Ouverture du colloque DPR-CNCTR « La politique publique du renseignement est-elle bien contrôlée ? »

Jeudi 11 mai

Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi

Monsieur le président de commission des Lois de l’Assemblée nationale et la Délégation parlementaire au renseignement, cher Sacha Houlié,

Monsieur le président de la commission des Lois du Sénat, cher François-Noël Buffet,

Mesdames et messieurs les députés,

Mesdames et messieurs les sénateurs, monsieur le président de la commission de Vérification des fonds spéciaux,

Monsieur le président de la Commission nationale de Contrôle des techniques de renseignement,

Monsieur le Coordonnateur national du Renseignement et de la lutte contre le terrorisme,

Madame la cheffe du Service national du Renseignement pénitentiaire,

Madame la directrice du renseignement de la Préfecture de police,

Monsieur le Directeur général de la Sécurité extérieure,

Monsieur le Directeur général de la Sécurité intérieure,

Monsieur le Directeur du Service central du Renseignement territorial,

Mesdames, messieurs,

Quand, le 23 juin 1789, il opposa la volonté du peuple à la force des baïonnettes, Mirabeau fonda l’existence d’un pouvoir législatif en France.

Or, l’ironie de l’Histoire veut que le même Mirabeau ait aussi servi son pays en accomplissant une longue mission secrète en Prusse, avant 1789. C’est dire que, dès l’origine, Parlement et renseignement eurent partie liée. 

L’un des livres de Mirabeau, d’ailleurs, porte un titre évocateur : L’Espion dévalisé. Publié clandestinement, sous pseudonyme, il commence par le récit d’une véritable contre-filature, avant de livrer des analyses politiques.

« Un contrôleur général qui cesse d’être soutenu par le ministre principal est bientôt écrasé », note ainsi Mirabeau, qui donne en conclusion le but à atteindre :

« On sait que la France se gouverne par les lois et par l’autorité, écrit-il. Quand l’un est tempéré par l’autre, quand l’harmonie est entière, quand la balance est maintenue, tout est dans l’ordre, personne ne murmure, et chacun jouit paisiblement de son existence. »
C’est précisément ce juste équilibre entre exécutif et législatif que nous recherchons depuis l’invention du Parlement, y compris en matière de renseignement.

Il y eut d’abord de nombreuses lois réprimant l’espionnage et la trahison, depuis celle de 1794 « qui ordonne l’arrestation de tous les sujets du roi de la Grande-Bretagne actuellement dans l’étendue de la République », un peu brutale, jusqu’aux lois plus élaborées de 1939 en passant par la loi Boulanger de 1886.

Sur l’organisation, le financement et le fonctionnement des services français en revanche, l’exécutif s’est longtemps en trouvé en situation de quasi-monopole : comme si, au cœur de l’État, au cœur du secret, il n’était plus possible au législateur d’intervenir.

Périodiquement, des affaires d’espionnage ont pourtant secoué les deux hémicycles, de l’arrestation du capitaine Dreyfus à l’affaire du Rainbow Warrior, sans que les prérogatives du Parlement s’en trouvent considérablement étendues. Sans doute craignait-on les fuites, dans un univers où le cloisonnement, où la conservation du secret, constituent des exigences vitales.

Il a donc fallu attendre pour qu’émerge enfin le contrôle parlementaire du renseignement : un acquis récent, mais de première importance. 

Paradoxalement, c’est sous la Cinquième République qu’il s’est imposé, quand des institutions longtemps critiquées pour donner la part trop belle à l’exécutif évoluèrent dans le sens d’un meilleur équilibre. 

Ce fut en effet la loi du 9 octobre 2007 qui créa la Délégation parlementaire au renseignement : en même temps que le cadre législatif naissait l’instrument du contrôle, et les deux ont évolué parallèlement. Et en 2015, une nouvelle loi institua la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement pour remplacer l’ancienne Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité » (CNCIS) créée en 1991. DPR et CNCTR sont aujourd’hui les deux piliers de ce contrôle parlementaire du renseignement qui nous occupe aujourd’hui. 

Pour moi, et je sais que nous sommes nombreux ici à partager ce point de vue, le renseignement constitue une politique publique au sens plein du terme.
Une politique publique de portée stratégique, au service de la Nation, pour protéger nos concitoyens des menaces pesant sur notre pays, et pour aider la France à préparer l’avenir.

Dans un monde en mutation, où les effectifs et les moyens matériels des services atteignent partout des niveaux inédits, cette politique publique revêt une importance capitale. Il est donc parfaitement légitime, dans une démocratie comme la nôtre, qu’une telle politique publique fasse l’objet d’un contrôle et d’une évaluation, exercé par les députés et les sénateurs. 

Bien sûr, ce contrôle ne doit en aucun cas porter atteinte à la séparation des pouvoirs, ni entraver l’efficacité des services. Cet équilibre est possible, comme le montre depuis 2007 l’action de la Délégation parlementaire au renseignement (DPR), dont les prérogatives se sont d’ailleurs accrues depuis le colloque qui lui a été consacré en 2018. À l’époque, j’étais présidente de la commission des Lois ; aujourd’hui, c’est en tant que présidente de l’Assemblée nationale que j’ai la joie d’ouvrir ce nouveau colloque – et de pouvoir mesurer le chemin parcouru, en matière législative. 

Car, entre-temps, il y a eu les grands acquis de la loi du 30 juillet 2021 « relative à la prévention d’actes de terrorisme et au renseignement ».

Pour avancer dans un domaine si délicat, il faut de la méthode, afin de légiférer de manière consensuelle et transpartisane. C’est ce souci de méthode qui a d’ailleurs marqué la vaste mission d’évaluation de la loi sur le renseignement de 2015, mission présidée par Guillaume Larrivé, avec Jean-Michel Mis et Loïc Kervran. Elle a permis de formuler plusieurs dispositions qui ont, pour l’essentiel, été reprises par le Gouvernement.

Loïc Kervran, rapporteur du texte sur la partie « renseignement », était membre de la DPR et avait rejoint pour l’occasion la commission des Lois, après avoir suivi ces questions au sein de celle de la Défense. Avec sa collègue sénatrice Agnès Canayer, ils sont parvenus à un accord sur les articles relatifs au renseignement.

En première lecture, à l’Assemblée nationale, nous avions pu ainsi adopter le texte dans un esprit de large consensus, des socialistes aux républicains.

Sur la DPR en particulier, les avancées sont issues d’un accord entre Françoise Dumas, alors présidente de la commission de la Défense de l’Assemblée nationale, le Gouvernement et moi-même. 

Comme celle de 2007, la loi du 30 juillet 2021 a renforcé tout à la fois les moyens juridiques mis à la disposition des services et le contrôle parlementaire du renseignement. 

Elle a en effet élargi le champ d’action de la DPR, en lui reconnaissant explicitement la possibilité de traiter des enjeux d’actualité liés au renseignement et des défis qui s’y rapportent. Sans interférer sur les opérations en cours, la délégation peut mener des travaux en prise avec l’actualité, en usant de son droit d’accès à des informations classifiées, ce qui n’est permis à aucun autre organe parlementaire.

En outre, obligation est faite au Gouvernement de transmettre chaque semestre à la DPR la liste des rapports de l’Inspection des services de renseignement et de ceux des services d’inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence. En effet, pour pouvoir en demander leur communication, encore faut-il que la DPR ait connaissance de leur existence. 

La DPR peut maintenant demander communication de tout document, information et élément d’appréciation utiles à l’accomplissement de sa mission, même si cette faculté demeure encadrée par le besoin d’en connaître de la délégation. 

S’agissant du plan national d’orientation du renseignement, elle ne reste destinataire que « d’éléments d’informations », mais le Coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme peut effectuer, chaque année, une présentation de ce plan et de ses évolutions devant la DPR. 

Le pouvoir d’audition de cette délégation a été étendu, la loi de 2015 a été révisée pour tenir compte de l’évolution des technologies, les partages de renseignements et d’informations entre services ont été encadrés mais aussi fluidifiés, l’accès aux archives classées secret-défense a été réformé… 

Dans le même esprit, cher Serge Lasvignes, en 2021 le législateur a renforcé les pouvoirs de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), donnant à ses avis un caractère contraignant, avec une exception en cas d’urgence. 

Au total, les avancées réalisées sont donc considérables. Loin de fragiliser nos services, le contrôle parlementaire tend à les renforcer, puisqu’il permet au législateur de mieux connaître les tendances, les menaces et les besoins, dans un cadre adapté.

Pour permettre aux élus de la Nation et aux professionnels du renseignement de continuer d’échanger sur les enjeux actuels et futurs de cette politique publique déterminante, un nouveau colloque était nécessaire. Je suis fière et heureuse de l’accueillir ici, en cette galerie des Fêtes de l’hôtel de Lassay, et je me réjouis de voir que le contrôle parlementaire du renseignement fait salle comble !

Je forme le vœu que ce nouveau colloque soit aussi fructueux que le précédent et nous aide à parfaire notre modèle français de contrôle parlementaire du renseignement.

Je vous remercie et donne maintenant la parole à Sacha Houlié, président de la Délégation parlementaire au renseignement. 

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