Commémoration du 230e anniversaire de la première abolition de l’esclavage
Mardi 6 février
Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Premier ministre et président de la Fondation pour la Mémoire de l’esclavage, cher Jean-Marc Ayrault,
Monsieur le Président,
Mesdames les vice-présidentes,
Madame la première questeure,
Monsieur le président de la commission des Lois,
Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,
Mesdames, messieurs,
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », proclame la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, adoptée par l’Assemblée nationale le 26 août 1789. On comprend que ce texte libérateur, de portée universelle, ait suscité des espoirs extraordinaires dans les anciennes colonies sucrières, dont l’économie reposait sur la traite et l’esclavage. On aimerait pouvoir dire que, dès 1789, en application directe de cette Déclaration, l’égalité des droits ait été reconnue à tous, quelle que soit la couleur de peau, et que les esclaves aient été libérés. Hélas, la réalité fut beaucoup plus complexe.
Deux siècles plus tard en effet, au large de la Bretagne, a été retrouvée l’épave d’une corvette qui avait fait naufrage en 1795. Ce vaisseau s’appelait Assemblée nationale, en hommage justement à ces députés de 1789 qui avaient jeté les bases de la démocratie en France. Et pourtant, nous le savons avec certitude, ce même navire servait à la traite négrière !
Je remercie Céline Calvez de m’avoir signalé cette histoire, puisque c’est son oncle Daniel David qui a découvert et repêché ce qui reste de cet étrange navire. Grâce à l’obligeance du Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM), vous pourrez en voir des vestiges, à côté des intéressants documents conservés par l’Assemblée nationale et exposés dans ce salon.
Qu’un navire dénommé Assemblée nationale ait pu servir à transporter des esclaves nous montre à quel point la logique qui avait cours en Europe, entre 1789 et 1794, nous apparaît incompréhensible. Ce fait historique nous montre d’abord qu’on ne peut plaquer sur le passé la morale d’aujourd’hui ; mais il nous permet aussi de mieux comprendre à quel point étaient en avance sur leur temps les premiers qui prirent position contre la traite et l’esclavage, au sein de la Société des Amis des Noirs, comme Mirabeau, Condorcet ou l’abbé Grégoire.
Il y a 230 ans, en février 1794 ou plutôt en « pluviôse an 2 » comme disaient les républicains de l’époque, les représentants du peuple français accueillaient en leur sein trois nouveaux collègues arrivés de Saint-Domingue : un Blanc, Dufay ; un métis, Mills ; et un Noir, Belley. Tous trois venaient de vivre un incroyable périple, via Philadelphie et New York ; à Philadelphie, ils avaient été agressés ; après avoir traversé l’Atlantique, ils furent d’abord écroués comme suspects, avant d’être admis enfin à siéger à la Convention, où ils apportaient des nouvelles alarmantes.
La situation était confuse à Saint-Domingue, où les esclaves s’étaient révoltés depuis deux ans déjà ; les commissaires civils envoyés sur place, Polverel et Sonthonax, avaient déjà proclamé localement l’abolition de l’esclavage, sans parvenir à éteindre la guerre civile et ses ravages.
« C’en était fait d’une multitude innombrable d’hommes qui, dans le désarroi général, se seraient entr’égorgés les uns les autres, divisés en cent partis différents, toujours en guerre, opprimants ou opprimés », lance Dufay à ses collègues, rappelant les événements : les colons ignorant et bloquant les réformes, refusant de reconnaître leurs droits aux libres de couleur – autrement dit la petite minorité des Noirs affranchis et des métis qu’on appelait « mulâtres ». Les esclaves qui se rebellent et prennent leur liberté. Les massacres entre factions, encouragés par les Anglais et les Espagnols qui convoitent la colonie.
Et c’est ainsi que la Convention, dans sa séance du 16 pluviôse an 2 ou 4 février 1794, déclare aboli l’esclavage dans toutes les colonies : « En conséquence, elle décrète que tous les Hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la Constitution. »
Danton, alors, prend la parole et déclare : « Représentants du peuple français, jusqu’ici nous n’avons décrété la liberté qu’en égoïstes et pour nous seuls. Mais aujourd’hui nous proclamons à la face de l’univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle. »
Tel est l’événement que nous commémorons aujourd’hui. Je préfèrerais dire « célébrons » que « commémorons », mais le verbe « célébrer » comporte une dimension d’optimisme et de joie qui serait peut-être déplacée, car cette abolition de 1794 ne fut pas définitive : abolition tardive, en trompe-l’œil, elle n’eut guère d’effet puisque des colonies aussi importantes que la Martinique passèrent sous le contrôle des Anglais. 1794 fut une étape, pourtant, sur la voie d’une émancipation complète pour laquelle combattirent les grands républicains français. Rétabli en 1802, l’esclavage ne fut définitivement aboli qu’en 1848, par le décret Schœlcher, sous-secrétaire d’État à la Marine.
En 1848, il n’y eut donc pas de débat législatif, pas de débat parlementaire, sur l’abolition de l’esclavage, hélas. Mais un ancien esclave, devenu citoyen français, Louisy Mathieu, fut élu représentant du peuple et, devant ses collègues de l’Assemblée nationale constituante, salua la portée de cette victoire de la liberté, obtenue par l’action conjointe des victimes de l’esclavage et des abolitionnistes de l’Hexagone : « Il n’y a plus de couleurs », lança-t-il.
Mesdames, messieurs, avant de passer à la parole à M. le Président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, puis à l’historien Frédéric Régent, je voudrais tirer au présent un simple enseignement de cette histoire. Elle nous montre en effet qu’en toute circonstance, aujourd’hui comme hier, partout dans le monde, il faut prendre au sérieux cette phrase de la Déclaration de 1789 selon laquelle « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’Homme sont les seules causes des malheurs publics ». Pour la liberté, l’égalité et la fraternité, pour la défense des principes démocratiques et de l’État de droit, je serai, nous serons, toujours au rendez-vous !
Je vous remercie et je donne la parole à Jean-Marc Ayrault.
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