Cérémonie d’apposition d’une plaque en hommage à M. Pierre Bérégovoy, ancien Premier ministre, dans le cadre du centenaire de sa naissance

Mardi 16 décembre

Hémicycle 
Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le Président de la République, cher François Hollande,

Messieurs les Premiers ministres, chers Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls,

Monsieur le Président, cher François de Rugy,

Mesdames et messieurs les ministres,

Monsieur le Président de groupe, cher Boris Vallaud, et Monsieur le Premier secrétaire du Parti socialiste, cher Olivier Faure,

Monsieur le Président de groupe, cher Stéphane Peu,

Madame la Présidente de la délégation aux droits des enfants, chère Perrine Goulet,                                     

Mesdames et messieurs les membres du Bureau,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Monsieur le maire de Nevers, cher Denis Thuriot,

Monsieur le Gouverneur de la Banque de France,

Monsieur le Secrétaire général de l’Assemblée et de la Présidence,

Mesdames et messieurs les membres de la famille de Pierre Bérégovoy,

 

Mesdames, Messieurs,

 

« On ne m’a jamais rien donné, j’ai tout conquis par moi-même. »

 

Ainsi Pierre Bérégovoy décrivait-il son itinéraire personnel et politique.

 

Son histoire est celle de la plus magnifique des promesses : la promesse républicaine.

 

Pierre Bérégovoy, c'est en effet une trajectoire sociale d’exception.  

 

50 ans après avoir commencé, comme tourneur-fraiseur, à l’usine Fraenckel d’Elbeuf, l’enfant normand de La Vaupalière, fils d’Adrian, ouvrier d’origine ukrainienne, et d’Irène, elle aussi ouvrière, est nommé à Matignon.

 

Durant ce demi-siècle, rien ne lui fut épargné ;

 

Parce qu’il ne venait pas du bon milieu.

 

Parce qu'il n'avait pas les bons diplômes.

 

Parce qu’il refusait la place qui lui était assignée.

 

**

 

« Mais enfin, Pierre, tu n’y penses pas ! », lui lance ainsi un responsable politique important, à qui Bérégovoy avait confié ses rêves de Matignon.

 

Eh bien si, Pierre y pense. Car sa passion depuis l’enfance, c’est la politique. La res publica. L’intérêt général.  

 

À dix ans, il s’amuse déjà à composer un gouvernement fictif avec ses camarades de classe. Très tôt, une certitude l’habite : il s’engagera dans la Cité. Pas pour lui-même – mais pour autrui.

 

Car il a déjà, tout jeune, une conscience aiguë des injustices sociales. Dès le primaire, il fait cotiser sa classe pour acheter des fournitures scolaires aux plus démunis.

 

**

 

Cependant, avant de partir à la conquête du pouvoir, Bérégovoy doit d’abord conquérir sa liberté.

 

Nous sommes en 1941. Lorsqu’un premier « mur d’argent » se dresse face à lui : Adrian, souffrant de la tuberculose, arrête de travailler. Pierre doit alors subvenir aux besoins de sa famille, lui qui est l’aîné d’une fratrie de quatre (avec Marcel, Jeanine et Michel, qui fut aussi député).

 

A 16 ans seulement, alors qu'il se destinait à devenir avocat, Pierre doit entrer comme tourneur-fraiseur, dans une filature d’Elbeuf. Il y reste un an, avant de commencer une brillante carrière de cadre – à la SNCF puis à Gaz de France.

 

De ces expériences concrètes, ses convictions socialistes sortiront renforcées. Naîtra également une immense force de caractère et de travail qu’il mettra au service de son pays. Et d’abord de la Résistance.

 

Car Vichy, c’est l’anti-Bérégovoy. C'est la négation des valeurs républicaines que lui ont léguées ses parents, et Gaston Levieux, son hussard noir de La Vaupalière.

 

Aussi, en juillet 1943, à 18 ans, Pierre rejoint le groupe Résistance-Fer pour mener, avec ses camarades, la célèbre « bataille du rail ».

 

En 1944, il intègre les Forces Françaises de l’Intérieur, et participe, les armes à la main, à la libération d’Elbeuf. Avec lui et les FFI de Normandie, la Seine-Maritime devient la Seine Résistante.

 

« Nous étions plutôt inconscients » raconte-t-il sur ces jours de courage et de gloire. « Vous savez, quand à dix-huit ans vous voyez un fusil allemand braqué contre vous, c'est autre chose » expliquait-il aussi souvent, plus tard, à ses collaborateurs, quand il partait au contact de manifestants en colère.

 

**

 

Ainsi commence, brillamment, courageusement, le parcours de Pierre Bérégovoy.

 

Résistant, il fut aussi un militant, toute sa vie, de l’aube au crépuscule.

 

D’abord à la fédération SFIO de Seine-Maritime, où, fidèle à l’héritage de Léon Blum et de Guy Mollet, il impressionne par sa rigueur et sa force de travail.

 

Puis, en 1958, par conviction anticoloniale, il quitte pour quelques années la SFIO, et participe à la fondation du Parti Socialiste Unifié, auprès de Pierre Mendès France, dont il deviendra un véritable disciple.    

 

À partir des années 1970, c’est aux côtés de François Mitterrand qu’il poursuit son parcours politique. Entre eux naissent de profondes relations de confiance, de respect et d’amitié. Mitterrand voit en lui un homme compétent, fin connaisseur du monde syndical. Rapidement, il lui confie la négociation du Programme commun.

 

Et quel hommage, quelle émotion de voir que Pierre Bérégovoy a désormais son nom gravé dans l’hémicycle, aux côtés de ses mentors : Pierre Mendès France et François Mitterrand. Quel symbole aussi de voir sa plaque apposée sur le même siège – le 516 – que celui occupé par le Président Mitterrand. Leurs deux noms étaient réunis dans notre histoire politique ; ils le sont désormais dans l’hémicycle de la République.

 

**

 

Mais reprenons notre récit. Dans les années 1970, l’histoire de Bérégovoy se confond avec celle du socialisme : des moments d’espérance, comme de désillusions.

 

Ainsi, en 1974, après la courte défaite de Mitterrand, Bérégovoy est au bord des larmes.  

 

Puis vient la rédemption. La « force tranquille » de 1981. Durant la campagne présidentielle, Pierre Bérégovoy est le négociateur en chef des alliances avec la gauche et contribue aussi aux 110 propositions, celles qui doivent « changer la vie ».  

 

Le 10 mai 1981, en ce jour historique pour la gauche, Bérégovoy est aux premières loges, Rue de Solférino, pour célébrer la victoire.

 

Conscient de ses qualités, le Président élu le veut au plus près de lui, et lui confie le si stratégique Secrétariat général de l’Élysée. Jamais un non-énarque n’avait occupé cette fonction.

 

Là aussi, Pierre Bérégovoy fut un premier et un pionnier, incarnant cette République des possibles qui brise tous les plafonds de verre.

 

**

 

« Quel chemin parcouru ! » Voici ce qu'il répète à ceux qu'il reçoit à l’Elysée.

 

L’usine, la Résistance, le militantisme : Bérégovoy a tout connu. Tout subi aussi.

 

Mais, où qu’il fût, il put toujours compter sur le soutien indéfectible de sa famille.

 

Gilberte, d’abord, son épouse. C’est la politique qui les a unis, dans tous les sens du terme. Socialiste, institutrice, Normande, elle avait, il faut le dire, tout pour lui plaire !

 

Un an après, vous venez au monde, chère Catherine. Puis, 15 ans plus tard, la famille s’agrandit, avec Lise et Pierre.

 

La famille, c’est le refuge de Pierre Bérégovoy. Son roc, son repère.

 

Dès qu'il a du temps libre, il le consacre aux siens. Le plus possible, il veille à quitter son bureau avant 20h30, pour passer du temps en famille. Et malgré son emploi du temps de ministre, il s’attache à ne jamais manquer aucune fête, aucun anniversaire. Ayant enfin appris, auprès d’un ancien député, Victor Hugo, « cet art d’être grand-père », il prend en particulier plaisir à s’occuper de ses 5 petites-filles - qu'il reçoit souvent chez lui à Nevers.

 

**

 

Car Nevers, c’est sans doute la deuxième famille de Pierre Bérégovoy. Une ville dont il sera le maire à partir de 1983, puis le député à partir de 1986.

 

Même Premier ministre, il reste toujours accessible auprès des Neversois, gardant sa chaleur humaine et son attachement à la France populaire. Un habitant se souvient encore : « Il était simple dans ses paroles et sa manière d’être. Il était proche des gens et se mettait facilement à leur place. C’était un homme gentil, aimable. »  

 

Pierre Bérégovoy, par ses passions, sa manière d’être et son caractère, était en effet un homme droit et simple, proche de la vie des gens. Il adorait passer ses soirées à regarder les matchs de football, à lire des romans policiers, et à jouer aux mots croisés et à la belote. Bon vivant et amateur des arts de la table, il régalait aussi ses invités en cuisinant, au barbecue, ses fameuses brochettes, avec son tablier décoré d’une grande tête de Mickey. Après de longs dîners en famille, il aimait enfin, par-dessus tout, danser et valser avec Gilberte, parfois jusqu'à 4 heures du matin, sur les chansons de Charles Trenet, son artiste préféré.

 

Mais si les Neversois l’ont tant apprécié, c’est autant pour sa personnalité simple et attachante, que pour son bilan municipal. Le circuit de Magny-Cours, le désenclavement de la ville, l’hôpital qui porte aujourd'hui son nom… Pierre Bérégovoy est un maire bâtisseur !

 

Son héritage est encore aujourd'hui unanimement apprécié – et je voudrais ici remercier tant le maire de Nevers, cher Denis Thuriot, que la Présidente Perrine Goulet, qui se sont ensemble mobilisés pour cette cérémonie.

 

Mais le cœur de l’engagement de Pierre Bérégovoy à Nevers fut peut-être, d’abord et avant tout, pour l’avenir. C’est en effet pour la jeunesse qu'il multiplie les projets, comme le développement de la formation post-bac, l’implantation de l'Institut Supérieur de l'Automobile et des Transports ; ou la création de ce trésor d’engagement civique : le Conseil municipal des enfants.

 

Comme un symbole, ce Conseil se réunit encore aujourd'hui dans la « salle Pierre-Bérégovoy » de la mairie.

 

Chers jeunes, chers membres du Conseil municipal des enfants de Nevers, Pierre Bérégovoy aurait été fier de vous voir réunis ici, pour lui rendre hommage.

 

**

 

Mesdames, messieurs, Pierre Bérégovoy est un homme d’action et d’engagement, à Nevers comme à Paris. C’est pourquoi il se sent parfois à l’étroit dans ce rôle stratégique, mais discret, de Secrétaire général de l’Elysée.

 

En juin 1982, son plaidoyer a gain de cause : il devient ministre aux Affaires sociales. Débute alors une grande carrière ministérielle. Il s’emploie d’abord à réduire les déficits de la Sécurité sociale, comme à tenir la promesse de la retraite à 60 ans.

 

Ses qualités convainquent le Président de lui confier des responsabilités plus importantes. Promu ministre de l’Economie et des Finances en 1984 et numéro 3 du gouvernement, il assoit rapidement son autorité - malgré le mépris de classe de hauts fonctionnaires qui toisent cet ancien ouvrier, fils d’ouvriers. Dans son dos, certains l’appellent le « garagiste », ou le « mécano ».

 

Rigoureux, méticuleux, loyal, travailleur, il devient l’un des hommes forts du gouvernement, gagnant le respect des Français, incarnant cette réputation de sérieux budgétaire qui faisait défaut à la gauche.

 

Son bilan est impressionnant : maîtrise des déficits publics, stabilisation de la monnaie, libéralisation des marchés financiers, renforcement de la compétitivité des entreprises, et lutte contre l’inflation, qu'il qualifiait « d’impôt sur les pauvres ».

 

Toutes ces mesures le rendent parfois impopulaire chez une partie de la gauche. Mais il en est convaincu : ces réformes, ce fameux « tournant de la rigueur », la France en a besoin pour sauver les avancées de 1981, comme pour entrer, réformée et renforcée, dans la mondialisation.

 

**

                           

Mesdames, Messieurs,

 

Malgré tous ces succès, une blessure grandit peu à peu. Le ministre rêve en effet d’une autre destinée. Son objectif avoué est de devenir Premier ministre.

 

En 1988, puisqu'il dirige de nouveau la campagne présidentielle victorieuse de François Mitterrand, chacun l’y voit déjà.

 

Cependant, renommé ministre de l’Économie et des Finances, il lui faudra attendre le 2 avril 1992, pour que vienne enfin la consécration.

 

Et pourtant, c’est avec une forme d’amertume qu’il arrive à Matignon.

 

« C’est trop tard, beaucoup trop tard ! », se plaint-il aux amis venus le féliciter.

 

Chacun pressent, en effet, que la gauche sera laminée lors des législatives de mars 1993. Le compte à rebours est lancé : il lui reste 11 mois pour agir.   

 

Lors de sa déclaration de politique générale, prononcé dans cet hémicycle même, il défend la rigueur comme « exigence de bonne gestion ». Il martèle encore son ambition de s’attaquer au chômage, « cette nouvelle frontière sociale », ainsi qu'à l’insécurité et à la corruption. Car Pierre Bérégovoy, c’est l’exigence d’une vie politique plus morale.

 

C’est aussi l’affirmation de la vocation européenne de la France. Comme le Président Mitterrand, le Premier ministre pense que l’Europe est « notre avenir. »

 

Cette conviction, il la porte lors de la campagne référendaire sur Maastricht. Une campagne qu'il mène avec succès : puisque le 20 septembre 1992, le « oui » l’emporte.  

 

Toutefois, le couperet des législatives s’approche. Mais pire qu'une défaite, c'est un désastre qui survient : le PS chute de 277 à 57 députés.

 

Pour Bérégovoy, cette défaite, c’est la sienne. Lui, pourtant, n’a pas perdu. Dans la Nièvre, il est même confortablement réélu député.  

 

**

 

Mesdames, Messieurs,

 

Nous sommes alors presqu'un mois avant le 1er mai 1993.

 

Pierre Bérégovoy est marqué par la défaite, l’isolement politique et les soupçons injustifiés sur sa probité.

 

Sa fin tragique nous rappelle qu’au-delà des différences et des confrontations d’idées, la politique est une affaire de femmes et d’hommes dont les succès, les échecs et les polémiques prennent souvent des proportions dramatiques.

 

Sa décision prise en ce funeste 1er mai 1993, voilà plus de trente ans, fut - pour reprendre vos mots, chère Catherine Bérégovoy-Cottineneau - son « dernier geste d’homme libre ».

 

Le choc suscité par l’annonce de sa mort témoigne de la grande affection que les Français portaient à ce défenseur de l’intérêt général. En quelques jours, plus de 250 000 lettres de soutien sont adressées à Gilberte Bérégovoy et à la mairie de Nevers. 

 

**

 

Mesdames, Messieurs, En rendant hommage à Pierre Bérégovoy, un siècle après sa naissance, nous célébrons la noblesse de la promesse républicaine, et l’engagement d’une vie pour l’intérêt général. Pour servir son pays. Et pour servir sa jeunesse.

 

Car c'est bien la jeunesse que Pierre Bérégovoy plaçait au cœur de ses préoccupations. En effet, sa conviction profonde, et je le cite pour conclure, c’est qu’« il faut toujours faire confiance à la jeunesse, parce qu’elle voit plus loin, et donc elle voit plus juste. »

 

C’est donc à vous, chers membres du Conseil neversois de la jeunesse, un héritage auquel Pierre Bérégovoy tenait tant, que je donne maintenant la parole. Vous allez interpréter deux discours fondateurs de Pierre Bérégovoy, un sur le projet de budget 1985, et un sur la ratification du traité de Maastricht.

 

Chère Marianne – un nom si symbolique dans notre hémicycle – cher Arthur, je vous laisse à présent la parole et vous remercie.

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