Mardi 26 novembre 2024
Discours
Discours
Inauguration de l’exposition « Cinquantenaire de l’examen de la loi Veil relative à l’interruption volontaire de grossesse »
Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi
Madame la Questeure de l'Assemblée nationale, Brigitte Klinkert,
Mesdames et messieurs les Députés,
Monsieur le Secrétaire général du Sénat, M. Éric Tavernier,
Monsieur le Secrétaire général de l’Assemblée nationale, M. Damien Chamussy,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Mesdames et Messieurs les lauréats,
Mesdames, Messieurs,
Comme nous sommes en présence, aujourd'hui, de grands amateurs d’histoire parlementaire, je commencerais par un anniversaire qui nous parlera sûrement.
Samedi dernier, nous commémorions le centenaire de la panthéonisation de Jean Jaurès – dont le cortège vers le Panthéon partit à quelques pas de nous, depuis le salon Casimir-Périer.
Ce même Jaurès aurait eu toute sa place aujourd'hui parmi nous, pour cette cérémonie : non seulement comme député, mais aussi comme docteur. Car s’il fut élu plus jeune député de France, Jaurès fut aussi classé 3e à l’agrégation de philosophie, juste derrière Henri Bergson ; puis fut encore l’auteur de deux thèses, dont une fut rédigée… en latin.
Fort heureusement, au grand soulagement de notre jury et de tous vos lecteurs, les thèses d’aujourd'hui ne sont plus écrites dans la langue de Cicéron.
C’est donc dans celle de Molière que j’aurai le grand plaisir de remettre vos Prix aujourd'hui. Depuis mon élection au Perchoir, c'est un évènement que je n’ai jamais manqué quelles que soient les circonstances : en effet je suis singulièrement attachée à la vocation de ce Prix, celle d’encourager la réflexion sur nos institutions, pour toujours mieux les adapter au monde contemporain.
Dans une époque marquée par « l’accélération » pour le dire avec le sociologue allemand Hartmut Rosa, il est en effet indispensable de prendre le temps de la réflexion. De nourrir le politique par l’académique.
C’est dans ce même but que j’ai ouvert les portes de l'Assemblée aux mondes de la recherche. Universitaires, chercheurs, seront toujours les bienvenus au Palais-Bourbon.
Tous les deux mois par exemple, j’organise les « Assemblées des idées », où nous accueillons de nombreux chercheurs. Le mois dernier, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik a ainsi disserté sur la parentalité, tandis qu’avant lui, la sociologue Renée Zauberman analysait l’hyperviolence dans notre société.
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Depuis 2003, nos Prix ont permis de distinguer pas moins de 55 thèses, offrant un pont entre le passé parlementaire et les enjeux juridiques d’aujourd’hui.
Cette année, ont été primés cinq lauréats, deux hommes et trois femmes.
Je voudrais donc féliciter chaleureusement :
Je remercie également les membres de notre jury – un jury entièrement paritaire – pour avoir distingué ces thèses remarquables.
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Cher Williane GOLIASSE, en défendant le droit constitutionnel non écrit, ce principe subtil que vous liez intimement à la liberté, vous nous invitez à une réflexion hautement conceptuelle.
Pour tous les parlementaires, l’existence même de cette notion de droit constitutionnel non-écrit pourrait paraître surprenante, voire angoissante : comment donc pourrait-il exister un droit constitutionnel non-écrit ? N'est-ce pas là un danger pour nos libertés ?
Pourtant, dans toutes les constitutions, un fossé persiste entre le texte et sa mise en œuvre réelle. Un décalage qui se traduit par des pratiques non écrites, qualifiées de « coutumes » ou « conventions constitutionnelles ».
Notre histoire regorge de ces exemples où la pratique a sculpté les institutions. Vous montrez ainsi que la fonction de Président du Conseil, non mentionnée dans les lois constitutionnelles de la IIIe République, s’est imposée par nécessité. La double investiture sous la IVe République, ou la gestion des affaires courantes par des gouvernements démissionnaires relèvent également de pratiques non-écrites, mais pourtant devenues centrales – et même d’actualité.
Mais vous montrez que ces normes non écrites, loin de fragiliser la liberté, la renforcent. Elles offrent même une souplesse indispensable pour répondre aux aléas politiques et institutionnels.
Cher Williane GOLIASSE, je suis heureuse de vous remettre votre prix.
Cher Nicolas LUMBROSO, avec vos travaux sur Philippe-Laurent Pons, dit Pons de Verdun, vous ressuscitez un personnage qui résume à lui seul, comme une métonymie, les métamorphoses des conventionnels thermidoriens.
Issu des bouillantes sections parisiennes, Pons de Verdun traversa la Révolution comme un funambule. Il vote tour à tour la mort de Louis XVI, prend une certaine part à la Terreur, se fait réélire sous le Directoire. Ensuite, il se rallie à Bonaparte et devient avocat général à la Cour de cassation. Il y a aussi chez lui quelques zones d’ombre comme son zèle à dénoncer ses concitoyens pendant la Terreur…
Pour pasticher Olympe de Gouges, Pons de Verdun eut le droit de monter à la tribune, mais pas à l’échafaud. Et pourtant, il fut lui aussi un député féministe avant l’heure, puisqu'il participa aux débats législatifs en 1793 sur la question de l’égalité entre l’homme et la femme dans le mariage. Un an plus tard, en 1794, il se prononça pour l’abolition de la peine de mort à l’égard… des femmes enceintes. Oui, seulement des femmes enceintes – mais à l’époque, cet engagement marquait déjà un progrès.
Aurait-il imaginé, depuis son refuge de la Cour de cassation, qu’il faudrait attendre 2022 – deux siècles – pour qu’une femme préside enfin l'Assemblée nationale ?
Quoi qu'il en soit, nous vous remercions, cher Nicolas LUMBROSO, pour vos travaux qui éclairent cette figure méconnue.
Je suis heureuse de vous remettre votre médaille.
Chère Fannie DUVERGER, dire que votre thèse est d’actualité relève de l’euphémisme.
Dans vos travaux, vous étudiez le droit coutumier en France, particulièrement à Wallis-et-Futuna, en Guyane et en Nouvelle-Calédonie. Vous le comparez également avec le droit coutumier des peuples autochtones au Canada. Et vous analysez enfin la coexistence de ces droits coutumiers avec le droit constitutionnel.
Votre sujet d’étude me tient à cœur. Vous le savez, je suis très attachée aux Outre-Mer : comme Présidente de la Commission des Lois en 2017, puis comme ministre et Présidente de l'Assemblée, je plaide pour que notre législation prenne toujours mieux en compte nos Outre-Mer, leurs spécificités et leurs richesses.
J’ai pu surtout étudier in situ vos objets d’étude : puisque je reviens de Nouvelle-Calédonie, où la question de la représentation politique et de la coexistence des systèmes juridiques, dont vous dressez une analyse serrée dans votre thèse, est au cœur des débats.
Avec le Président Larcher, nous avons ensemble rappelé tout le soutien que portera la République au relèvement économique de l’archipel.
Nous avons aussi œuvré pour la reprise du dialogue politique et la définition d’une feuille de route partagée, afin de dessiner la future souveraineté calédonienne – une future souveraineté plurielle dont le contenu sera fixé par tous les acteurs calédoniens.
À ce titre, votre thèse est autant une source d’inspiration que d’optimisme. Comme vous le notez dans votre conclusion, je vous cite, « Loin d’être toujours conflictuelle, la coexistence des systèmes de représentation et des conceptions pourrait être vectrice d’un équilibre et d’un enrichissement certain pour la représentation politique dans son ensemble. » Vous mettez notamment en avant le « con-sociativisme », mis en œuvre à Fidji ou en Irlande du Nord. Et vous soulignez que ce pluralisme juridique pourrait réinventer un avenir « respectant l’unité de l’État, tout en reconnaissant et valorisant la diversité de ses populations ».
Pour ce travail qui trace des chemins pour l’avenir, je suis heureuse de vous remettre votre prix.
Les Outre-Mer sont décidément à l’honneur en cette remise de Prix - et je m’en réjouis particulièrement.
C’est ainsi que la thèse primée de Jessica BALGUY concerne une étape décisive et méconnue de l’histoire de la Martinique.
Mme BALGUY ne peut être présente parmi nous aujourd'hui, mais c’est pour une excellente raison : puisqu’elle est actuellement en séjour d’étude en Pennsylvanie. Ce sera donc M. Ary Gordien qui la représentera aujourd’hui.
Dans sa thèse, Jessica BALGUY analyse en détail les conséquences et conditions de la deuxième abolition de l’esclavage – en se penchant, plus exactement, sur la loi de 1849 sur l’indemnisation des propriétaires d’esclaves.
Ce travail de recherche, aussi synthétique que méticuleux, nous confronte à deux paradoxes déroutants pour nos regards contemporains.
Premier paradoxe : lorsque la France abolit définitivement l’esclavage en 1848, cet acte de liberté s’accompagne de compromis glaçants. C'est ainsi que l’article 5 du décret du 27 avril 1848 accorde une indemnité aux, je cite, « colons dépossédés », qui n’avaient accepté l’abolition qu'à condition de recevoir cette sombre compensation.
Deuxième paradoxe : Des milliers de « libres de couleurs » selon l’expression de l’époque, c'est-à-dire des affranchis ou descendants d’affranchis, se présentèrent également, nous rappelant ainsi toute la complexité de cette histoire de l’esclavage.
Pour ce travail qui permet d’éclairer l’histoire comme notre conscience citoyenne, le prix spécial revient à Mme Balguy - et je remercie M. Ary Gordien de la recevoir en son nom.
Avec vous, Mme Perrine PREUVOT, j’ai l’honneur de récompenser non seulement une universitaire brillante, mais aussi, en quelque sorte, une collègue.
Puisque vous avez à présent quitté le monde universitaire pour travailler, comme administratrice, au sein de notre Commission des Lois que j’ai eu l’honneur de présider.
Et quelles aventures avez-vous vécues ! Vous êtes parvenue à achever votre thèse tout en ayant rejoint la Commission des Lois, et tout en devenant… jeune maman.
Et je crois pouvoir dire en vous regardant que cette dernière aventure n’est pas terminée, puisque vous attendez un 3e enfant ! Toutes mes félicitations.
Votre sujet, l’histoire et la nature des résolutions parlementaires, touche au cœur de nos travaux. Par une analyse minutieuse, vous montrez comment ces résolutions, nombreuses sous les régimes d’assemblée, ont été volontairement contenues sous la Ve République.
Cependant, ces fameuses résolutions reviennent en force, avec la révision constitutionnelle de 2008, qui a introduit à l’article 34-1 la disposition suivante : « Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique. » Et c'est ainsi que ces cinq dernières années, des résolutions marquantes ont été adoptées: par exemple sur la lutte contre l’antisémitisme (en 2019), ou pour soutenir fermement l’Ukraine face à l’agression russe (en 2022).
Vous en déduisez l’émergence d’une fonction que vous qualifiez de tribunicienne, à côté des trois fonctions de l’article 24 de la Constitution que sont la législation, le contrôle et l’évaluation.
Pour ces travaux de grande qualité, ce prix spécial vous revient à bon droit.
Mesdames et messieurs,
Tocqueville disait que « Les institutions sont à la liberté ce que les écoles sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir ».
Chers tous, je voulais donc vous remercier pour ce moment où nous avons mis, à notre tour, les institutions de la République au service de la liberté et de la science.
Vive la France, vive la République et vive la recherche !
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