Remise des Prix de thèse 2022 de l’Assemblée nationale

Mardi 22 novembre

Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,

Madame la Présidente de la délégation au patrimoine artistique et culturel de l’Assemblée nationale,

Madame la Première Questeure, Chère Marie Guévenoux, 

Cher Marc Le Fur, qui avez présidé les jurys,

Chère Lauriane Rossi qui avez été membre des jurys,

Monsieur et Madame les Secrétaires généraux, 

Mesdames et messieurs les professeurs,

Mesdames et messieurs les lauréats, 

Mesdames, messieurs,

Je suis heureuse de vous accueillir pour la cérémonie de remise officielle des prix de thèse de l’Assemblée nationale, dans cette galerie des Fêtes qui, depuis 1848, a été arpentée par les grands noms de notre histoire parlementaire.

C’est la première fois que je remets ces prix et je le fais d’autant plus volontiers qu’ils répondent à la volonté d’ouverture que j’ai annoncée dès le début de ma présidence.

Les chercheurs sont les bienvenus à l’Assemblée nationale, qui accueille aussi des artistes et, sous le label de « l’Assemblée des Idées », organise des débats ouverts à tous les citoyens. 

Les juristes savent tout le goût que j’ai pour leur discipline. Quant aux historiens, j’ai déjà eu l’occasion de dire – lors des Rendez-vous de l’Histoire de Blois – à quel point j’appréciais leur méthode : aller aux sources, croiser et vérifier les informations, partir des faits pour en tirer une analyse rationnelle, c’est aussi ce qu’il faut faire pour bien légiférer… Je suis donc fière de vous recevoir et de pouvoir encourager vos travaux.

Le prix de thèse de l’Assemblée nationale a été créé en 2003, il y a presque vingt ans. Depuis, il a permis de distinguer pas moins de 39 thèses, par un prix, ou un prix spécial, ou bien une mention spéciale. 

Il a été dédoublé en 2018 par le Bureau de l’Assemblée nationale, avec un prix de droit parlementaire et un prix d’histoire de l’institution parlementaire. Ceux-ci sont décernés par deux jurys distincts. 

Ces deux prix sont un hommage à des travaux remarquables et un témoignage de reconnaissance envers celles et ceux qui, dans les Universités, dans les Instituts d’études politiques, dans les centres de recherche et les écoles doctorales, mènent une réflexion de fond sur le Parlement. 

Son rôle, ses procédures, son organisation et, naturellement, l’évolution du lien entre l’élu et le citoyen, à savoir les mutations de la représentation démocratique : vos domaines d’étude intéressent au plus haut point l’Assemblée nationale. 

Élection après élection, nous autres les élus, nous sentons ces évolutions, et il est bon qu’auprès de nous, des réflexions de fond, des approches conceptuelles, nous permettent de mieux les appréhender.

En résumé, les prix de thèse sont un lien et un outil de coopération entre l’Assemblée nationale et le monde universitaire. 

D’un point de vue pratique, il permettent aux lauréats de bénéficier d’une aide à la publication, versée à l’éditeur de leur choix. 

Il s’agit de diffuser et de faire connaître des ouvrages de référence dont il serait regrettable qu’ils restent confidentiels. L’objectif est d’aussi d’encourager les chercheurs à se consacrer aux études sur les assemblées parlementaires. 

C’est d’autant plus indispensable que notre monde est celui des évolutions rapides, des bouleversements, des mutations numériques entre autres, mais pas uniquement. 

De tels travaux sont autant de contributions utiles pour nous éclairer, afin de faire évoluer l’Assemblée nationale et l’exercice du mandat parlementaire pour les adapter à leur temps, et pour en faire part à un public qui est toujours très intéressé par la question politique.

Pour bien des lauréats, le prix de thèse est aussi l’amorce d’une brillante carrière universitaire, comme en témoigne la présence parmi nous, aujourd’hui, d’anciens lauréats.

Cette année, en 2022, les jurys ont attribué les deux prix de thèse, et le jury d’histoire parlementaire a distingué deux thèses supplémentaires par un prix spécial. Le prix spécial n’est pas assorti d’une aide à la publication, mais il constitue un signe du très grand intérêt des travaux ainsi reconnus. 

Parmi les thèses, qu’il a été, comme toujours, difficile de départager, les deux jurys en ont donc distingué quatre. Je voudrais dire un mot à chacun des lauréats, en leur remettant leur médaille tellement méritée.

Ainsi, le 16 mars 2022, le prix en droit parlementaire a été attribué à Mme Claire BLOQUET pour sa thèse en science politique, intitulée : Aux marges du Palais : la Délégation aux Droits des Femmes 
– Contribution à une sociologie de l'Assemblée nationale et du travail législatif. Dirigée par Mme la Professeure Delphine DULONG et M. le Professeur Daniel GAXIE, cette thèse a été soutenue le 22 septembre 2021 à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Claire BLOQUET, je crois que chaque parlementaire devrait connaître votre thèse sur la délégation aux droits des femmes. 

D’abord, la défense des droits des femmes est essentielle dans cette institution qui a su mettre un buste d’Olympe de Gouge sur le chemin de la salle des séances. 

Ensuite, vos travaux montrent comment l’Assemblée nationale, bridée par la limitation du nombre des commissions permanentes dans la Constitution, a su créer dans le cadre plus souple des délégations un outil essentiel pour faire avancer la loi sur un sujet fondamental, celui de l’égalité de toutes et de tous.

Elle illustre aussi comment, de manière transpartisane, des parlementaires de tous les groupes, mus par un même attachement aux valeurs les plus essentielles de la République, aux fondements du parlementarisme et au rôle-clef du débat d’idées et de la délibération, savent faire évoluer la législation pour répondre aux attentes citoyennes. 

Enfin, votre thèse explicite aussi comment les parlementaires peuvent collectivement négocier avec les ministères. C’est pour nous, députées et députés, un retour aux sources. La première fonction du Parlement est en effet de contrôler l’Exécutif en corrigeant ses orientations et propositions, en amendant ses projets de loi. Cela mérite une médaille !

Le 15 mars 2022, le prix d’histoire de l’institution parlementaire a été décerné à Mme Adeline BLASZKIEWICZ-MAISON, pour sa thèse en histoire contemporaine intitulée Le socialisme au travail. Albert Thomas, 1878-1932. Dirigée par Mme la Professeure Isabelle LESPINET-MORET, elle a été soutenue le 19 novembre 2021, à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne.

Adeline BLASZKIEWICZ-MAISON, votre thèse porte sur la carrière politique très remplie d’Albert Thomas, membre du Gouvernement et organisateur de la production d’armements pendant la Guerre de 1914, puis premier directeur du Bureau international du travail. 

Elle se lit avec d’autant plus d’intérêt que rien ne prédestinait Albert Thomas – normalien, agrégé d’histoire et de géographie, intellectuel brillant distingué par Lucien Febvre et Lucien Herr, membre du mouvement coopératif, député socialiste de la Seine en 1910 – à devenir l’artisan des moyens de la victoire de 1918. 

Albert Thomas, en effet, a été sous-secrétaire d’État chargé de l’Artillerie et de l’Équipement militaire de mai 1915 à décembre 1916, puis ministre de l’Armement et des Fabrications de guerre jusqu’en septembre 1917. Grâce à son action, la guerre du matériel a été gagnée, notamment à Verdun.

Ce parcours aussi complet qu’exemplaire montre l’importance de la compétence politique, qualité ô combien spécifique qui tient à la triple capacité de donner les impulsions, de dégager les priorités, et de coordonner l’exercice de la compétence technique. 
Albert Thomas incarne aussi cette autre qualité qui est d’avoir d’emblée une idée de la solution politique qu’il convient d’apporter à des problèmes majeurs : jeune député, il perçoit déjà qu’il faudra nationaliser les chemins de fer.

C’est aussi son aptitude avérée à travailler avec les chefs d’entreprise et à écouter les syndicats, dans des heures très difficiles de notre histoire, qui explique qu’après-guerre, Albert Thomas, devenu député du Tarn, soit choisi pour devenir le premier directeur du Bureau international du travail. Il y exerce ses fonctions avec brio. Merci de nous avoir fait connaître ce député remarquable.

J’observe d’ailleurs avec intérêt que les deux prix principaux ont été décernés à deux femmes. 

En outre, un prix spécial en histoire parlementaire a été attribué à M. Quentin GASTEUIL, pour sa thèse intitulée Socialistes français et travaillistes britanniques face aux questions coloniales (1919-1939). 

Cette étude comparée, menée sous la direction par M. le Professeur Olivier WIEVIORKA et M. le Professeur Fabrice BENSIMON, a été soutenue le 10 décembre 2021 à l’Université de Paris-Saclay.

Quentin GASTEUIL, vos travaux comparatifs sur les socialistes français et les travaillistes britanniques sur la question coloniale dans l’Entre-Deux-Guerres ont retenu l’attention du jury d’histoire parlementaire, et je m’en félicite. 

Vous mettez très bien en valeur, avec subtilité et précision, comment sur cette question éminemment difficile et sensible, les deux mouvements ont une certaine communauté d’approche, mais se positionnent aussi différemment, en fonction de facteurs culturels, mais aussi purement circonstanciels. 

Travaillistes et socialistes ne remettent pas en cause le fait colonial, mais l’appréhendent dans un esprit de réforme pour en corriger les excès, jusqu’à entrevoir, il est vrai, pour certains de leurs membres, l’indépendance. Pour l’essentiel, une même attention est accordée à l’importance de la lutte sociale, aux revendications des travailleurs et à une certaine contestation du capitalisme, en métropole comme dans les colonies. Pour résumer et simplifier, en schématisant, il s’agit d’abord de « socialiser » le fait colonial.

Mais les différences sont fortes entre les deux pays : la question coloniale ne retient que peu l’attention des socialistes français – sauf de ceux très engagés dans ce dossier comme Marius Moutet, député du Rhône puis de la Drôme, ministre des Colonies en 1936, qui prône l’assimilation et se prononce contre la répression des mouvements d’émancipation et le paternalisme, mais se fait aussi l’avocat des partisans de l’émancipation du Vietnam. 

Pour les Travaillistes, la question coloniale est davantage un sujet d’attention, notamment en raison de l’Inde. 

Politiquement par ailleurs, la SFIO est prise en étau entre les radicaux – qui sont alors dans l’ensemble les héritiers du « colonialisme républicain » du dix-neuvième siècle – et les communistes, acquis d’emblée à l’indépendance. Les Travaillistes sont, quant à eux, davantage aux prises avec les contraintes de l’action gouvernementale, formant leur premier Gouvernement dès 1924, avec Ramsay MacDonald. Cette analyse comparée est riche d’enseignements.

Enfin, un second prix spécial a été décerné à M. Julien RYCX, au titre de sa thèse en histoire contemporaine sur Georges Laguerre ou l’itinéraire d’un oublié de la République (1858-1912). Dirigée par M. le Professeur émérite Jean-Marc Guislin et le M. le Professeur émérite Bertrand Joly, cette thèse a été soutenue le 30 juin 2021 à l’Université de Lille.

Julien RYCX, votre thèse sur Georges Laguerre se lit avec le même intérêt qu’un roman, car vous avez sorti de l’oubli un personnage tout droit issu de l’univers littéraire du dix-neuvième siècle. 

Le déroulement de sa vie éveille en permanence notre curiosité. Georges Laguerre est un homme pétri de talents, mais d’une ambition sans limite. Il va trop loin dans la confiance en soi et la désinvolture. Sa réussite est toujours fragile et temporaire. 

Le jeune ténor du Barreau de Paris, défenseur de Louise Michel et des anarchistes, néglige ensuite ses clients de manière coupable, perdant des affaires emblématiques. Le député radical du Vaucluse, élu de 1883, se fourvoie dans le boulangisme dont il organise la compromission avec certains milieux très conservateurs, et même monarchistes, jusqu’à perdre son mandat de député en 1893 dans son nouveau bastion de Paris. L’homme de presse est toujours sur la brèche. Sa vie conjugale et sentimentale est une succession de désastres. Georges Laguerre a l’ambition d’un Bel Ami, mais ses espoirs et ses échecs le rattachent davantage à Balzac et à Zola qu’à Maupassant.

Je n’en dis pas davantage, si ce n’est, naturellement, que pour nous, Georges Laguerre est un contre-modèle : la médaille que je vous remets salue votre excellent travail, non le parcours chaotique de ce député trublion…

Pour conclure, mesdames et messieurs les lauréats, je salue vos travaux dont je souhaite la publication rapide.

Enfin, je veux vous témoigner à nouveau à tous les quatre, ainsi qu’aux universitaires qui vous ont dirigés ou lus, toute la gratitude de l’Assemblée nationale. 

Une grande observatrice de la vie politique et parlementaire, Mme de Staël, l’écrivait très justement, il y a déjà deux siècles : « La recherche de la vérité est la plus noble des occupations, et sa publication, un devoir. »

Par vos recherches, par leur prochaine publication, vous contribuez au rayonnement de l’institution parlementaire. 

Au nom de l’ensemble de mes collègues députés, je vous en remercie et vous encourage à continuer dans cette voie.
 

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