Cérémonie de la remise des prix de thèse 2020 et 2021 de l’Assemblée nationale

Mercredi 1 décembre

Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi

Mesdames et Messieurs les Députés, chers collègues,
Madame la Questeure, chère Laurianne Rossi, qui siégez  au jury avec le vice-président Le Fur,
Messieurs les Secrétaires généraux, 
Mesdames et messieurs les Professeurs,
Madame et messieurs les Lauréats, 
Mesdames, messieurs,

La situation sanitaire nous permet cette année, enfin, de renouer avec la tradition de la remise officielle des prix de thèse de l’Assemblée nationale. 

Elle nous donne l’occasion d’accueillir les lauréats des années 2020 et 2021, avec toute la solennité requise en ces lieux chargés d’histoire.

Créé en 2003, le prix de thèse de l’Assemblée nationale a permis de distinguer, par un prix ou un prix spécial, 35 thèses. Il a été dédoublé en 2018 par le Bureau de l’Assemblée nationale, avec un prix pour le droit parlementaire et un prix pour l’histoire de l’institution parlementaire. 

Ces prix de thèse sont un hommage et un témoignage de reconnaissance envers celles et ceux qui, dans les Universités, dans les Instituts d’études politiques, dans les centres de recherche et les écoles doctorales, mènent une réflexion de fond sur le Parlement, et plus précisément sur son rôle, ses procédures, son organisation et, naturellement, ses liens avec les citoyens. 

D’un point de vue pratique, les prix de thèse ouvrent droit à une aide à la publication, versée à l’éditeur choisi par le lauréat. L’objectif est de diffuser et faire connaître des ouvrages de référence, pour encourager les chercheurs à se consacrer aux études parlementaires. Dans le monde que nous connaissons, c’est bien utile. 
Pour bien des lauréats, le prix de thèse est l’amorce d’une brillante carrière universitaire.

En 2020 et cette année, en 2021, les jurys ont décidé d’attribuer un prix spécial à des thèses, ainsi qu’une mention spéciale. Ce prix spécial et cette mention spéciale ne sont pas assortis d’une aide à la publication, mais signalent la très grande qualité des travaux ainsi reconnus. 

Parmi les thèses, qu’il a été, comme toujours, difficile de départager, les deux jurys en ont distingué six, trois chaque année.

Au titre des prix de thèse 2020, d’abord

–     le 4 mars 2020, le prix en droit parlementaire a été attribué à M. Jean-Félix de BUJADOUX pour sa thèse en droit public, intitulée : Rationalisations du Parlementarisme en France (XIXe – XXIe siècles), dirigée par M. le professeur Philippe LAUVAUX, et soutenue le 2 décembre 2019, à l’Université Paris II - Panthéon-Assas ; 

–    puis, le 17 juin 2020, le prix d’histoire de l’institution parlementaire a été décerné à Mme Hélène BOIVIN, pour sa thèse en histoire contemporaine sur Louis Terrenoire, un fidèle dans l’ombre du général de Gaulle 1908-1992, dirigée par M. le Professeur Olivier DARD, et soutenue le 22 novembre 2019, à l’Université Sorbonne-Université ;

–    cette même année 2020, le jury de droit parlementaire a également attribué un prix spécial à M. Maxime MEYER, au titre de sa thèse en droit public, sur Gouverner les gouvernants : Eugène PIERRE (1848-1925), le droit parlementaire au service de la République, dirigée par M. le professeur Mathieu TOUZEIL-DIVINA, et soutenue le 29 novembre 2019, à l’Université de Toulouse.

En ce qui concerne les prix de thèse 2021

-    le 17 mars dernier, le prix en droit parlementaire a été dévolu à Mme Clémence LAVIGNE, pour sa thèse en droit public, intitulée : Le refus du mandat impératif en droit constitutionnel français, dirigée par Mme la professeure Elsa FOREY et M. le professeur Bernard QUIRINY, et soutenue le 6 octobre 2020, à l’Université Bourgogne Franche-Comté ; 
-    
-    ensuite, le 24 mars 2021, le prix d’histoire de l’institution parlementaire a été attribué à M. Matthieu BOISDRON, pour sa thèse en histoire moderne et contemporaine sur Joseph Paul-Boncour. Un itinéraire politique contrarié (1873-1972), dirigée par Mme la professeure Christine MANIGAND et M. le professeur Olivier DARD, et soutenue le 30 novembre 2020, à l’Université Sorbonne-Université ;

-    le jury d’histoire de l’institution parlementaire a aussi attribué un prix spécial pour l’histoire parlementaire à Mme Hélène PARENT, au titre de sa thèse en langue et littérature françaises, sur Modernes Cicéron. 

La romanité des orateurs d’assemblée de la Révolution française et de l’Empire (1789-1807), dirigée par M. le professeur Alain VAILLANT et soutenue le 12 octobre 2020, à l’Université Paris Nanterre.

Ce même jury d’histoire parlementaire a aussi tenu à saluer les travaux de Mme Lavigne, déjà primés en droit parlementaire, par une mention spéciale.  

La mise en perspective de ces prix est très éclairante. Trois thèses portent sur les fondamentaux de notre institution : la nature du mandat parlementaire, avec le refus du mandat impératif ; la rationalisation du parlementarisme ; la place des références historiques dans la construction de nos représentations politiques.

Les trois autres portent sur des personnalités marquantes de notre histoire politique et institutionnelle. Les thèses sur Louis Terrenoire et Joseph Paul-Boncour rendent hommage à des parlementaires influents. Celle sur Eugène Pierre donne un éclairage sur la personnalité qui a été secrétaire général de la Chambre des Députés pendant si longtemps, quarante ans, de 1885 à sa mort, en 1925.

Je vais donc appeler les six lauréats pour leur remettre leur prix.

Jean-Félix de Bujadoux, en 2020, votre thèse sur les Rationalisations du Parlementarisme en France (XIXe – XXIe siècles) ne pouvait que retenir, dans cette institution, l’attention du jury. L’Assemblée nationale a été la principale cible des mesures de parlementarisme rationalisé qui ont connu leur acmé avec la Constitution de 1958. 
L’intérêt de vos travaux, très riches, est multiple. Le temps, compté, ne me permet de mentionner ici que trois éléments.
D’abord, vous montrez que la réflexion sur l’encadrement des rapports directs entre les assemblées parlementaires et l’exécutif débute très tôt, dès le début du dix-neuvième siècle, avec Benjamin Constant, un siècle avant que Boris Mirkine-Guetzévitch ne conceptualise la notion de parlementarisme rationnalisé dans son ouvrage de 1928 sur les constitutions de l’Après-Guerre.
Ensuite, vous rappelez toute la richesse de la réflexion en la matière, notamment celle des grands acteurs politiques de la IIIe République, parmi lesquels Jean Jaurès, André Tardieu et Léon Blum, puis de la IVe République avant que Michel Debré ne règle la question avec une grande efficacité en 1958. 
Enfin, vous rappelez comment, progressivement, par des modifications règlementaires, telles que la création des commissions permanentes, la Chambre des Députés est entrée très tôt dans cette logique.
En un mot, vous rendez justice à la capacité des députés à se discipliner et vous dépassionnez un débat encore sensible par la richesse de vos analyses et de vos réflexions.

Hélène Boivin, votre thèse sur Louis Terrenoire – dont je salue les enfants, ici présents – a de grands mérites. D’abord, elle souligne l’importance des personnalités politiques sur lesquelles s’appuient les grands hommes d’État. 
Député de l’Orne, secrétaire général du RPF, président du groupe UNR à l’Assemblée nationale en 1959, ministre de l’Information en 1960, puis ministre des Relations avec la Parlement en 1961, Louis Terrenoire a joué un rôle clef dans la mise en place de la Ve République. Cela devait être rappelé.

Ensuite, vous décrivez avec finesse et justesse le parcours de ce catholique social, journaliste, puis résistant, déporté, exclu du MRP en 1947 pour sa fidélité au gaullisme. 
Enfin, vous montrez l’action de ce gaulliste qui, dans les années 1960, s’engage dans la diplomatie parlementaire, sur la construction européenne et le dialogue franco-arabe, avec un grand sens de l’anticipation, une fois qu’il n’est plus ministre.

Maxime Meyer, vos travaux sur Eugène Pierre ont été réalisés dans le cadre d’une allocation de recherche de l’Assemblée nationale. Vous mettez en valeur la magistrature qu’a exercée ce très haut fonctionnaire, républicain sans faille et auteur de l’Histoire des assemblées politiques en France de 1789 à 1876, malheureusement inachevée, ainsi que du traité de Traité de droit politique, électoral et parlementaire maintes fois réédité. Votre thèse, Maxime Meyer, montre avec justesse les ressorts conceptuels et les réalisations de celui qui œuvra sans relâche et avec dévouement, auprès des présidents de la Chambre, au perfectionnement des mécanismes du contrôle parlementaire et de la fabrique de la loi.

En ce qui concerne les prix de thèse de l’année 2021, je commencerai par saluer la thèse de Mme Lavigne, sur le refus du mandat impératif en droit constitutionnel français. Elle a été primée en droit parlementaire et a fait l’objet d’une mention spéciale en histoire parlementaire, comme je l’ai déjà dit.

Clémence Lavigne, vous avez traité avec une grande profondeur les interrogations de tout un chacun sur la nature du mandat parlementaire. 
Vous rappelez que les révolutionnaires, inspirés par Sieyès, ont opté pour la souveraineté nationale et le mandat représentatif, ce qui permettait d’ouvrir considérablement le champ des possibles dès lors que le souverain n’était plus le roi, ni non plus le peuple, mais une entité abstraite conceptuellement bien plus large et électoralement bien plus étroite, le cas échéant. 

L’Assemblée nationale qui venait de se constituer pouvait se libérer du cadre strict des cahiers de doléances qu’il revenait aux états généraux de présenter au roi, et donner ainsi à notre pays sa première constitution, de même que la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Par son œuvre législative, elle jeta les bases de notre histoire contemporaine.
Vous soulignez que le principe du refus du mandat impératif est resté depuis lors intangible, jusque dans l’article 27 de notre actuelle constitution, mais que sa signification a changé : il n’est plus compris ni interprété de la même manière. 
La ligne rouge reste le refus de la révocation du mandat, du rappel par les électeurs pour une nouvelle élection, symbole de la démocratie directe. 
Pour nous, parlementaires, soumis à une discipline de groupe, interpellés par nos électeurs jusque sur les réseaux sociaux, votre réflexion est essentielle et nous apporte beaucoup.

Matthieu Boisdron, votre travail sur Joseph Paul-Boncour rétablit la mémoire d’un grand parlementaire de gauche, socialiste, qui a été ministre du travail en 1911 et s’est ensuite distingué dans l’Entre-deux-guerres comme Président du Conseil, ministre des Affaires étrangères et comme ministre délégué à la SDN. Il prôna le dialogue et la paix, en orientant très tôt notre politique étrangère vers le rapprochement avec l’URSS, dans le cadre d’une politique de fermeté face à Hitler. Écarté pour cette raison du quai d’Orsay en avril 1938, Paul-Boncour est ensuite l’un des 80 qui refusent les pleins pouvoirs à Philippe Pétain le 10 juillet 1940, avant de prendre part à la Résistance. Défenseur des valeurs humanistes fondamentales, il termine sa brillante carrière politique comme président de la Fédération internationale des droits de l’Homme de 1948 à 1972.

Enfin, Hélène Parent, votre thèse sur les modernes Cicéron nous rappelle tout ce que la Révolution, mais aussi l’Empire, doivent aux références à la Rome antique. C’est une lecture passionnante. Vous montrez comment, par une ironie de l’histoire, ont été formés aux classiques latins par l’Église ceux qui ont mis fin à l’Ancien Régime. 
Ces élus de la Révolution et de l’Empire ont été profondément marqués par des références à Rome. Cette Rome idéalisée ne s’est pas limitée à la forme, à l’art oratoire, si important dans les assemblées de l’époque. Elle a également servi à construire de nouveaux modèles de héros révolutionnaires ainsi qu’un récit collectif ouvrant des perspectives sur la construction de la France moderne. 

Ce mécanisme d’un idéal passé qui n’est pas une nostalgie, mais un élément structurant de la composition du futur, reste d’actualité, comme vous l’avez souligné. Par son ambition d’universalisme, par son attachement aux valeurs de la République, par la conscience de son rôle, notre pays reste imprégné de l’héritage romain classique. 
D’ailleurs, si vous passez dans la salle des Quatre-Colonnes, vous remarquerez les statues de Caton d’Utique et de Brutus. Nous autres députés, lorsque nous nous rendons en séance publique, sommes donc sous le regard constant des derniers défenseurs vigilants de l’idéal républicain, quand Rome basculait vers l’Empire.
Pour terminer, je souhaite vous témoigner à tous les six, ainsi qu’aux universitaires qui vous ont dirigés dans vos travaux, vous ont lus et vous ont distingués, toute notre gratitude pour contribuer ainsi au maintien du rayonnement de l’institution parlementaire, et à la réflexion sur les grands enjeux institutionnels de notre époque.


Je vous remercie.
 

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