Cérémonie des vœux aux parlementaires, aux corps constitués et au corps diplomatique

Mardi 17 janvier

Hôtel de Lassay
Seul le prononcé fait foi

Madame la Première ministre,
Monsieur le Président du Sénat,
Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Mesdames et messieurs les députés, mes chers collègues,
Monsieur le Vice-Président du Conseil d’État,
Monsieur le Président du Conseil économique, social et environnemental,
Madame la Défenseure des droits,
Monsieur le Délégué national de l’Ordre de la Libération,
Monsieur le Préfet de police,
Mesdames et messieurs les officiers,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, messieurs, en vos grades et qualités

Les voeux aux corps constitués font partie des traditions de notre pays, mais cette tradition n’a pas toujours été respectée. Elle fut même rejetée au plus fort de la Révolution française. Et plus récemment, la crise sanitaire nous a imposé des règles de distanciation incompatibles avec de telles cérémonies.

Nous revoici ! Ou plutôt, nous voici… Car cette Assemblée au nom de laquelle je suis heureuse et fière de vous accueillir aujourd’hui, l’Assemblée de cette XVIe législature qui ne fait que commencer, ne ressemble pas à celle qui a pu vous recevoir jadis.

Ce visage nouveau, c’est celui que nous donne cette configuration politique inédite dont il est tant question, la fameuse majorité relative issue des dernières élections législatives. Cette majorité relative qui nous rend un peu turbulents sans doute, qui enrichit chaque jour ce droit ô combien vivant qu’est le droit parlementaire, constitué de règles écrites mais aussi de « précédents »... Et nous créons beaucoup de précédents depuis le mois de juin ! J’en connais les difficultés, mais ces nouveaux équilibres, ce dialogue obligé, ce peut être une chance pour la France, si nous savons nous en saisir, nous écouter, nous rapprocher… nous respecter les uns les autres.

Ce visage nouveau tient aussi à d’autres raisons. Récemment, une lycéenne m’a demandé pourquoi il avait fallu attendre 2022 pour qu’une femme préside l’Assemblée nationale. Il est vrai que le chemin a été long. Mais il s’est passé quelque chose et je vois d’autres visages ici – madame la Première Ministre, madame la Première Questeure, mesdames les vice-présidentes, mesdames les présidentes de groupe et de commission – qui ne pourront que m’approuver. Ce qui importe, c’est le cap : c’est le bon, celle dont notre pays a besoin.

Cette assemblée est au travail. Et bien sûr, mon premier voeu est qu’elle le reste, tout au long de l’année 2023.

Depuis juin 2022, les députés ont adopté de nombreux textes. Et pas n’importe lesquels. Nous avons protégé le pouvoir d’achat des Français, dans la crise que nous traversons. Nous avons augmenté les moyens des forces de l’ordre pour mieux garantir la protection de nos concitoyens. Nous avons commencé un travail ambitieux en faveur des énergies renouvelables. Autant de priorités qui témoignent d’une volonté politique. Et l’année qui s’ouvre est porteuse d’autres réformes, nombreuses, dont notre pays a besoin.

Comment ne pas parler d’abord de la réforme des retraites ? Nous l’examinerons bientôt et je remercie Mme la Première Ministre d’avoir fait précéder nos travaux d’une large concertation sociale et politique, comme je l’avais souhaité à l’automne dernier.

Il en résulte une réforme de responsabilité et de justice, visant à préserver notre modèle social fondé sur la solidarité entre les générations. Elle devra renforcer les droits des retraités les plus fragiles, ceux dont les carrières sont les plus longues ou les métiers les plus pénibles.

Ce sont là des sujets majeurs, qui définissent les contours de la société dans laquelle nous voulons vivre. C’est à l’Assemblée nationale qu’ils doivent être débattus. Et nous avons, collectivement, la responsabilité de faire vivre ce débat, jusqu’au bout. J’y veillerai, dans le respect des opinions, dans le respect des différences, et je compte sur chaque représentant de la Nation pour se montrer à la hauteur du mandat exigeant que les Français nous ont confié.

Des lois de programmation pour la justice et nos forces armées au projet de loi sur le nucléaire en passant par celui sur l’asile et l’immigration : le programme s’annonce chargé, ambitieux. Et nous sommes prêts.
Il est un autre chantier, dont chacun sait qu’il me tient à coeur : la fin de vie. Je crois, profondément, que nous devons accorder ce droit, cette liberté, à nos concitoyens. Et nous devrons, pour y parvenir, respecter les convictions de chacun. Sur un tel sujet, un débat apaisé constitue une nécessité absolue. Et si la vie n’est jamais aussi belle que lorsque l’on est libre, la mort aussi doit pouvoir être vécue en liberté. Ce débat se prépare au Conseil économique, social et environnemental, dont je salue le Président, cher Thierry, et il se poursuivra bientôt sur nos bancs, je le souhaite.

Lorsqu’il s’agit de libertés, il est plus fréquent pour nous, responsables politiques, d’appeler à les préserver plutôt que d’en créer. C’est donc une opportunité rare qui s’offrira aux parlementaires. Rare, mais pas inédite : je pense à la liberté des femmes à disposer de leur corps, au droit à l’avortement, consacré par le Parlement il y plus de quarante ans. Ce droit, nous y tenons, et ce n’est pas un hasard si j’ai inauguré, le mois dernier, un buste de Simone Veil dans le jardin des Quatre-Colonnes.

Au moment où ce droit est menacé dans des pays où il semblait acquis, nous avons pris une décision importante, en votant en première lecture son inscription dans la Constitution, et ce, à une écrasante majorité. Nous devrons aller au bout de cette démarche – pour la France et pour le monde.

Car je le crois, quand il s’agit de la liberté des femmes, la France se doit de porter le flambeau. Au-delà de l’IVG, nous devons nous trouver partout aux côtés des femmes qui se battent pour leurs droits. Je pense en particulier à nos soeurs afghanes ou iraniennes, à qui je veux dire toute ma solidarité, tout mon soutien. Et je joins aujourd’hui ma voix à la leur : Femme, Vie, Liberté.

On le voit, nos combats ici font écho à ce qui se passe ailleurs. Dans un monde en proie aux crises et aux mutations, alors que la guerre a osé revenir sur le sol européen, l’Assemblée nationale a, là encore, un rôle à jouer. À travers ses groupes d’amitié, elle regarde au-delà des frontières et, dans le contexte que nous connaissons, je considère comme un devoir de dialoguer avec mes homologues étrangers, d’aller à leur rencontre et à celle de leurs concitoyens.

Depuis mon élection, je me suis ainsi rendue en Pologne, en Ukraine et, la semaine dernière encore, dans cette république amie d’Arménie, dont l’intégrité territoriale est menacée. Bientôt, c’est mon homologue ukrainien, M. Ruslan Stefanchuk, Président de la Rada, qui viendra s’exprimer devant les députés, dans l’hémicycle.

En outre, je me suis rendue à Berlin à deux reprises. Dimanche prochain, à la Sorbonne, en présence du Président de la République et du chancelier allemand, j’aurai l’honneur d’ouvrir la célébration du 60e anniversaire du Traité de l’Élysée, aux côtés de mon homologue Mme Bärbel Bas, présidente du Bundestag. Puis, dans la même journée, nous publierons une déclaration commune ambitieuse. La jeunesse sera au coeur de cette journée de partage, c’est avec elle que se prépare l’avenir

À travers ces échanges, ce sont les valeurs de nos démocraties qui rayonnent à travers la planète entière. C’est encore plus indispensable aujourd’hui qu’hier car toutes les démocraties dans le monde sont en proie au doute, y compris la nôtre.

Il est d’usage de dire que l’abstention progresse, que la confiance s’érode, que le désintérêt nous mine. Ce ne sont pas des idées reçues, ce sont des vérités. Mais, j’en suis convaincue, le lien entre les élus et les citoyens n’est pas rompu : il s’est juste distendu, ce n’est pas bon, c’est même dangereux, mais pas irrémédiable. Et j’ai la conviction que cette Assemblée peut contribuer à le renouer.

Elle le peut car elle est à l’image de la France. Elle lui ressemble. Elle est diverse. Le dialogue est parfois difficile entre ses différentes composantes, comme il peut l’être dans nos villes et dans nos campagnes, a fortiori si le regard est braqué sur l’instant, sur l’incident, bref, sur le court terme. Et pourtant non, l’Assemblée nationale n’est pas dans l’incapacité de remplir ses missions : jour après jour, nous démontrons le contraire, je l’ai rappelé dès le début de mon propos.

Comme les Français, donc, nous ne sommes pas d’accord sur tout, c’est une litote… et nous devons trouver des compromis. C’est parfois compliqué mais quand nous y parvenons, nous en sortons renforcés : nous, pas seulement la majorité et le Gouvernement, mais aussi les forces d’opposition et, par-dessus tout, notre démocratie elle-même.

Ce rapprochement des points de vue peut naître de travaux conduits en commission, au sein de missions d’information. On ne le sait pas assez, bien que j’avoue me répéter assez souvent à ce sujet : les missions menées par les députés conduisent régulièrement à des accords unanimes.

C’est pourquoi, le 11 octobre dernier, j’ai proposé à la Conférence des présidents que les semaines d’ordre du jour réservées à l’Assemblée nationale – la semaine en cours en est une – permettent d’examiner des propositions de loi transpartisanes issues de ces missions d’information. Et la Conférence des présidents a approuvé cette initiative.

Ainsi, en mars prochain, nous examinerons une proposition de loi sur les actions de groupe tout à fait exemplaire, à l’initiative de Laurence Vichnievsky et de Philippe Gosselin, pour les groupes Modem et LR. Comme le permet la Constitution, cher Didier-Roland Tabuteau, j’ai souhaité que cette proposition bénéficie de l’expertise du Conseil d’État. Je forme le voeu qu’elle aboutisse en 2023, et après elle de nombreux autres textes transpartisans.

Bien sûr, j’invite le Gouvernement à nous accompagner dans cette démarche, y compris en engageant la procédure accélérée sur ces textes sinon consensuels, du moins largement majoritaires. Et je souhaite que le dialogue avec le Sénat permette aussi d’avancer. Je suis heureuse de constater, monsieur le Président du Sénat, qu’en dehors des textes budgétaires, tous les projets et propositions adoptés depuis le début de la législature ont fait l’objet d’accords entre nos deux assemblées, à l’issue de CMP conclusives.

Je m’en réjouis car, vous le savez, je suis, comme vous, attachée à ce dialogue exigeant mais fructueux.
C’est là toute la force du Parlement, lieu par excellence de l’échange et de la synthèse. Loin des caricatures, le travail parlementaire consiste bien à rapprocher les points de vue, à entendre l’autre et à l’associer dans la recherche de solutions raisonnables.

Le dépassement, j’y crois, et les hémicycles de l’Assemblée nationale et du Sénat sont précisément conçus pour aller au-delà des clivages et construire une législation durable. « La politique est l’art de concilier le désirable avec le possible », disait Aristide Briand. Cette conciliation est la clef d’une confiance retrouvée.

Qui dit clef, dit ouverture… Ces Français, à qui nous ressemblons, nous devons davantage les rencontrer, nous ouvrir à eux. Le complotisme et l’antiparlementarisme se nourrissent d’abord de l’ignorance : combattons-les, inlassablement, en faisant connaître le fonctionnement de notre République, qui n’a rien à cacher, qui a même le devoir de se montrer transparente.

C’est pourquoi je souhaite ouvrir davantage l’Assemblée nationale aux Français.

Depuis le début de ma présidence, des dessinateurs présents dans l’hémicycle leur montrent à coups de crayon ce qu’est une séance publique.

L’Assemblée nationale a ouvert ses portes de façon inédite lors de la « Nuit blanche », pour que chacun puisse admirer l’oeuvre de Prune Nourry qui a pris place dans la Cour d’honneur depuis la rentrée.

Tous les deux mois, « l’Assemblée des idées » permet à des experts et à des citoyens d’échanger sur un thème précis.

Dans l’hémicycle, des comédiens de la comédie française ont pour la première fois reconstitué un débat historique sur la laïcité devant des collégiens, citoyens de demain que nous avons, je le souhaite, contribué à former.

Le nombre des créneaux de visite a augmenté de 40 000 en six mois et mon objectif est d’aller plus loin encore.

Tous les mois, je reçois des Françaises et des Français tirés au sort parmi de nombreux inscrits, pour échanger sur leurs idées et leurs préoccupations.

À travers l’adhésion nouvelle de l’Assemblée au Pass Culture, les jeunes commencent à s’inviter aux manifestations qui se tiennent dans ces murs. D’autres viennent ici apprendre un métier d’excellence et je tiens à saluer les élèves des lycées professionnels qui vous ont accueillis au vestiaire ou qui ont contribué à préparer cette réception.

Vous l’aurez compris, il s’agit de faire du Palais-Bourbon la Maison des citoyens, un lieu de rencontre et de discussion qui rapproche les électeurs et les élus.

Mais cette ouverture ne peut se limiter à faire venir ici les Français : notre institution doit aller à leur rencontre. Depuis mon élection, de Valmy à Saint-Laurent-du-Maroni en passant par Rodez, c’est ce que je me suis efforcée de faire.

J’ai évoqué Saint-Laurent-du-Maroni, en Guyane. Quand je parle de la France et de ses territoires, je pense aussi à ceux qui sont au-delà des mers, comme on dit parfois.

Je continuerai de m’y rendre : c’est nécessaire pour les comprendre, pour éviter de leur imposer des dispositions trop éloignées de leurs réalités.

Enfin, notre institution doit être à l’écoute des Français, entendre leurs préoccupations et leurs aspirations, et y répondre.

Depuis vingt ans, les associations demandaient ainsi la création d’une Délégation aux droits des enfants à l’Assemblée nationale : pour mieux les entendre, pour mieux les défendre. Parce que la protection de l’enfance est une cause qui nous rassemble, cette délégation a vu le jour dès septembre dernier et je sais qu’elle fera oeuvre utile.

De même, nous savons à quel point le changement climatique préoccupe nos concitoyens. Ils nous pressent d’agir et nous demandent, à juste titre, de nous montrer exemplaires. Avec Marie Guévenoux, Jean-Marc Zulesi et des députés issus de chacun des groupes de notre Assemblée, nous sommes au travail pour adapter notre institution aux exigences de la transition écologique.

S’adapter. Ce mot sous-tend l’ensemble de mon propos et c’est sur lui que je vais conclure. Il ne faut jamais cesser de s’adapter, cela vaut pour les femmes et les hommes, pour les politiques que nous devons conduire, et même pour nos institutions qui ne peuvent rester figées sur des modèles dépassés.

Bien sûr, nos institutions s’adaptent. Un peu lentement parfois… L’urgence est d’inventer la démocratie du XXIe siècle : il nous faut des institutions qui conviennent à la France d’aujourd’hui et auxquelles nos concitoyens puissent adhérer, en participant davantage à la vie publique et en se sentant mieux représentés.

L’Assemblée nationale jouera un rôle primordial dans la modernisation de nos institutions. Sitôt que seront précisées la composition et la feuille de route de la commission souhaitée par le Président de la République, je lancerai et présiderai une mission transpartisane propre à l’Assemblée, qui réfléchira à l’ensemble des questions institutionnelles. Ainsi, nous travaillerons pour et avec les Français.

Car ne nous y trompons pas : si nos concitoyens sont parfois critiques et revendicatifs, c’est parce qu’ils attendent beaucoup de nous, corps constitués de la Nation.

Et ce que l’on appelle parfois, un peu vite, « la crise de la démocratie », est aussi l’expression d’une impatience et d’une attente. Les Françaises et les Français ne veulent pas moins de débats, ni moins de République : ils veulent au contraire être entendus, pour que nous prenions à bras-le-corps les difficultés qu’ils nous signalent et trouvions les moyens d’améliorer concrètement leur vie. C’est cela, faire de la politique ; et c’est donc un message de confiance que je veux vous délivrer aujourd’hui.

Confiance en l’avenir, confiance en la France et les Français, confiance en nos capacités à transformer les contraintes en opportunités. Comme l’a dit Henri Bergson, « l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire ».

Parlementaires, ministres, magistrats, officiers, hauts fonctionnaires, toutes et tous nous avons en commun l’amour de notre pays, la passion du bien public, l’exigence d’exemplarité, le désir de voir s’épanouir la France. L’année qui vient nous donne l’occasion de le montrer. Nous allons la réussir, dans le dialogue, la concertation, l’action et le respect mutuel.

C’est dans cet esprit que je vous présente, bien sincèrement, tous mes voeux pour 2023.

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