Mardi 17 décembre 2024
Discours
Discours
Douzième édition de l’Assemblée des idées, sur le thème « Écologie : faut-il décroître pour survivre ?»
Mercredi 23 octobre
Maison de la Chimie
Seul le prononcé fait foi
Madame la Directrice Générale du Women’s Forum, Mme Audrey Tcherkoff,
Mesdames et messieurs les dirigeants – et dirigeantes – d’entreprises,
Mesdames et messieurs,
« Un conciliateur, c’est quelqu’un qui nourrit un crocodile en espérant être mangé en dernier » disait Winston Churchill, avec beaucoup d’humour mais aussi un peu de mauvaise foi. Car celui que l’on surnommait « le Vieux Lion » a passé une grande partie de sa carrière politique à négocier, concilier et forger des compromis.
De ce côté-ci de la Manche, en France, cette idée de « réconciliation » n’échappe pas non plus au scepticisme ambiant. Réconciliation… voilà bien un mot suspect dans un pays qui préfère, dit-on, la Révolution à la réforme et la confrontation au compromis.
Et pourtant.
Je crois qu'en ces temps troublés, nous avons bien besoin de réconciliation en France.
Car réconcilier, ce n'est pas taire les différences ou nier les divergences. Réconcilier, c’est construire des ponts là où certains s’entêtent à ériger des murs. C'est trouver « l’unité dans la diversité », pour reprendre la devise européenne - E pluribus unum.
Mais je sais ce que vous pensez tous en ce moment.
Vous vous dites : dans le paysage politique actuel et avec une Assemblée nationale fragmentée, « réconciliation » rime surtout avec « illusion ».
Comment croire en effet à la réconciliation, quand l’Assemblée est polarisée en trois grands blocs que l’on dit « irréconciliables » ? Quand les sociologues décrivent une France « archipélisée » ?
Eh bien, moi, j’y crois.
Je suis une optimiste assumée et j’affirme que la réconciliation est non seulement nécessaire, mais encore possible.
On nous prédit une Assemblée ingouvernable ?
On nous prédit le chaos permanent ? Le désordre démocratique ?
À tous ces oiseaux de malheur, je conseillerai de relire Pierre Dac : « Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir ».
Cette Assemblée, que l’on dit irréconciliable, va vous surprendre. Elle est en ce moment au travail et nos institutions vont en étonner plus d’un par leur stabilité et leur efficacité.
Les groupes politiques ne sont pas d’accord entre eux ? C'est vrai. Mais ne confondons pas désaccord et dysfonctionnement : à l'Assemblée, les divergences font partie du débat et du jeu démocratique.
Après tout, cet hémicycle est à l’image des Français. Ils ne sont pas d’accord sur tout – et c’est un euphémisme… Et pourtant, ils savent se rassembler autour de grands moments d’unité – comme lors des derniers Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris.
À l'Assemblée nationale aussi, l’unité est possible. Et même l’unanimité.
Et je peux vous en donner un exemple concret. Saviez-vous que ce mois-ci, deux textes ont été votés à l’unanimité, pour relancer nos travaux de contrôle sur la protection de l’enfance et les violences sexuelles dans le cinéma ?
Et de tels votes sont loin d’être une exception. Ces deux dernières années, dans une Assemblée elle aussi morcelée, des dizaines de textes ont été votés au-delà des clivages, à l’unanimité : comme sur les retraites agricoles, la lutte contre la fraude fiscale ou contre la haine en ligne.
Plusieurs de ces textes étaient aussi transpartisans, c'est-à-dire portés dès l’origine par des députés de tous bords politiques, de la majorité comme de l’opposition.
Ces initiatives, je les ai voulues, crées, encouragées. Car c'est mon rôle, comme présidente de l'Assemblée nationale, de faire émerger du consensus là où il y avait du dissensus ; de négocier inlassablement avec les groupes politiques, pour leur démontrer que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise.
Pour ma part, je suis fière d’être une conciliatrice. Fière de prouver que lorsque l’intérêt général prime, la réconciliation devient une réalité.
C’est là toute la richesse de la démocratie parlementaire. Nous l’avions oublié, mais nos démocraties peuvent bien fonctionner sans majorité absolue – comme entre 1958 et 1962, comme chez nos voisins européens.
Il faudra bien se faire à cette nouvelle donne : car je crois profondément que la majorité absolue ne sera plus la règle, mais l’exception.
Et après tout, est-ce si grave ? Dans une démocratie, il est sain que les résultats des votes évoluent en fonction du débat. « Débattre » : voilà bien un verbe avec lequel nous devrions nous réconcilier. Car « débattre », cela signifie « cesser de se battre ». C’est apprendre à s’écouter plutôt qu'à s’affronter. C’est accepter l’échange et s’astreindre au dialogue. Et qu'est-ce que le Parlement, sinon le « lieu où l’on parle » ? L’espace où se forgent des compromis pour l’intérêt général – et en particulier pour la cause des femmes.
Car parmi ces textes transpartisans que j’ai évoqués, nombre d’entre eux portaient sur les droits des femmes. Pour mieux soutenir les victimes de violences conjugales. Pour accompagner celles qui subissent des fausses couches — une réalité qui touche une grossesse sur quatre. Ces deux propositions de loi ont été, elles aussi, adoptées à l’unanimité.
Je me souviens également d’un autre grand moment rassembleur : au Congrès de Versailles, en mars dernier, quand la liberté de recourir à l’IVG a été inscrite dans la Constitution à une très large majorité – 780 votes pour, 72 votes contre.
C’est bien la preuve que pour réconcilier les Français, il existe un vecteur d’union souvent sous-estimé: l’égalité entre les femmes et les hommes, qui nous rassemble aujourd’hui.
Mais je me souviens aussi d’un autre moment de ce Congrès. Alors que je m’apprêtais à devenir la première femme à avoir jamais présidé un Congrès, j’ai remonté l’allée des bustes de Versailles. Et ces bustes étaient exclusivement masculins.
Comme cet exemple le montre, comme mille autres pourraient le montrer, il nous reste tant de chemin à parcourir pour que l’égalité ne soit pas seulement de façade, mais une réalité de tous les jours.
Nous voulons l’égalité ? Nous voulons réconcilier les Françaises avec la politique ?
Très bien, alors agissons vraiment pour que les femmes soient payées autant que les hommes, à postes et qualifications égaux – et pas 4 % de moins comme aujourd'hui, et même 24 % si l’on compte le temps partiel subi.
Continuons aussi à changer les mentalités pour que les femmes n’aient plus à arbitrer entre carrière et parentalité. Car comme l’a prouvé la Nobel d’Économie Claudia Goldin, l’écart salarial grimpe dès le premier enfant. La solution, nous dit-elle, c’est d’inciter davantage les hommes à prendre un congé parental, et de mieux partager les tâches domestiques dans le couple.
Appliquons enfin pleinement la loi pour que plus de femmes soient nommées dans les conseils d’administration. Et pour que la parité dans les conseils municipaux s’applique aussi aux petites communes.
Il ne s'agit pas de chiffres ou de quotas : il s'agit de justice.
C’est cette même justice que réclamait une grande dame qui avait participé au premier Women's Forum en 2005. Cette Dame s’appelait Simone Veil et je voudrais la citer : « Les chances, pour les femmes, procèdent trop du hasard, et pas assez de la loi. (…) Pendant que l’on fait des ronds de jambe sur la parité, je suis bien obligée de constater qu’il n’y a plus que deux femmes, sur neuf, membres du Conseil constitutionnel. »
Aujourd'hui, trois femmes siègent au Conseil constitutionnel. C'est à peine mieux. Et le travail reste immense dans toutes nos institutions.
Il a fallu attendre 233 ans et mon élection au Perchoir pour qu'une femme soit enfin Présidente de l'Assemblée nationale. Mais il n’y a jamais eu encore de femme Secrétaire générale des Nations unies ou de femme gouverneure générale de la Banque de France. Et il n’y jamais eu non plus de femme à la Maison-Blanche – quoique, nous verrons bien le mois prochain.
Je terminerai en évoquant un domaine crucial, dont il sera largement question dans vos discussions : la diplomatie – cet art de la conciliation par la négociation.
Sur ce sujet, il existe un paradoxe saisissant. Selon l’ONU, la participation des femmes aux processus de paix augmente de 35 % les chances qu’un accord tienne plus de 15 ans. Mais un seul négociateur diplomatique sur dix est une femme. Un seul.
Le 8 mars dernier, j’ai voulu montrer qu'une autre voie était possible, celle d’une diplomatie féministe, en réunissant 24 de mes homologues Présidentes d'assemblées nationales. 24 Présidentes d’horizons et de sensibilités politiques différents, mais qui ont concilié leurs divergences autour d’une grande cause : la cause des femmes.
En ces temps troublés, je suis donc venue avec un message simple : ayez confiance. Ne doutez jamais de la capacité des Français à se réconcilier - avec eux-mêmes et la politique.
Mais cette réconciliation ne se décrètera pas. Elle se méritera : en répondant aux attentes concrètes de nos concitoyens ; en se frottant à leurs quotidiens ; en leur montrant que la politique peut changer leurs vies.
Notre histoire en témoigne : ceux qui croient à la réconciliation ne sont pas des utopistes, ce sont des réalistes. Qui croyait, en 1945, à la réconciliation franco-allemande ? Qui croyait que les Français pourraient se réconcilier après la Seconde Guerre mondiale ?
Et pourtant, le 23 novembre 1945, le Général de Gaulle formait un gouvernement d’union nationale. Un gouvernement qu'il décrivit, devant les députés, « comme le symbole de cette conciliation entre les tendances majeures de l'opinion, conciliation qui, maintes fois, assura, après de grandes épreuves, l'unité de la France et sans laquelle elle risquerait de sombrer ».
Alors ne doutons plus de nous-mêmes. La réconciliation n’est jamais impossible. Elle est parfois épineuse, souvent inattendue, mais elle est toujours nécessaire. J’espère donc vous avoir réconcilié avec ce beau mot de « réconciliation ». Merci.
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