Ouverture des 30 ans de l’Association des Communautés de France (AdCF)

Mercredi 19 juin

Hôtel de Lassay 
Seul le prononcé fait foi 

Monsieur le Président de l’ADCF, cher Jean-Luc Rigaut,
Messieurs les ministres d’État, cher Jean-Pierre Chevènement, et Jean-Louis Borloo,
Mesdames et messieurs les ministres,
Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames, messieurs, 

Je suis tout particulièrement heureux de vous accueillir ici, à la présidence de l’Assemblée nationale, pour le trentième anniversaire de l’ADCF, l’Assemblée des communautés de France. 

C’est un plaisir et même une émotion toute particulière de saluer la présence son président-fondateur, l’un des plus célèbres Ruthénois… Cher Marc Censi, vous voir ici est l’occasion de rappeler à tous les vertus de notre Rouergue natal, devenu Aveyron : la ténacité. 

Pierre Soulages, que sous votre impulsion votre ville honore d’un beau musée, est encore un jeune peintre de 99 ans ; et vous fûtes maire de cette ville pendant vingt-cinq ans, après avoir été adjoint pendant douze ans. Trente-sept années de mandat, c’est impressionnant… 

Les quelques jeunes qui s’intéressaient à la politique étaient quasiment obligés de fuir la ville s’ils voulaient faire carrière. C’est le cas de Bertrand Delanoë, qui gagna Paris faute de pouvoir conquérir Rodez. Et moi-même, natif de Rodez, j’ai dû trouver refuge dans le Finistère… Mais je ne regrette rien ! 

Vous êtes une statue-menhir. Pour ceux qui ne verraient pas ce que c’est, je vous invite à passer cet été au musée Fenaille, géré par Rodez Agglomération. 

C’est l’une de vos œuvres et vous la partagez avec un grand nombre de participants ce soir : tous, vous avez œuvré à « faire territoire ». 

Modestes, vous avez commencé Districts, puis les Districts ont disparu et les communautés sont advenues : les plus rurales restèrent communautés de communes, d’autres devinrent agglomérations et même métropoles. 

Communautés : belle et noble ambition dans une France qui a plutôt eu l’habitude de découper les territoires à la hache, au lieu de tisser patiemment des entités cohérentes. 

Je ne veux pas faire l’histoire de l’intercommunalité, vous allez y revenir ce soir à n’en pas douter, mais je veux reprendre le titre d’un ouvrage de Marc Censi qui parlait de « La révolution tranquille de l’intercommunalité ». 

Il faut se souvenir qu’il fut un temps, en 1989, où de nouveaux maires, avant même qu’une loi soit votée, elle ne le sera qu’en 1992, choisirent de créer des districts pour muscler leur territoire, par le projet et par une fiscalité propre. 

Ce sont les trente ans de l’ADCF, mais ce sont aussi, voire surtout, les vingt ans de trois lois qui ont changé les territoires : les lois Chevènement, Voynet et aussi Gayssot de 1999. Monsieur le ministre d’État, les grands principes que vous aviez affirmés alors restent d’actualité. Avec la taxe professionnelle unique, vous avez créé les mécanismes de solidarité financière et de fiscalité locale qui restent à l’œuvre aujourd’hui. 

Je n’oublie pas le rôle décisif de Jean-Pierre Balligand, auteur d’un rapport sur le sujet, qui réussit faire croire à la DGFIP que peu de communautés chercheraient à passer à la TPU et que la carotte financière des 10 % de bonification de DGF serait presque anecdotique. Vous savez le reste… 

Depuis, le rythme n’a cessé de s’accélérer, et insensiblement les lois de liberté en matière d’organisation territoriale sont redevenues des lois d’organisation descendante des territoires. De l’acte II de la Décentralisation voulu par Jean-Pierre Raffarin aux lois portant réforme des collectivités territoriales, puis affirmation des métropoles ou nouvelle organisation territoriale de la République, on voit que les collectivités sont en permanente évolution. 

Et c’est peut-être parce que le monde change. Nos concitoyens sont de plusieurs territoires, ils sont mobiles pour ne pas dire pendulaires, si bien que le territoire n’est plus un bocal, mais un local connecté au global. 

Il y aura de nouvelles lois, nous sommes collectivement bavards en la matière. Soit des lois qui corsètent, et ce sera un échec ; soit des lois qui libèrent et il faudra oser prudemment, avec une douce témérité, pour manier l’oxymore. 

Soyez assurés, mesdames et messieurs, que je n’ai aucun doute sur le sens de l’Acte II présenté par le Président de la République, puis par le Premier Ministre. Sur bien des sujets et tout particulièrement sur l’évolution des territoires, je crois aux vertus de la méthode : écouter d’abord, réformer sans brusquer ni braquer et en se gardant bien de généraliser. Il s’agit en la matière de passer d’une logique du prêt-à-porter au sur-mesure. 

Le ministre Sébastien Lecornu va présenter dans quelques jours un projet de loi intitulé « engagement et proximité ». Assurer protection et reconnaissance aux élus, c’est bien le moins que la République puisse faire. Nos 450 000 élus locaux sont cette République de proximité dont nous avons besoin : assurons-nous qu’il y ait encore suffisamment de vocation, de candidats, pour se frotter au mécontentement diffus et protéiforme des électeurs mais aussi de vivre et de partager le plaisir que ressent tout entrepreneur du bien public. 

Il s’agit aussi de corriger quelques « irritants de la loi Notre », suivant l’expression désormais consacrée. Soyons vigilants ici, chers collègues députés, et je pense tout particulièrement à Jean-René Cazeneuve qui préside notre Délégation aux Collectivités territoriales et à la Décentralisation ; soyons vigilants sur deux aspects : 

  • Premièrement, il n’est point de loi qui n’irrite quelqu’un… Ne soyons pas tel le docteur Knock de Jules Romains qui, cherchant à savoir si cela chatouille ou cela grattouille, affirmait doctement : « Les gens bien portants sont des malades qui s'ignorent ! » À vouloir enlever des irritants, ne rendons pas malades des bien-portants. Or, plus de 80 % des intercommunalités se portent bien ! 
  • Second point de vigilance : nous savons depuis Montaigne que « chacun appelle barbare ce qui n’est pas de son usage ». L’intercommunalité aurait sauvagement dépossédé tel ou telle…

Je veillerai pour ma part à ce que les quelques irritations locales ne deviennent pas des exceptions qui infirment la règle. Oui, le fonctionnement démocratique, la gouvernance des EPCI peuvent et doivent être améliorés. Mais je ne doute pas que l’ADCF a plus d’exemples variés à nous fournir que le législateur aurait de règles uniques à édicter en la matière.

Oui, il est des intercommunalités dites XXL qui peuvent être trop grandes. J’en connais aussi quelques-unes trop petites…

À la loi de poser un cadre, des principes, voire des limites. Aux collectivités de trouver des souplesses, des capacités d’adaptation, autrement dit d’inventer de nouvelles libertés locales.

Un État fort, des collectivités libres, c’est mon absolue conviction. Un État garant de l’égalité républicaine et de la cohésion des territoires, des collectivités libres qui osent expérimenter et qui ne consument pas toutes leurs énergies à respecter la règle, les normes. 

Je tiens au passage à souligner l’un des acquis les plus forts de l’intercommunalité, dont on ne parle finalement que trop peu. L’intercommunalité a permis de muscler l’ingénierie des territoires. Je veux parler ici de ces fonctionnaires territoriaux qui, par leur travail, leurs compétences, ont apporté des lumières aux élus locaux. Même si Philippe Laurent veille à ce qu’ils ne fassent pas trop d’ombre… L’ingénierie territoriale a parfois fait naître de l’intelligence territoriale. 

L’intercommunalité avait bien des vertus, jusqu’en 2010, quand elle était choisie et librement consentie. Elle a quelques défauts depuis que certains préfets ou certains élus voulurent parfois grossir des grenouilles à la taille du bœuf. 

Ayons donc la main tremblante quand nous voulons légiférer et procédons le plus possible par petites touches, plutôt qu’à grands traits. Et je n’ai aucun doute que Jacqueline Gourault, qui conduira dès cet été les premières concertations pour un troisième acte de décentralisation, saura avoir en la matière une main de fer dans un gant de velours. Avoir traité successivement les dossiers de la Corse et de l’Alsace prépare à faire œuvre de diplomatie et de travail au point de croix. 

Je crois aussi que votre président, cher Jean-Luc Rigaut, a démontré un certain talent en la matière. Il faut quelque doigté pour faire naître la nouvelle commune d’Annecy en regroupant Annecy-le-Vieux, Cran-Gevrier, Meythet, Pringy et Seynod. Et je ne sais si c’est votre capacité à descendre en canoë – au point d’être vice-champion du monde – ou votre métier de chargé d’aménagement des gares à la SNCF qui vous y a le plus préparé. 

Faire de la dentelle, à coup de pagaies, ce n’est pas simple… Dans quelques jours nous regarderons avec une vigilante bienveillance la proposition de loi de la sénatrice Gatel. Toujours la même méthode : poser un principe, oser des exceptions. C’est peut-être la définition la plus simple de la différenciation. 

Pour finir, je vous invite à ne jamais oublier que l’intercommunalité c’est d’abord un projet partagé plus qu’un mode d’organisation. 

Une intercommunalité, un pays en Bretagne, c’est tout à la fois un espace social et culturel à animer, un espace économique à préserver et organiser, un espace géographique et écologique, à aménager et préserver… Bref, un espace démocratique qui reste à inventer. 

Pour développer 35 000 territoires et autant de clochers, je sais, nous savons tous ici que seule la fédération des énergies qui permet d’y parvenir. Et que la coopération ne se décrète pas ! 

Hannah ARENDT a justement écrit que « le pouvoir naît quand les hommes travaillent ensemble et retombe dès qu’ils se dispersent. » 

Soyez fiers de vos trente années, soyez ambitieux pour les trente années qui viennent. Ne cherchez pas à grossir, mais à grandir, restez attachés au processus de développement et pas aux seules procédures. L’Assemblée veillera à vous laisser les plus grandes libertés pour vous différencier, pour agir et pour grandir ! 

Nous avons besoin des communes pour faire vivre, revivre la démocratie et nous avons besoin d’intercommunalités de projets, de désirs, de coopérations.

L’intercommunalité  est  un mouvement  encore  jeune  qui  attend  avec  impatience  sa  pleine  maturité. 

Comme  le  disait  Churchill  au lendemain d’une bataille célèbre : « Nous n’en sommes pas à la fin, ni même au début de la fin, nous en sommes à la fin du début. » Faisons le pari de l’audace ! À nous de jouer ! C’étaient les paroles de Marc Censi lors de son dernier discours comme président de l’ADCF, autant dire qu’on ne saurait mieux conclure…

Je vous remercie et vous souhaite de fructueux débats.

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