Rencontre avec les élus de l’Association des Maires du Finistère

Mardi 19 novembre

Salons de l’hôtel de Lassay 
Seul le prononcé fait foi

Monsieur le ministre chargé des collectivités territoriales, cher Sébastien Lecornu,

Mesdames et Messieurs les parlementaires, mesdames et messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

C’est un bonheur autant qu’un honneur de recevoir, à l’occasion du congrès des Maires, autant d’élus finistériens.

Bienvenue à toutes et à tous à l’Hôtel de Lassay !

L’Assemblée nationale a beau se refléter dans la Seine, elle ressemble parfois à une mer agitée et non pas à un long fleuve tranquille.

Mais nous savons, en Bretagne, ce que tenir le cap et la barre veut dire… Même si je ne suis qu’un marin du canal de Nantes à Brest.

 Comme l’écrivait malicieusement Marcel Pagnol dans Fanny, le deuxième ouvrage de sa trilogie : « Si vous voulez aller sur la mer, sans aucun risque de chavirer, alors, n'achetez pas un bateau : achetez une île ! »

C’est donc en connaissance de cause que j’ai accepté de tenir la barre de ce navire amiral de notre République qu’est l’Assemblée nationale et je n’ai pas encore la tentation de me réfugier sur une île, même s’il m’arrive parfois de devoir sortir les rames.

Permettez-moi de profiter de notre rencontre pour partager avec vous quelques convictions.

La fin de l’année 2018 et l’année 2019 auront été marquées par quelques bourrasques sociales, ce sont les fameux Gilets Jaunes qui ne doivent rien à l’entreprise de Concarneau, Guy Cotten…

Dans une France inquiète, vous avez été en première ligne, vous les maires et les élus locaux. Vous avez ouvert vos mairies, mis à disposition des cahiers de doléances et de propositions, vous avez assumé d’écoper quand le bateau semblait pouvoir gîter fortement.

Le Président de la République, Emmanuel Macron, ne s’y est pas trompé en débattant pendant près de cent heures avec les élus locaux. Nous étions nombreux à Saint-Brieuc, au printemps dernier, pour entendre les premières conclusions qu’il tirait de ces heures de dialogue et d’échanges.

D’ores et déjà, les premières mesures de soutien aux élus locaux sont traduites dans un texte de loi discuté il y a quelques jours au Sénat et, depuis hier, à l’Assemblée nationale. C’est le projet de loi dit « Engagement et Proximité ».

Nous savons les uns et les autres que ce qui y est prévu est nécessaire, mais ne sera pas forcément suffisant. Je ne crois pas que l’on se présente à des élections locales en fonction de l’indemnité prévue, ni même qu’on renoncerait à se présenter pour un second mandat parce que l’intercommunalité serait devenue trop complexe. Pour autant, améliorer les indemnités, dans les plus petites communes, est nécessaire ; et démocratiser l’intercommunalité, c’est une bonne idée.

Je sais, et vous savez, que les questions du moment ne sont plus strictement municipales, pas plus qu’elles ne seraient exclusivement nationales.

Ce qui est en jeu, ce qui est en débat, ce sont les conditions d’une vie collective réussie qui permette à chaque citoyen, à chaque famille de s’épanouir dans le partage de nos règles collectives.

Je suis un militant des libertés locales.

Or, nous le savons, la culture décentralisatrice n’est pas encore bien partagée dans toutes les strates de notre organisation territoriale, si complexe. L’heure n’est plus à un énième acte de décentralisation sur le modèle précédent. Nous avons besoin d’une décentralisation qui ait du souffle, et du souffle de la décentralisation, à la condition que l’État et ses services soient partout garants de l’égalité républicaine.

A ma place, je veille tout particulièrement à ce que l’on n’abuse plus de lois nationales pour décider comment tel secteur doit s’organiser ou pour déterminer si telle ou telle commune doit faire partie de telle ou telle métropole.

Il faudra enfin cesser de croire que, plus il y a de normes, plus nos citoyens seraient rassurés ou contents. Mais les normes de certains textes ne sont pas que le fruit de l’imagination d’affreux technocrates, de législateurs assoiffés de travail législatif… Non, bien souvent l’émergence de règles et de normes provient d’idées simplistes au terme desquelles il suffit d’interdire ou de permettre pour régler un problème.

Si édicter des règles suffisait à surmonter les difficultés… nous vivrions tous dans un paradis terrestre.

Et faisons d’ailleurs attention aux effets collatéraux de certaines décisions qui peuvent venir en effet proposer une solution ici et poser des problèmes ailleurs.

Nous empilons les normes comme nous avons empilé les structures.

Nos concitoyens, nous dit-on, seraient attachés à leurs collectivités. Soyons honnêtes, ils le sont un peu moins en tant que contribuables, quand ils réalisent qu’ils paient avec leurs impôts et taxes, tout à la fois une commune, une communauté, un département, une région et même quelques syndicats mixtes divers et variés.

Chacun s’interroge sur la prolifération de structures et de réunions qu’appellent 35 000 communes, des milliers d’intercommunalités, 100 départements et 11 400 syndicats !

Sivu, Sivom, syndicat mixte fermé ou ouvert, communauté de communes ou d’agglomération, métropole, entente métropolitaine, département, région, agence… Toutes ces structures ont été, à un moment ou à un autre, nécessaires. Le sont-elles encore toutes aujourd’hui ou demain ? Il nous faut en faire le diagnostic volontaire, il nous faut, en Bretagne et partout ailleurs, proposer des simplifications et des moyens d’agir souples, proches et efficaces.

Mais que les choses soient claires, il incombe à la responsabilité des acteurs de terrain de proposer et de trouver les solutions les plus adaptées. Cela signifie que personne ne s’endorme complaisamment sur l’existant avec l’idée qu’il ne faut jamais rien changer, pas plus qu’il n’incombe au législateur par un texte de portée générale de rajouter de la contrainte aux complexités.

La commune nouvelle peut représenter un beau projet, quand elle est volontaire. Elle serait même encore plus belle, en associant mieux nos concitoyens. C’est une piste, pas une obligation.

Oui, il y a des avantages à tirer avec plus d’intercommunalité. Mais il faut que ces changements se fassent sur la base du volontariat. On le sait, depuis l’essor de l’intercommunalité dans les années 1990 : la carotte est bien plus efficace que le bâton…

Nous avons besoin des EPCI pour imaginer une péréquation horizontale, comme nous avons besoin d’une Bretagne forte pour assurer l’équilibre entre l’est et l’ouest, le nord et le sud, l’Armor et l’Argoat. Car quand des déséquilibres guettent, ce n’est pas du seul fait de Paris !

Dans quelques semaines, je publierai d’ailleurs un petit ouvrage pour prendre position dans la question de l’organisation territoriale de notre pays. Je sais d’ores et déjà que je vais mettre le pied sur un champ de bataille strié de vieilles tranchées.

Ceux qui voudraient donner plus de pouvoir de décision aux échelons locaux sont accusés aussitôt de vouloir saper l’unité et l’indivisibilité de la République, voire de mettre la Patrie en danger en promouvant la prise en compte des diversités françaises.

Ceux qui, à l’inverse, voudraient affirmer l’utilité d’un État puissant, dans les territoires, se font rapidement taxer de centralisme.

Chacun devrait alors choisir son camp : Jacobin ou Girondin ? Comme le disait récemment Erik Orsenna, lors d’un colloque au Sénat, « un girondin c’est un jacobin qui habite en province. Les collectivités, d’un côté, revendiquent plus de libertés mais tout le monde attend tout de l’État. »

Les injonctions paradoxales ne mènent qu’à la confusion, souvent à des débats incompréhensibles pour nos concitoyens, et débouchent rarement sur quelque chose.

Je crois très sincèrement qu’il nous faut éviter toutes les tentations d’affrontement stérile entre les territoires.

Il nous faut retrouver les chemins de la vie collective paisible, partagée, réapprendre à privilégier le vivre ensemble. Il y a quelque chose de vertigineux à écrire ce qui semble une banalité, une évidence.

Mais plus rien n’est évident. La haine prospère, ainsi que la jalousie, la tentation du rejet et du repli est à l’œuvre et la démocratie semble elle-même fragilisée.

La démocratie semble à durée indéterminée. En fait, elle est fragile, très fragile !

Il nous revient donc, à toutes et tous, élus locaux et nationaux d’œuvrer par et pour la démocratie. Sinon « les monstres qui surgissent dans le clair-obscur », comme le prophétisait Antonio Gramsci, l’emporteront.

La priorité absolue des années qui viennent est de refaire société. Et je crois que ce sera au centre du prochain mandat municipal !

Je crois que nous avons besoin d’au moins 500 000 élus locaux. Je crois que notre République et notre démocratie vous doivent beaucoup ! On a quelque peu tendance à l’oublier quand tout va bien, mais à la première difficulté, on réalise que vous êtes indispensables et pas assez reconnus.

Oui, il faut aussi soutenir l’engagement au service de l’intérêt général, du collectif, que vous portez quotidiennement. Il va falloir nous faire mieux comprendre : que serait le Finistère, sans ses élus, ses bénévoles associatifs, ses sauveteurs en mer, ses pompiers volontaires ?…et j’en oublie…

En vous invitant ce soir, au-delà du plaisir de recevoir des Finistériens, donc des gens bien, je voulais mettre en valeur, en avant, ceux qui agissent pour que la société reste irriguée, et vivante.

Un mot enfin pour vous dire qu’aussi vrai que les difficultés matérielles ou morales que vivent certains de nos concitoyens ne nous échappent pas et que nous travaillons tous pour qu’elles puissent être surmontées. je crois profondément qu’il nous faut aussi réapprendre à partager la fierté des projets qui réussissent, qui marchent.

Il y a parfois trop de complaisance à surligner ce qui va mal au point de gommer ce qui va bien.

Oui, nos communes finistériennes sont belles et bien équipées.

Oui, les agriculteurs, les entrepreneurs, les pêcheurs, les associations font de belles choses qui permettent à l’immense majorité de nos compatriotes de vivre bien.

Et c’est la litanie lancinante des malheurs du monde et de la vie quotidienne qui pourrait parfois décourager les plus belles et les plus généreuses énergies.

Bref, aucune souffrance ne nous est étrangère. Mais ayons aussi la fierté de partager le bonheur de vivre en France et singulièrement dans le Finistère.

Un dernier mot : je ne voudrais pas omettre d’évoquer devant vous la mémoire d’un Finistérien de grande qualité qui a voué toute son existence au développement local, particulièrement en Centre Bretagne, mais y compris lorsqu’il enseignait à l’UBO ou lorsqu’il travaillait sur les Fonds européens à Bruxelles.

Je parle ici de Jean-Charles Lollier, natif de Spézet et habitant de Châteauneuf-le-Faou, qui nous a quittés vendredi dernier.

Comme nous tous, il avait chevillé au corps l’engagement pour l’intérêt général et le bien public.

Je sais que, quelles que soient les différences, nous saurons toujours nous retrouver sur l’essentiel : c’est fort de cette conviction que je vous remercie d’être là et vous propose maintenant de prendre le temps d’échanger et de nous retrouver… juste pour faire ce soir, de cette merveilleuse Galerie des Fêtes, un petit coin de Finistère.

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