Hommage à Robert Badinter

Mardi 13 février

Hémicycle de l'Assemblée nationale

Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement,

Mesdames et messieurs les députés,

Dans cet hémicycle où retentit sa voix, en une séance inoubliable de septembre 1981, c’est avec une profonde tristesse, et une indicible émotion, que je veux évoquer devant vous la mémoire du grand républicain qui vient de nous quitter.

Robert Badinter, pourtant, semblait immortel. 

Depuis plus d’un demi-siècle nous l’avons vu agir, inlassablement : l’avocat pénaliste, le conseiller très écouté  de François Mitterrand, le garde des Sceaux portant l’art oratoire à son degré suprême, mais aussi le président du Conseil constitutionnel, le sénateur et le président d’honneur du mouvement pour l’abolition universelle de la peine de mort. 

Sa force de conviction, son engagement, son sens aigu de la justice et du droit, vous les connaissez ; avec finesse, élégance, il les incarnait à la manière d’un sage, fidèle aux principes, indifférent aux outrages.

Homme de culture, amoureux des livres et des anciens manuscrits, Robert Badinter puisait dans l’Histoire les modèles exigeants qu’il se donnait. De Victor Hugo, il aimait à citer cette phrase : « Le droit qu’on ne peut retirer à personne, c’est le droit de devenir meilleur. » Aussi considérait-il, avec Hugo, la peine de mort comme « le signe spécial et éternel de la barbarie ». 

Lui qui ne voulait plus d’une « justice qui tue » s’illustra aussi par d’autres avancées, comme la fin des juridictions d’exception, l’abrogation de la loi de 1942 qui discriminait l’homosexualité, le régime indemnitaire des victimes d'accidents de la route, ou encore l’ouverture de recours individuels devant la Cour européenne des droits de l’Homme. Dans tous ses combats, le souci d’une pleine justice orientait et déterminait l’action publique.

Humaniste avec Hugo, il était socialiste à la façon de Jaurès qui disait : « La République a vaincu parce qu’elle est dans la direction des hauteurs, et que l’homme ne peut s’élever sans monter vers elle. […] Ceux qui, depuis un siècle, ont mis très haut leur idéal ont été justifiés par l’Histoire. »

Oui, Robert Badinter allait à l’idéal par les chemins de crête. Enfant de la République, dont la famille avait fui la Bessarabie et ses persécutions, il savait la puissance émancipatrice de l’universalisme républicain et, à son tour, l’a fait vivre. À nous de continuer son œuvre, à nous de suivre son magnifique exemple.

Hugo, Jaurès, l’attendent aujourd’hui au temple des grands hommes, ce Panthéon où, je le souhaite, Robert Badinter les rejoindra un jour.

À son épouse Élisabeth, à ses enfants, à ses amis et à ses proches, au nom de la représentation nationale et en mon nom personnel, j’adresse nos condoléances attristées. 

Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, en mémoire de Robert Badinter et en son hommage, je vous demande de bien vouloir observer une minute de silence. 
 

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