Inauguration de la salle des Bustes en hommage aux grands orateurs de l’histoire parlementaire
Mardi 15 octobre
Assemblée nationale
Seul le prononcé fait foi
Mesdames et messieurs les députés,
Messieurs les Présidents Jean-Louis Debré et Bernard Accoyer,
Mesdames et messieurs,
« Les grands hommes font leur propre piédestal ; l'avenir se charge de la statue », disait Victor Hugo avec prescience, puisque son buste orne depuis longtemps les couloirs du Palais-Bourbon.
Mais lui prêtions-nous suffisamment attention ?
Dans la fièvre des débats, nous passons souvent à toute allure, sans même les regarder, devant les bustes de nos grands anciens.
Or, ces visages de pierre nous observent, nous scrutent, et peut-être nous jugent… Témoins des convulsions qui ont agité la France, acteurs des grandes réformes qui ont conforté la République, ils auraient sans doute de précieux conseils à nous donner, de savoureuses confidences à nous faire, si les pierres pouvaient parler.
Et pourtant, au fil des réaménagements, ces bustes se trouvaient disséminés, parfois même oubliés : ainsi, les députés poètes Victor Hugo et Alphonse de Lamartine n’ouvraient qu’un modeste couloir menant aux toilettes, tandis que le malheureux Dupont de l’Eure étouffait derrière le porte-manteau à la Buvette.
Pour ce parlementaire qui siégea sous le plus grand nombre de constitutions – huit, pendant cinquante ans –, pour cet homme qui proclama la République depuis le Perchoir en 1848, quelle déchéance !
Quant à Armand Fallières, il revient de loin, puisqu’il se morfondait dans les réserves des sous-sols depuis des décennies.
Il s’agit pourtant d’un personnage extraordinaire : avocat proche du peuple, il grimpa tous les échelons jusqu’à la présidence de la République et manqua de peu d’obtenir l’abolition de la peine de mort, dès 1908.
Bien sûr, j’aurais aimé voir ici des bustes de femmes, à parité avec ces grandes figures des Deuxième et Troisième Républiques.
Mais à l’époque où l’on sculptait ces bustes, les Françaises n’étaient ni électrices, ni éligibles : Marianne, allégorie de la République, symbolisera donc ici toutes ces femmes qui, privées de leurs droits, n’en œuvrèrent pas moins pour la démocratie et leur émancipation.
Au moins, les bustes qui nous entourent ont-ils le mérite de refléter toute la diversité de nos territoires.
Par exemple, Léon Gambetta, qui proclama la déchéance de Napoléon III et de sa dynastie au Palais-Bourbon en 1870, fut aussi élu dans les Bouches-du-Rhône, en même temps que dans le Bas-Rhin, la Seine et deux anciens départements d’Algérie. Avant le cumul des mandats, il y avait même le cumul des circonscriptions !
Et je relève avec intérêt que l’histoire ultramarine est très présente ici : puisque nous comptons trois grands orateurs qui fustigèrent la traite et l’esclavage, Hugo, Lamartine et Dupont de l’Eure.
Au bas du décret du 27 avril 1848 portant abolition définitive de l’esclavage dans les colonies françaises, on trouve justement, comme premiers signataires, Dupont de l’Eure et Alphonse de Lamartine.
Vous le voyez : réunir ici ces bustes, ce n’est pas seulement embellir le Palais-Bourbon, ce n’est pas seulement sauvegarder des œuvres. C’est aussi mieux faire connaître l’histoire républicaine et parlementaire.
La création de cette salle des Bustes s’inscrit ainsi dans une politique d’ouverture de l’institution aux citoyens que j’ai voulue, et qui s’est déjà traduite par la création de nouveaux créneaux de visite et l’organisation de nombreux événements.
Encore ce soir d’ailleurs, nous accueillerons des experts de la société civile et un public nombreux pour la nouvelle édition de l’Assemblée des Idées, que nous allons consacrer à un thème très politique : celui de la parentalité. C'est un sujet auquel notre Victor Hugo national a failli frotter : il a en effet écrit un livre intitulé « l’art d’être grand-père », mais n’a rien composé sur « l’art d’être parent ». Sans doute lui aurait-il fallu quelques tomes de plus.
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Mais revenons à notre Grande Rotonde. Pour elle, ces bustes sont comme une nouvelle naissance. Elle fut historiquement un lieu animé, quand s’y trouvaient jadis un débit de tabac et un kiosque à journaux. Avec le temps, elle avait cependant fini par devenir un point de passage un peu froid. Voici cet espace de nouveau habité – et par quels locataires.
Je veux à cet égard remercier les fonctionnaires de l’Assemblée et tout spécialement ceux de la Direction des affaires immobilières et du patrimoine, grâce à qui ces bustes ont été soigneusement nettoyés, restaurés, valorisés.
Merci également à notre atelier de menuiserie, car c’est en interne qu’ont été réalisés ces fins socles noirs de facture très moderne, qui mettent si bien en valeur le marbre blanc des bustes.
Bravo aussi à nos déménageurs, car nos orateurs pèsent tout le poids des siècles !
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Et enfin, je voudrais adresser un dernier remerciement particulier à toi, cher Bruno. Toi aussi, tu fais partie du patrimoine de l'Assemblée nationale ! Tu as été ma plume, mon conseiller historique, le M. Histoire de l’Assemblée, et encore aux dernières Journées du Patrimoine, tu passais ton savoir aux visiteurs du Palais-Bourbon.
Ce projet de salle des Bustes est un des derniers que tu as supervisés ici, à l'Assemblée nationale. Et il te ressemble bien : car avec cette salle, l’histoire, la mémoire et le patrimoine se rejoignent pour aboutir à un résultat magnifique et essentiel, celui de la transmission de nos repères républicains et des grands moments de notre histoire.
En ces temps de « présentisme » et d’instantanéité, nous avons bien besoin de cet ancrage dans le temps long – au même titre que ces bustes qui s’ancrent désormais dans le sol du Palais-Bourbon.
En présence de ces bustes, ayons conscience de poursuivre l’œuvre de ceux qui nous ont précédés. Transmettons leur message républicain et leur foi en l’avenir aux jeunes qui visitent ces lieux.
Je vous remercie.
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