Assemblée nationale
^{Seul le prononcé fait foi}

Mesdames et messieurs les députés,
Monsieur le président de La Chaîne Parlementaire,
Mesdames, messieurs, 

Je suis heureux de vous accueillir ici, heureux mais aussi très fier que l’Assemblée nationale, par cette avant-première, s’associe à l’hommage rendu au grand constitutionnaliste qu’était Guy Carcassonne, trop tôt et trop brutalement disparu en 2013.

Les qualités de l’homme sont mises en lumière dans le beau documentaire d’Anne-Marie Vignon, qui sera bientôt diffusé sur France 3 et sur LCP. 

À propos de Guy Carcassonne, je pourrais évoquer son humour, son humanité, son intelligence pétillante et son épicurisme, mais vous êtes ici nombreux à l’avoir connu personnellement et vous pourriez en parler mieux que moi.

J’insisterai plutôt sur le professeur, un professeur immergé dans la vie de la cité, dévoué à ses élèves comme à la vie parlementaire.

Car Guy Carcassonne fut d’abord un enseignant exceptionnel, toujours désireux de communiquer son savoir à ses étudiants sans jamais être ennuyeux, et c’est ce que souligne le titre du documentaire : « la passion de transmettre ».

Oui, il avait cette passion de la connaissance et de sa transmission, les images d’archives, à cet égard, sont parlantes : on sent qu’il prenait plaisir à enseigner, à Sciences Po comme à Nanterre.

Guy Carcassonne était en effet un enseignant d’une fidélité exceptionnelle, à l’université en général et à celle qui l’avait formé en particulier, Nanterre. Sollicité, courtisé par les universités du centre de Paris, il n’a jamais cédé à leurs tentations et, jusqu’au bout, il aura porté avec fierté le titre de « professeur de l’université de Nanterre ». 

Il faut dire que chez Guy Carcassonne, l’activité de chercheur s’est toujours inscrite dans un rapport étroit avec les questionnements juridiques et institutionnels de la République.

Universitaire engagé dans la vie de la cité, il a écrit autant d’articles savants dans des revues juridiques spécialisées que de tribunes destinées à éclairer le débat public. 

Sans être de tout cœur partisan de la Ve République, Guy Carcassonne s’était converti aux vertus de la Constitution de 1958, qu’il jugeait assez souple pour évoluer. 

Lui-même est fréquemment intervenu pour tenter d’en améliorer le fonctionnement. Ainsi, en 2007, il a participé au comité dit « Balladur », chargé par le président de la République de l’époque de réfléchir à la modernisation de nos institutions : un comité dont les préconisations se concrétiseront dans l’importante révision constitutionnelle de 2008.

Guy Carcassonne était l’un des visiteurs les plus réguliers du Conseil constitutionnel, où ses avis étaient très écoutés. 

L’Assemblée nationale, bien sûr, a souhaité auditionner à de multiples reprises cet homme libre et, il faut bien le dire, des réformes aussi importantes que le quinquennat, la création de la question prioritaire de constitutionnalité ou la fin du cumul des mandats lui doivent beaucoup. 

Guy Carcassonne, enfin, fut un ardent défenseur du Parlement. Et pas seulement dans les cénacles universitaires, mais comme praticien. Conseiller du Groupe socialiste à l’Assemblée nationale dès la fin des années 70, il devint conseiller de Michel Rocard, jouant un rôle capital quand celui-ci exerça les fonctions de Premier ministre, de 1988 à 1991. 

Pour les plus jeunes d’entre vous, je rappelle que Michel Rocard ne disposait alors que d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Aussi, son conseiller Guy Carcassonne a-t-il hanté les couloirs du Palais-Bourbon, à la recherche de compromis et d’alliances pour faire passer les textes – ou pour prévenir le vote d’une motion de censure. 

Comme universitaire, comme praticien, il a toujours regardé le Parlement comme le cœur vibrant de notre démocratie : la révision constitutionnelle de 2008 en porte témoignage. 

Je terminerai en ajoutant que cet homme complet fut aussi un rugbyman accompli, qui dans sa jeunesse s’était illustré au sein du Paris Universités Club (PUC). Une excellente préparation à la mêlée politique ! 

Lui-même le reconnaissait, d’ailleurs, établissant avec humour un parallèle entre la Constitution et la règle du jeu : « Dans les deux cas, disait-il, vous avez une règle du jeu faite pour atteindre un optimum entre les contraintes qu’elle fait peser pour les joueurs et les libertés qu’elle reconnaît. En rugby comme en politique, la règle du jeu est un vecteur de civilisation. »

Bref, Guy Carcassonne incarna la version moderne de l’honnête homme et de l’humaniste : il était juste de lui rendre hommage et c’est tout l’objet du documentaire présenté ce soir.

Je vous remercie et vous souhaite une bonne soirée.