Inauguration de l’œuvre L’Arbre aux mille voix de l’artiste Daniel Hourdé

Mardi 30 septembre

Cour d'honneur
Seul le prononcé fait foi

Mesdames les questeures,

Mesdames et messieurs les membres du Bureau,

Mesdames et messieurs les députés,

Madame l’ambassadrice de Serbie en France,

Monsieur le ministre, 

Mesdames et messieurs les membres de la famille Veil,  

Monsieur le Président de l'Université Paris Sciences & Lettres,

Cher Daniel Hourdé,

Chers jeunes ambassadeurs de la mémoire de la Shoah,

Mesdames, Messieurs,

« C’est un vrai symbole pour la liberté qu’un arbre ! La liberté a ses racines dans le cœur du peuple, comme l’arbre dans le cœur de la terre (…). Et comme l’arbre, [la liberté] grandit sans cesse et couvre les générations de son ombre. »

Ces mots de Victor Hugo, prononcés en 1848, pour la plantation d’un arbre de la liberté, résonnent avec acuité devant votre Arbre aux mille voix, cher Daniel Hourdé. 

Car votre œuvre, dans sa beauté d’acier, nous remémore une parenté parfois oubliée : celle des mots « libre » et « livre ». 

En vérité, cette fraternité sémantique est la sève de notre histoire républicaine. Elle se retrouve dans les Arbres de la Liberté, plantés en 1789 et 1848. 

Comme elle se retrouve dans les oliviers en mémoire d'Ilan Halimi, ces symboles de paix et de fraternité. Quand l’un d’entre eux, en août, a été profané, la réponse a été immédiate : de nombreuses villes partout en France, comme Bayonne, La Baule, Cannes, Caluire-et-Cuire, Lyon, Le Touquet, Nice, mais aussi Maisons-Laffitte, ont aussitôt décidé d’en replanter.
Car jamais on ne déracinera nos valeurs de paix et de fraternité. 

Car toujours, l’arbre a incarné, dans une métonymie végétale, la liberté contre l’adversité.

**

Et cette tradition, nous la poursuivons aujourd'hui dans notre Cour d’honneur, où cet arbre, en prenant racine, prendra tout son sens. Puisque ces mille voix feront écho aux 577 voix des députés.

Des voix parfois dissonantes ou ardentes, mais toujours vivantes. Les voix de la démocratie en action.

Mais si votre arbre, cher Daniel Hourdé, symbolise toutes les libertés, il en est une que vous chérissez avant tout : la liberté de créer.

Or, cette liberté de création, nous l’avons vu récemment, a suscité les passions tristes des censeurs.

Alors, à tous les adversaires de la liberté d’expression et de création,

À ceux qui prétendent la chérir, mais ne défendent qu'une liberté contrôlée - celle qui ne dérange jamais leurs certitudes,

À ceux qui voudraient que l’Assemblée soit un musée figé, une institution rabougrie, fermée sur l’avenir et la création contemporaine, 

Je le dis avec force : soyons fiers. 

Fiers d’ouvrir l'Assemblée à l’art contemporain et de le rendre accessible à tous. 

Fiers de faire rayonner la création française.

Fiers de ce dialogue entre tradition et modernité, entre l’art et le débat public.

Quant à ceux qui nous accusent de rompre avec la tradition…
ils ont bien tort ! Car nous continuons à tisser ce fil qui a toujours fait de l'Assemblée un lieu vivant de création.

Ce fil nous ramène à un jeune peintre, un certain Eugène Delacroix. Quand il fut chargé, au XIXe siècle, d’orner notre Bibliothèque et le salon qui porte aujourd'hui son nom, il dut, lui aussi, affronter les censeurs, qui le jugeaient trop avant-gardiste ! Quant aux questeurs de l’époque, ils le pourchassaient littéralement dans les couloirs, effrayés des retards sur le calendrier. Mesdames les questeures, 
je me réjouis que nos échanges soient aujourd’hui plus sereins !

Depuis 1989, cette tradition d’accueillir l’art vivant s’est affirmée à l’Assemblée : avec la Sphère des droits de l’Homme de Walter de Maria, la rotonde d’Alechinsky, les fresques d’Hervé di Rosa, le marbre blanc de Maria Papa 
ou la Marianne de JonOne.

Et depuis 2022, c'est cette tradition que nous faisons, deux fois par an, vivre et vibrer. Avec les oranges solaires d’Alexandre Benjamin Navet, avec les fils bleu, blanc et rouge de Pier Fabre, avec les Vénus olympiques de Laurent Perbos 
et les marches arc-en-ciel d’Elsa Tomkowiak.

**

Mais le plus important et signifiant pour moi, c'est que les Français nous donnent raison. En ouvrant l'Assemblée à la scène contemporaine, nous attirons en effet un public nouveau, plus jeune et plus nombreux. 

La preuve ? Lors des dernières Journées du Patrimoine, nous avons battu un record de fréquentation ! Et l’arbre y a été unanimement apprécié.

Voilà notre réponse la plus éclatante aux censeurs : en faisant dialoguer patrimoine historique et art contemporain, culture et démocratie, nous réduisons concrètement la distance entre les institutions et les Français

Et nous continuerons. Pour parler au citoyen d’aujourd'hui. Pour affirmer qu'en temps de crise, l’art n'est pas accessoire : il est essentiel.

**

Cher Daniel Hourdé, tel est donc le message de votre œuvre : elle est une invitation à l’ouverture d’esprit - ce dont certains auraient grand besoin.   

Je me réjouis d’ailleurs que votre œuvre honore de nombreuses autrices, de Toni Morrison à Simone de Beauvoir. Comme je m’y réjouis d’y voir les Outre-Mer représentés par un géant de l’Assemblée : l’ancien député de Martinique Aimé Césaire, avec son Cahier d’un retour au pays natal. Un poème dont notre Bibliothèque conserve, comme un clin d’œil, le tapuscrit original.

**

Mais cher Daniel Hourdé, à vrai dire, votre œuvre devrait désormais s’appeler l’Arbre aux mille et une voix : puisque vous m’avez fait l’honneur d’y ajouter une voix supplémentaire. 

Celle d’une conscience tutélaire : Simone Veil.

Cette 1001e voix est au-dessus de moi : un inédit tiré d’une conférence prononcée en 2005, à l’École Normale Supérieure, et intitulé « Pour les générations futures »

Ce livre s’ouvre ainsi : « Simone Veil s’assit, et le silence se fit. » 

Dans le fracas de notre époque, écoutons ce silence. Méditons son message et son angoisse, alors que le venin antisémite se répand.

Or face à ce fléau, ce livre est une arme. Une arme de transmission massive.  Simone Veil y accomplit en effet un précieux « travail de mémoire » - un travail tourné vers ces « générations futures » éponymes.  

Vers vous, chers jeunes ambassadeurs de la Mémoire.

La date même de cette conférence était marquante, poignante. Car Simone Veil la prononça un 13 avril 2005. Elle dut alors songer à un autre 13 avril. À ce 13 avril 1944, quand elle quitta Drancy dans un convoi à bestiaux, pour Auschwitz-Birkenau.

C’est par ces mots qu'elle décrit cet indicible, je la cite : « Vous voyez la fumée, eh bien, voilà, c’est terminé, ils ont été gazés. La fumée que vous voyez, ce sont déjà ceux qui ne sont plus là. » 

De l’abomination absolue, Simone Veil tira ses convictions : transmettre la mémoire de la Shoah bien sûr. Mais aussi son engagement pour l’État de droit et l’Europe, elle qui fut la première Présidente du Parlement européen élue au suffrage universel. 

**

Chers Jean et Pierre-François Veil, le combat de votre mère est le nôtre. 

Le combat pour la République et contre l’antisémitisme, celui que nous avons mené avec la marche du 12 novembre 2023.

Mais aussi le combat pour faire vivre la mémoire de votre mère, ici, dans cette maison du peuple qu’elle changea à jamais, le 26 novembre 1974 – le jour de votre anniversaire, cher Jean Veil.

Ainsi, après le buste de Simone Veil dans le Jardin-des-Quatre-Colonnes,

après sa statue en or qui se trouvait là où nous sommes,  

après l’exposition célébrant son discours sur l’IVG et sa constitutionnalisation, 

je me réjouis de continuer à perpétuer l’héritage de votre mère. Un héritage qu'elle a toujours voulu « pour les générations futures ».

**

Et c'est aussi à ce monde d’après que Simone Veil songe à la fin de sa conférence. Je cite sa dernière phrase : « Il faut avoir ce courage pour les générations futures. » 

Ce courage, nous l'aurons tous ensemble. 

Le courage de la mémoire, face à l’oubli ou au déni. 

Le courage de l’Europe, face aux nationalismes. 

Le courage de la création, face aux censeurs. 

Cher Daniel Hourdé, je vous remercie d'avoir forgé ce courage dans le métal. 

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