Ouverture du colloque « 80 ans du procès Palais-Bourbon »

Mercredi 16 février

Salle Colbert
Seul le prononcé fait foi

Mesdames, messieurs,
Chers élèves,

Il y aura bientôt 80 ans, le 9 mars 1942, un grand drame frappait sept jeunes résistants âgés de 17 à 26 ans.

Ils s’appelaient Tony Bloncourt, Roger Hanlet, Pierre Milan, Robert Peltier, Christian Rizo, Acher Semhaya, Fernand Zalkinov.

Au Mont-Valérien, ces sept garçons périrent fusillés, à l’issue d’une mascarade de procès qui s’était tenue au Palais-Bourbon. En trois jours seulement de délibérations sans véritable défense ni possibilité de faire appel, sept jeunes existences avaient été rayées de la vie.

Oui, le temple de la démocratie fut ainsi profané : en mars 1942, une parodie de justice conduisit au poteau d’exécution sept jeunes communistes, qui s’étaient engagés, pour résister, dans les Bataillons de la jeunesse. Afin de faire un exemple, et de lui donner la plus grande publicité possible, les nazis convoquèrent la presse dans l’enceinte du Palais-Bourbon, devenue celle d’un tribunal sinistre et sans pitié.

Sous l’Occupation, la vie parlementaire avait cessé ; le régime collaborationniste du maréchal Pétain accusait d’ailleurs les anciens députés de tous les maux. Le Palais-Bourbon fut réquisitionné pour abriter le siège de l’administration du GrossParis. Mais ce lieu hautement symbolique servit aussi à la propagande nazie.

Dès 1940, sur sa célèbre colonnade, une banderole en langue allemande proclamait que l’Allemagne triomphait sur tous les fronts.

Dans l’hémicycle, en 1942, furent tournées plusieurs scènes de Forces occultes, un film antisémite, antiparlementaire et antimaçonnique qui manipulait l’Histoire au profit du pouvoir collaborationniste, avec la bénédiction des autorités d’occupation.

Et dans l’hémicycle encore, tendu de drapeaux à croix gammée, des officiers allemands assistèrent en uniforme à des conférences radiodiffusées, ainsi qu’à un discours d’Adolf Hitler.

Une photo de la scène, montrant un buste du Führer disposé sur le bureau du Président, choqua mon prédécesseur Laurent Fabius, qui voulut en savoir plus.

Que s’est-il passé dans ces murs durant les Années noires ? Qu’y firent les Allemands, et dans quelle mesure les autorités françaises collaborèrent-elles ?

Il fallait faire la lumière sur cet aspect méconnu de l’Occupation et une mission fut confiée à Éric Alary, professeur agrégé et docteur en histoire, pour rassembler toutes les archives disponibles et publier une étude sur le sujet. Celle-ci, éclairante, fut éditée par l’Assemblée nationale en 2000, avec une préface de Jean-Pierre Azéma : Mars 1942 – Un procès sous l’Occupation au Palais-Bourbon. Je remercie Éric Alary de s’être rendu disponible pour vous résumer le résultat de ses recherches.

Puis, en 2012, parut le livre d’Emmanuel Lemieux, Tony, 1942, qui revenait sur ce « procès oublié » et son contexte dramatique. L’auteur, lui aussi, est présent aujourd’hui.

Enfin, sous ma présidence, a été tourné et diffusé en 2019 le documentaire de Xavier-Marie Bonnot, Les Années noires du Palais-Bourbon, qui a fait connaître cette histoire au grand public. Le réalisateur n’a pu se libérer aujourd’hui, mais il vous confirmera que toute latitude lui a été donnée pour accéder aux archives.

En tant que Président de l’Assemblée nationale, je me réjouis que ce travail de mémoire ait eu lieu. Notre époque retentit parfois de cris haineux, de paroles violentes, qui rappellent d’un peu trop près les invectives et théories du complot des années 1930.

Ces paroles de détestation firent le succès électoral du nazisme, qui entraîna notre continent et le monde dans des années de chaos.

Des dizaines de millions de morts et l’Europe en ruines, tel fut l’abominable résultat de la haine au pouvoir.

En présence d’un si grand désastre, il faut se souvenir. Il faut savoir et comprendre ce qui s’est passé : c’est d’abord la tâche des historiens. Il faut aussi transmettre aux nouvelles générations ce savoir et cette mémoire : c’est là le devoir de tous –et en premier lieu des responsables politiques, c’est pourquoi j’ai tenu à être présent parmi vous ce matin.

Le 9 mars 2000, une plaque a été apposée le long de la galerie qui relie le Palais-Bourbon à l’hôtel de Lassay, là même où a eu lieu le procès.

Chaque année, le 9 mars, une cérémonie est organisée pour rendre hommage aux sept jeunes fusillés des Bataillons de la jeunesse. Elle aura lieu cette année encore et, si cela avait été possible, j’aurais aimé que notre rencontre se tienne le même jour, sur place.

Des travaux de réfection ne permettent pas de se réunir sur le lieu même du procès ; en outre, nous sommes à la veille d’importants rendez-vous électoraux et l’Assemblée nationale va cesser de siéger dans quelques jours, le 25 février.

Nous avons donc programmé cette journée d’échange avec un peu d’avance, mais l’important est que le 80e anniversaire de ce procès injuste et criminel soit commémoré comme il convient.

À cet égard, je veux remercier l’Office national des Anciens Combattants et Victimes de Guerre d’avoir ici réuni des historiens, mais aussi les familles des fusillés, des jeunes du Service national universel et des lycéens, pour la passation de la mémoire.

Après les discussions que vous aurez ici, vous irez au Mont-Valérien, où nous venons d’inhumer le dernier des Compagnons de la Libération, Hubert Germain.

Au Mont-Valérien, plus d’un millier de résistants ou d’otages furent exécutés sous l’Occupation. Parmi eux, ces sept jeunes « Morts pour la France » dont je veux redire les noms, afin que nous les gravions dans nos mémoires : Tony Bloncourt, Roger Hanlet, Pierre Milan, Robert Peltier, Christian Rizo, Acher Semhaya, Fernand Zalkinov.

Nous nous souviendrons de leur martyre et de leur sacrifice. Nous nous souviendrons de leur courage aussi, dont témoignent les lettres, bouleversantes et pourtant très dignes, qu’ils écrivirent à leur famille.

Au nom de l’Assemblée nationale, je vous confie une gerbe de fleurs que vous porterez au Mont-Valérien, pour rendre symboliquement hommage à ces sept victimes de la barbarie nazie que nous allons évoquer aujourd’hui.

Je vous en remercie et donne la parole aux historiens.

 

 

 

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