ. Il faut désormais en garantir la bonne mise en œuvre.

Cette application passe par la consolidation du cessez-le-feu, la protection des civils et un accès humanitaire qu'il faut garantir à Gaza sans entraves, sous l’égide des Nations unies.

Elle exige aussi le déploiement rapide de la Force internationale de stabilisation pour appuyer l’Autorité palestinienne, empêcher la reprise des violences, désarmer le Hamas et organiser le plein retour de l’Autorité palestinienne à Gaza.

Tels sont les prérequis à notre objectif final : instaurer une paix durable dans la région, fondée sur deux États vivant côte à côte et en sécurité.

Et pour cet objectif aussi, nos diplomaties parlementaires ont un rôle à jouer, afin de retisser les fils du dialogue quand ils paraissent rompus. C'est dans cet esprit, et en associant les principales forces politiques de l’Assemblée nationale, que j’ai reçu le 12 novembre dernier, le Président de l’État de Palestine, Mahmoud Abbas.

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Chers collègues, Mesdames, Messieurs,

Cette guerre proche-orientale, nous le savons, a entraîné des répliques sismiques jusque dans nos deux pays. Depuis le 7 octobre, l'antisémitisme a resurgi. À Berlin comme à Paris, on a peur d'être Juif. C'est intolérable. C'est insupportable.

Face à ce fléau, France et Allemagne font aussi front commun. C’est ce que prouvera encore une fois notre plénière. Nous y examinerons en effet une délibération importante qui réaffirme que la lutte contre la haine antisémite est une priorité absolue et durable de notre partenariat, au service de nos valeurs démocratiques.   

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Mes chers collègues, c'est même un nombre record de résolutions que notre Assemblée examinera pour cette session.

Du train de nuit Paris-Berlin à la lutte contre le plastique aux projets d’armement conjoints ou à la protection des consommateurs, nous examinerons 11 textes qui reflètent nos priorités conjointes et les préoccupations concrètes de nos concitoyens.

11 textes qui sont aussi, pour leur grande majorité, portés de manière transpartisane, au-delà des clivages politiques - ce que je tiens à saluer.

Je me félicite également que notre Assemblée, ces derniers mois, ait fait preuve de réactivité et d’agilité, comme nous l’avions souhaité lors de notre dernière plénière à Paris.

En témoigne la première « mission flash » consacrée à la mise en œuvre du traité d’Aix-la-Chapelle, conduite par les Co-Présidents de notre Bureau, Mme Brigitte Klinkert et M. Andreas Jung, duo dont je salue le dynamisme ! Vous examinerez ce jour leur rapport conjoint.

En témoigne également la réforme de notre règlement, que vous allez adopter tout à l’heure. Elle ouvre des perspectives prometteuses pour mener d’autres de ces missions « flash ».

En témoigne encore la tenue d’une « Assemblée franco-allemande express », le 9 juillet dernier, pour auditionner nos ministres de l’Intérieur sur ce sujet brûlant des contrôles aux frontières, qui inquiète tant nos concitoyens.

Je le crois profondément : cette agilité, cette réactivité, cette capacité à obtenir rapidement des résultats, nous devons la conserver et l’amplifier. Quand le monde accélère, la démocratie n'a pas le droit de tergiverser. 

Plus agile et réactive, notre assemblée doit également davantage s’ouvrir vers la société civile et la jeunesse, pour valoriser la force et le dynamisme de leur engagement.

C'est toute l’ambition du nouveau Prix parlementaire franco-allemand que nous avons remis tout à l’heure avec Julia.

Ensemble, nous avons récompensé et célébré la réussite de deux magnifiques projets, qui empruntent le langage universel de la culture, de la musique et du sport pour rapprocher nos deux peuples.  

Voilà l'Europe charnelle. Voilà l'Europe réelle. L’Europe de l’engagement. Celle qui unit les peuples et les jeunesses. Celle dont nous sommes tous fiers.

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Chers collègues, Mesdames, messieurs,

Je ne saurais conclure sans remercier chaleureusement ceux qui font battre le cœur de notre relation.

Chère Julia Klöckner, madame la Présidente, tu as choisi la France pour ta première visite officielle. Ce fut un honneur de t’accueillir à l'Assemblée nationale, et je suis ravie que nous puissions aujourd'hui amplifier et confirmer notre fructueuse entente.

Merci à toi, madame la Questeure, chère Brigitte Klinkert, qui fais vivre cette amitié avec ton homologue Andreas Jung.

Et enfin, merci à vous tous, présidents et membres des groupes d’amitié et des Commissions des affaires étrangères, de la défense et des affaires européennes, parlementaires membres de notre assemblée commune. Vous êtes les artisans et architectes de notre amitié au quotidien.

Chers collègues, Mesdames, Messieurs,

« On va gagner », disait Boualem Sansal à son arrivée à Berlin.

Alors, ensemble, parlementaires français et allemands, faisons gagner la démocratie.

Ensemble, faisons gagner la paix.

Ensemble, faisons gagner l'Europe. Vielen Dank

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