Hôtel de Lassay
^{Seul le prononcé fait foi}

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et messieurs les cuisiniers, gastronomes, traiteurs, marmitons, rôtisseurs, chefs, maîtres-queux et sauciers…

Mesdames, messieurs, chers amis,

Je suis très heureux de vous recevoir dans les salons de l’hôtel de Lassay pour cette réunion organisée à l’initiative de la députée Barbara Bessot-Ballot, présidente du groupe d’études « Gastronomie » de l’Assemblée nationale.

Fille de restaurateurs, elle avait tous les atouts pour porter haut la défense et la promotion de la gastronomie française. 

Son seul handicap est d’être née en plein pays de la cancoillotte, qui n’est peut-être pas le plus fin des fromages ; mais avec une saucisse de Morteau et un vin jaune du Jura, on peut agréablement braver les frimas…

Il y a quelques années, l’Assemblée nationale avait accueilli, en immersion pendant un an, l’ethnologue Marc Abelès. Il nota qu’à table, les députés savaient faire preuve « d’une convivialité plus paisible que ne le laissent penser les affrontements de séance ».

C’est un fait, la gastronomie fait partie des ingrédients nécessaires au fonctionnement démocratique de notre Assemblée, et je le crois, de la France. 

La gastronomie peut se définir comme l’art d’apprêter la nourriture pour susciter le bonheur. Elle participe aussi de l’adoucissement des mœurs.

« Il n'y a que les mauvais cœurs qui médisent à table, car rien ne rend plus indulgent que la bonne chère », disait déjà le célèbre Grimod de La Reynière, fondateur de la littérature gastronomique dans notre pays, ainsi qu’en témoignent ses ouvrages Le Manuel des Amphitryons et L’Almanach des Gourmands, en 1803.
Recevoir des hôtes étrangers, des parlementaires à table, c’est leur présenter la France sous ses meilleurs auspices et c’est aussi les attendrir avec nos plus beaux atouts et atours, des plats simples et raffinés à la fois, un service parfait et de la porcelaine de Sèvres. 

Pour vous recevoir, nous avons tenu à présenter quelques-uns de nos savoir-faire en la matière. Je veux remercier à cette occasion toutes celles et tous ceux qui font vivre cet hôtel et qui concourent à perpétuer nos traditions d’hospitalité et de gastronomie française.

Permettez-moi de citer ces métiers présents à Lassay :  l’intendant, les maîtres d’hôtel, les lingères, la gouvernante, les fleuristes, les huissiers, les agents et leurs chefs de groupe. La partie gastronomique est assurée par la brigade de cuisine, conduite par Thierry Delalande, avec Masa Uchida, Philipp Parakseva, Frédéric Gautier et Aly Dia Djibril. La brigade de pâtisserie est menée à la baguette par Nicolas Heteau, avec Estelle Nicolas et Roméo Cruzada. L’argenterie est briquée et mise en valeur par Bertrand Monnier, Kinki Huynh, Cyrille Moreau, Gildas Querrec et Mokhtar Harizi.

Le regretté Bernard Loiseau disait que « la cuisine, c’est l’envers du décor, là où s’activent les hommes et femmes, pour le plaisir des autres »…

La gastronomie française est plaisir, découverte 
et ouverture. Elle est aussi excellence et il nous faut vous donner les moyens de cette excellence. C’est le menu de vos travaux ce jour.

Permettez-moi une dernière pointe de sel.

Aux tenants d’une « France éternelle » en réalité rabougrie sur elle-même, je dirai que la gastronomie est la meilleure illustration de la tradition d’ouverture et d’accueil de la France.

Combien de cuisiniers dans le monde n’ont pas rêvé de faire le voyage en France, la tournée de ses fourneaux et de ses chais, comme les peintres de toute l’Europe firent, dès le seizième siècle, le voyage en Italie, ce rite initiatique que l’on appelait le Grand Tour ?

Tout gastronome est amoureux de la France. C’est une responsabilité que nous avons en partage.

Certains craignent le « grand remplacement », le burger ou le kebab détrônant la baguette ; d’autres, conquérants et ouverts, enrichissent leur cuisine bien française d’épices tandoori, de cuisson à la plancha, s’essaient au chili ou aux tajines, agrémentent la blanquette de veau chère au bon commissaire Maigret qui de riz japonais, qui de quinoa et de curry.

La France est grande quand elle sait accueillir à sa table et promettre « que tout citoyen pût manger des mets succulents ». C’est justement par ces mots que Barbara Bessot-Ballot et la bretonne Annaïg Le Meur ont ouvert leur rapport parlementaire sur l’organisation et les enjeux de la gastronomie et de ses filières. Depuis, 2021 est devenue « Année de la gastronomie », l’ancien chef des cuisines de l’Élysée est devenu représentant permanent du Président de la République pour la gastronomie et les arts de la table, peut-être lassé de cuisiner des « cordons bleus ». Je plaisante.

Depuis, surtout, Emmanuel Macron a tracé la perspective d’un Clairefontaine ou d’un Marcoussis, d’un centre d’excellence pour la gastronomie française. Vaste programme que vous allez aborder cet après-midi.

Mais avant de vous comparer aux footballeurs ou aux rugbymen, veuillez-vous souvenir que Jean-Anthelme Brillat-Savarin fut d’abord député du Tiers-État, avant d’écrire l’ouvrage qui fit sa renommée : La Physiologie du goût. 

On y trouve cette sage maxime, pour conclure : « Le plaisir de manger est le seul qui, pris avec modération, ne soit pas suivi de fatigue. » Ce n’est pas le cas des discours. Je m’arrête donc là et vous souhaite de concocter un beau projet : je vous retrouverai tout à l’heure autour de quelques amuse-bouche.

Bons travaux !