Ouverture de l’exposition "L’Assemblée nationale s’engage pour les Objectifs de développement durable"

Mercredi 13 janvier

 

Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi

 

Mesdames et Messieurs les Députés,

Mesdames, Messieurs,

 

Malgré les circonstances particulières dans lesquelles nous vivons tous depuis plusieurs mois, le mois de janvier reste celui des vœux. Je commencerai donc par vous souhaiter une bonne année.

À cet égard, l’événement qui nous réunit aujourd’hui nous donne l’occasion de formuler des vœux non seulement pour l’année qui vient, mais pour la décennie qui nous mène à 2030.

En effet, les 17 objectifs de développement durable sont autant de vœux que l’on pourrait adresser à l’humanité, c’est-à-dire à nous, à nos proches, à nos descendants.

Que plus personne ne souffre de pauvreté ni de faim, par exemple, pour commencer par les objectifs n°1 et 2. Que chacun puisse vivre en bonne santé, progresser dans ses apprentissages, à tout âge [objectifs 3 et 4]. Que les femmes et les filles soient partout reconnues et traitées à égalité avec les hommes et les garçons [5]. Que l’eau, le climat, les océans, la biodiversité ne soient plus menacés [6, 13, 14, 15]. Que chacun puisse subvenir à ses besoins par son travail, dans des conditions dignes et décentes [8], habiter dans des villes et des villages ouverts et sûrs [11], dans la paix et la justice [16]…

Faire ce tour d’horizon des 17 objectifs est donc particulièrement salutaire.

Au pays de Descartes, nous aimons bien l’analyse, cette méthode qui consiste à découper un problème global en problèmes plus petits, et encore plus petits, jusqu’à ce qu’ils aient la taille de problèmes qu’on puisse résoudre mathématiquement. Et on fait le pari que la somme des petites solutions mathématiques constituera une solution au problème global de départ.

Nous avons une action publique, en particulier, dont l’efficacité semble liée à sa structuration en ministères disjoints, chacun en charge d’un aspect du problème à régler. Et j’admets que ce système a été efficace. Il y eut une époque, pas si lointaine, où le progrès se décomposait en problèmes simples : on devait construire des routes, augmenter les rendements agricoles, loger proprement des millions d’habitants de bidonvilles, accueillir des millions d’élèves et d’étudiants…

En résolvant ces problèmes particuliers, avons-nous pour autant résolu le problème global ? Les répercussions sur le climat et la biodiversité, les évaluations PISA, semblent prouver que non.

Pourtant, aujourd’hui encore, le cycle des informations imposé par les chaînes ou les réseaux sociaux nous fait passer de thème en thème, jour après jour. À chaque question on exige une réponse simple et formulée en moins de 20 secondes ! C’est Descartes sous amphétamines.

Lire les intitulés des 17 ODD, à l’inverse, c’est redonner droit à la complexité. Car il s’agit de les atteindre tous, ces 17 objectifs ! Sacrifier l’eau [6] au bénéfice de l’alimentation humaine [2], par exemple, n’aurait évidemment aucun sens…

Ces objectifs se renforcent parfois les uns les autres, mais ils peuvent aussi sembler contradictoires. La solution la plus efficace pour l’alimentation humaine, par exemple, n’est pas forcément optimale quand on regarde la totalité des objectifs. Il faut réussir à atteindre les 17 objectifs en même temps. Cela ne s’explique pas toujours en 20 secondes, évidemment.

Loin d’être technocratiques, ces ODD sont donc une manière de recadrer le débat, de revenir au problème global du début, lorsque — cela arrive — nous nous prenons de passion pour des solutions parcellaires.

C’est là un rappel bienvenu pour les législateurs, dans l’exercice de leur première mission, qui est d’écrire et de voter la loi.

Vous le savez sans doute, la seconde mission des parlementaires est le contrôle du gouvernement et l’évaluation de ses politiques publiques.

Là encore, les ODD peuvent nous être, à nous Français, particulièrement salutaires. Nous le savons, nous sommes dotés d’un mélange très particulier d’arrogance et d’autodénigrement. C’est-à-dire que nous avons du mal, plus que d’autres nations, à prendre la mesure de ce que nous réalisons, en tant que nation, en bien comme en mal.

Nous n’avons pas toujours conscience des ordres de grandeur, ni de la réalité des évolutions. D’année en année, nous avons parfois l’impression de stagner. Je pense à l’espérance de vie à la naissance, par exemple, ou à la proportion d’étudiants qui accèdent à l’enseignement supérieur. Mais quand nous regardons notre trajectoire sur les trente ou cinquante dernières années, alors les véritables progrès apparaissent.

Bien sûr, les progrès passés ne font pas les progrès futurs, mon propos n’est pas de dire que nous n’avons qu’à nous reposer sur nos lauriers. Bien au contraire : tout est toujours à faire.

Victor Hugo, dans un discours à l’Assemblée, en juin 1849, s’adresse ainsi aux gouvernants : « Vous avez sauvé la société régulière, le gouvernement légal, les institutions, la paix publique, la civilisation même. Vous avez fait une chose considérable… Eh bien ! Vous n’avez rien fait ! »

Les objectifs du développement durable nous le rappellent, à leur manière : nous avons fait des choses considérables et nous n’avons rien fait… Nous devons à la fois croire en notre puissance collective et poursuivre notre travail, avec une forme de modestie devant l’ampleur de la tâche.

Surtout, nous devons unir nos efforts. Les objectifs, pour être atteints, réclament de franchir de nombreuses frontières : les limites entre départements ministériels, je l’ai dit, mais aussi entre État et collectivités, entre territoires, entre pays. La santé, l’environnement, les apprentissages, sont des domaines où les influences traversent les frontières.

Cela signifie que ces limites ne sont plus des lignes nettes, où chacun serait maître chez lui. Nous devons négocier, nous devons développer des talents de diplomates, avec les milieux naturels, avec nos pays voisins, avec le climat… Or, nous manquons de langage commun pour cette diplomatie… même quand nous parlons la même langue.

Que les Nations Unies ait réussi à faire partager cet agenda à tous les pays du monde constitue un bel exploit. Il était important de reconnaître que la pauvreté et la faim ne concernent pas que les pays « sous-développés », que l’égalité femmes-hommes reste à obtenir quel que soit le contexte culturel, que nous vivons sous le même changement climatique, même si nos climats sont incroyablement divers…

Ce partage d’objectifs est une étape marquante de la conscience que l’humanité a d’elle-même.

Je suis donc particulièrement heureux que les objectifs du développement durable s’affichent aujourd’hui devant l’Assemblée nationale.

Je vous remercie.

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