Hommage à M. Louis Mermaz

Mardi 8 octobre

Ouverture de la Séance des Questions au Gouvernement
Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement,

Monsieur le Garde des Sceaux, vous qui avez bien connu Louis Mermaz,

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,

« Dès l’enfance, j’ai rêvé d’un destin », confiait Louis Mermaz en ouverture de ses Mémoires. Un destin non pas pour lui, mais pour servir la France et ses institutions. Un destin profondément républicain.  

Au terme d’une longue vie d’engagement, nous pouvons l’affirmer sans équivoque : oui, le Président Mermaz, qui nous a quittés le 15 août dernier, s’est montré fidèle à son rêve d’enfance.

François Mitterrand, dont il accompagna la carrière politique, de la traversée du désert jusqu'à la remontée de la rue Soufflot, disait de Louis Mermaz qu'il était « un homme complet ». Et en effet, pourfendeur intransigeant des inégalités et des injustices, homme d’État comme homme de lettres, Louis Mermaz conjuguait pleinement amour du savoir et passion de l’action.  

« Me raconter, c’est aussi retracer l’histoire d’une génération », écrivait-il. Pour Louis Mermaz, cette histoire commença véritablement en 1956 : à 25 ans, il s’engagea avec François Mitterrand à l’UDSR, et devint alors « le fidèle des fidèles ». 

Il connut des revers dans l’Orne, mais gravit avec succès les montagnes iséroises : il fut l’emblématique maire de Vienne, pendant 30 ans, de 1971 à 2001. Dans ce département isérois dont il n’était pas originaire, mais qu'il chérissait, il fut aussi élu député, président du Conseil général et sénateur jusqu'en 2011.  

À ces mandats locaux s’ajoutèrent des fonctions nationales parmi les plus éminentes.  Après la dissolution et les élections législatives de 1981, il devint le premier Président socialiste de l’Assemblée nationale sous la Ve République -  le Président de l’alternance parlementaire.

Lorsqu'il prit place à ce Perchoir, le jeudi 2 juillet 1981, il réaffirma sans ambages sa volonté de « changer la vie ». Mais s’il ne reniait rien de ses convictions, il promit dès son élection de diriger les débats « avec impartialité ». 

Et face aux inquiétudes des oppositions, il prit cet engagement devant les députés : « J’ai conscience d’être le Président de toute l’Assemblée et pas seulement de la majorité qui m’a élu. À ce titre, je serai le garant des droits de tous les députés qui sont l’expression de la souveraineté populaire. »

Dans l’hémicycle, Louis Mermaz, soucieux d’améliorer la qualité du travail parlementaire, évitait délibérément les séances de nuit, qu’il qualifiait de « pratique française déplorable ».  Il présida les grands débats de la VIIe législature, accompagnant jusqu’à leur terme des lois qui constituent encore notre boussole républicaine. C’est ainsi qu'il apposa avec émotion sa signature sur le texte abolissant la peine de mort, aux côtés du Président de la République, du Premier ministre et du Garde des Sceaux, Robert Badinter.

Sous son impulsion, le travail parlementaire fut également modernisé - sur le fond comme sur la forme. Des années plus tard, il se souvenait d’avoir bataillé pour supprimer l’obligation du port de la jaquette et de l’habit pour les présidents de séance ! 

Il préfigura dans le même temps la politique d’ouverture de l'Assemblée : il créa la division de la presse, ou obtint la retransmission télévisée des Questions au Gouvernement.  

Enfin, le Président Mermaz incarna la diplomatie parlementaire. « Je ne rendais généralement pas compte au Président de la République de mes voyages », témoigna-t-il à ce sujet. « Jaloux de ses prérogatives, il aurait eu aussi le sentiment que j’empiétais sur son domaine, mais j’avais conscience de faire œuvre utile en expliquant à mes hôtes les implications de la politique française ». 

Dès le lendemain de son élection, il se rendit ainsi au Luxembourg pour la Conférence des Présidents des Parlements de la CEE, où il siégea aux côtés de Simone Veil, première Présidente du Parlement européen. En 1982, il fut aussi le premier Président de l'Assemblée à se rendre en République Populaire de Chine : il y rencontra Deng Xiaoping qui avait amorcé le grand éveil économique du pays.

Il se rendit également en visite officielle en Inde, en Côte d’Ivoire, au Sénégal, en Israël ou dans ce qui s’appelait encore l’URSS. Les grands de ce monde prirent enfin l’habitude de s’arrêter à l’Hôtel de Lassay. Ce fut notamment le cas de Mikhaïl Gorbatchev, à l’aube de la perestroïka.

Y compris après sa présidence, Louis Mermaz continua à jouer un rôle de premier plan au Palais-Bourbon : comme Président du Groupe socialiste, entre 1988 et 1990 ; ensuite, de 1990 à 1992, comme Ministre de l’Agriculture et de la Forêt, puis comme Ministre des Relations avec le Parlement, entre 1992 et 1993.

Au tournant du siècle, redevenu député et plus libre que jamais, il marqua de son empreinte la Commission des lois, y défendant ardemment le droit d’asile ou l’amélioration des conditions de détention. Il n’eut alors de cesse de plaider pour la dignité des étrangers dans les centres de rétention administratifs, qu’il qualifia « d’horreur de notre République ».

En somme, partout et toujours, Louis Mermaz se fit le gardien vigilant de notre État de droit. Il fut un homme politique jusqu’à la fin de sa vie et le « père spirituel » d’une nouvelle génération d’élus dont certains sont encore parmi nous.

Ce fut personnellement un honneur de l’accueillir plusieurs fois à l’Hôtel de Lassay pour de grands évènements qui lui tenaient à cœur : commémorer le 230e anniversaire de l’abolition de l’esclavage en fut un. C’était au mois de février dernier, il était au premier rang.

De l’aveu de tous, Louis Mermaz personnifiait la rigueur intellectuelle, la probité et l’humilité ; mais il n’en gardait pas moins une ironie mordante, toute flaubertienne, qui colorait ses piques d’une délicieuse autodérision. C’est ainsi que peu après son élection au Perchoir, Michèle Cotta lui demanda : « Qu'est-ce que cela vous fait, monsieur le Président, d’être là, sous ces lambris dorés ? ». Et il répondit dans un sourire : « Vous savez, je me suis déjà servi de fourchettes et couteaux à poisson. » 

Mais Louis Mermaz était aussi profondément pudique et sensible. « Derrière l’homme politique qui s’expose, il y a celui qui se cache », écrivait-il. Il savait que pour vivre heureux, il fallait parfois vivre caché - lui qui ne révéla que tard la singularité de ses origines. 

Face aux drames familiaux, face aux plus immenses des douleurs, il fit montre de cette gravitas dont un agrégé d’histoire, et amoureux de l’héritage gallo-romain de Vienne, ne pouvait ignorer la force. « Je ne lâchais rien » témoignait-il. « Il fallait vivre, combattre encore. » 

« Combat », et « Espoir » : ces deux mots clôturent ses Mémoires. 

Au nom de la représentation nationale, en votre nom à tous, je salue ce destin et j’adresse mes plus sincères condoléances à sa famille et à ses proches, présents en tribunes. 

Je vous invite à respecter une minute de silence, en la mémoire du Président Louis Mermaz.
 

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