Ouverture du colloque Pierre Mendès France

Lundi 28 novembre

Salle Victor Hugo
Seul le prononcé fait foi

Monsieur le président de l’Institut Pierre Mendès France, cher François Loncle,

Monsieur le président de la commission des Affaires étrangères, cher Jean-Louis Bourlanges,

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,

Mesdames, messieurs,

J’ai tenu à être présente pour vous accueillir ici, au nom de l’Assemblée nationale, pour ce colloque consacré à Pierre Mendès France.

Mendès, c’est l’homme qui, au milieu d’une négociation internationale, s’adresse directement aux Français pour rendre compte de son action et demander leur assentiment. Mendès, c’est la démocratie vraie, sans complexe, confiante en la capacité de jugement des citoyens.

À travers ses causeries au coin du feu, le président du Conseil parle sans faux-semblants aux Français, pour leur proposer son idéal d’une France démocratique moderne, en phase avec son époque.

Avant tout le monde, il avait pressenti, compris, ce que devait être l’engagement de l’élu, le lien avec les citoyens, au moment où de nouveaux moyens de communication mettaient en contact direct gouvernants et gouvernés, représentants et représentés.

C’est pourquoi je remercie l’Institut Pierre Mendès France et son président, François Loncle, d’avoir organisé ce colloque d’une richesse remarquable, associant historiens, juristes et responsables politiques.

Bien sûr, il fallait commémorer le 40e anniversaire de sa disparition, mais je vous avoue que pour moi, Pierre Mendès France n’évoque rien de funèbre. Au contraire : il était la vie, l’action, l’innovation politique, c’est pourquoi j’observerai que cette année 2022 marque aussi le 90e anniversaire de sa première élection, aux législatives de 1932 : selon lui, « les plus graves peut-être qu’ait connues la Troisième République », comme il le déclarait aux électeurs de Louviers, dans sa profession de foi.

« Le monde est en proie à une crise intense », constatait-il d’emblée. C’est ce député face aux crises qu’analysera Sabine Jansen. Contre « les difficultés économiques », contre ces « germes guerriers » qu’il discernait avec sept ans d’avance, c’est tout un plan de réformes démocratiques, d’équipement économique et de paix internationale qu’il défend avec passion. 

Dès sa première profession de foi, Mendès est déjà Mendès : refus de la démagogie et de la facilité, clairvoyance et lucidité, volonté d’alerter des citoyens qu’il considère comme adultes et éclairés, capables de faire leurs choix en toute responsabilité.

En 1932, c’est pourtant un tout jeune homme qui s’exprime ainsi. Mendès n’a que vingt-cinq ans, mais il est déjà docteur en droit, diplômé de l’École des Sciences politiques, avocat à Louviers, professeur à l’École des Hautes Études en sciences sociales et ancien chef-adjoint de cabinet de deux ministres. Le voici bientôt benjamin de la Chambre des députés, car il est élu, malgré les tracts malveillants de son principal adversaire contre cet avocat parisien qui n’est pas « de chez nous »… 

« On ne jette des pierres qu’aux arbres qui portent les fruits », réplique Mendès. Et des fruits, il en portera, durant sept mandats, sous trois républiques, dans l’Eure d’abord, en Isère ensuite. Sa position sur l’Europe, son action parlementaire seront analysées par Gérard Bossuat, Frédéric Potier, Claude Perdriel et Georges Kiejman, avant les conclusions de Jean-François Sirinelli. 

Sans les devancer, je pense que nous serons tous ici d’accord pour saluer le bilan de Pierre Mendès France. 

Cette grande figure morale, qui arriva au pouvoir un 18 juin pour tomber un 6 février, incarna, pendant sept mois, l’espoir d’un renouveau, la chance pour la République parlementaire de surmonter les difficultés de la guerre froide et de la décolonisation.

De Pierre Mendès France, nous retiendrons d’abord le courage, l’éthique, et aussi son appel si novateur à la société civile. Voici ce qu’il déclarait en 1955, dans son magnifique Message à la jeunesse : « N’hésitez pas à prendre part à la vie politique, qui sans votre inspiration risquera toujours de retomber dans les vieilles ornières. » 

Et il ajoutait : « Décidez dès aujourd’hui de peser de toutes vos forces sur la destinée nationale, préparez de votre propres mains l’avenir plus heureux et plus juste auquel vous avez droit. Soyez enfin, au sens le plus riche de ce mot, des citoyens ! »

Cet appel au civisme reste d’une parfaite actualité. En rendant hommage à cet « éveilleur de conscience », pour reprendre les mots par lesquels François Mitterrand salua sa mémoire en 1982, vous ne faites pas seulement de l’histoire : vous étudiez et valorisez un précurseur de la démocratie moderne, un inspirateur de méthodes nouvelles. 

Vous honorez un député et un homme d’État qui a encore beaucoup à nous apprendre, et qui un jour je le souhaite, rejoindra Gambetta, Hugo, Jean Jaurès et Jean Moulin sous le dôme du Panthéon. 

PMF fait partie de ces grands hommes qui n’appartiennent plus à un parti ni à un groupe, mais dont l’œuvre devient un élément du patrimoine national et une référence commune à tous les républicains.

Ainsi, ce qu’on a dit sur le général de Gaulle, on peut aujourd’hui le dire au sujet de Pierre Mendès France : tout le monde a été, est ou sera mendèsiste.

Je vous remercie.
 

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