Ouverture de la conférence sur la conquête spatiale « Ariane : une Odyssée »

Lundi 19 juin

Monsieur le directeur général de l’Agence spatiale européenne,

Mesdames les ministres, 

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,

Monsieur le président du Centre national d’études spatiales,

Monsieur le président exécutif d’ArianeGroup,

Monsieur le président et fondateur de Spartan Space,

Mesdames, messieurs, cher Thomas Pesquet,

Il y aura bientôt un demi-siècle, le 31 juillet 1973, naissait le programme Ariane : une commémoration nationale qui constitue aussi une grande date européenne et c’est pour célébrer cet anniversaire que j’ai voulu vous réunir ici, à la présidence de l’Assemblée nationale.

Chez les parlementaires français en effet, la question de la conquête spatiale est à l’ordre du jour depuis fort longtemps. Dès la Révolution, quand les députés au Conseil des Cinq-Cents s’installèrent au Palais-Bourbon, ils comptaient parmi eux un pionner de la science-fiction, Jacques-Antoine Dulaure, auteur d’un récit savoureux : Le retour de mon pauvre oncle, ou relation de son voyage dans la lune. Au temps des premières montgolfières, notre collègue Dulaure avait déjà imaginé que par des gaz inflammables, l’Homme serait capable de s’élever au-delà de l’atmosphère pour explorer l’espace. Et, par un fabuleux effort d’imagination, il écrivit la première relation d’une sortie extra-atmosphérique :

« La surface de la Terre disparaissait insensiblement à mes yeux ; je vis la rotondité du globe. Ce fut alors que je commençai à trembler », raconte son héros. Mais les appréhensions seront bientôt dissipées par un voyage plein d’enseignements auprès de la société idéale des Sélénites, et le narrateur conclut, dans l’esprit des Lumières : « Je fis en route des observations bien intéressantes aux savants de la Terre dont je me propose de faire bientôt part à mes compatriotes, ainsi qu’une carte aérographique où seront représentées les différentes couches de l’atmosphère. »

Dès l’origine, science et utopie se disputent l’imaginaire de la conquête spatiale, et il va de même un siècle plus tard, quand Jaurès, à la tribune, rappelle que « de grands génies, comme Rabelais, avaient entrevu toute la grandeur future de la science libre » et fait résonner dans l’hémicycle cette promesse du grand humaniste : « L’humanité ira plus haut encore : après avoir conquis les mers et la terre, elle s’élèvera vers les hauteurs de l’espace. L’humanité ira loger un jour à l’enseigne des étoiles. »

L’objectif était donc clair, mais comment l’atteindre ? Comment transformer l’audace et l’imagination en une réalité tangible, comment passer de l’utopie à une réussite industrielle et scientifique ?

D’abord, en essayant. Qui ne tente rien n’a rien et j’aime, pour ma part, cette phrase du pionnier de l’aviation Pierre-Georges Latécoère : « J’ai refait tous les calculs, ils confirment l’opinion des spécialistes : notre idée est irréalisable. Il ne nous reste qu’une seule chose à faire : la réaliser ! »

Cette ambition posée, il faut des moyens, des ressources humaines, des financements, des installations, du temps : c’est là que les responsables politiques ont des responsabilités déterminantes.

Dès le Traité de l’Élysée de 1963, dont nous avons célébré ici même le 60e anniversaire, le général de Gaulle et Konrad Adenauer avaient prévu la conception conjointe d’un satellite comme un enjeu central de la réconciliation franco-allemande. 

Quelques années plus tard, sous le beau nom de Symphonie, l’engin est prêt, mais les Américains refusent de le placer sur orbite. Et c’est donc en raison de ce refus que la France et l’Allemagne, sous la forte impulsion du CNES, imaginent de se doter de leurs propres lanceurs. D’autres pays européens les rejoignent, ouvrant l’odyssée d’Ariane, le 31 juillet 1973. 

Depuis cette date, que de grands moments, que d’émotions inoubliables, pour ceux qui y prirent part comme pour ceux qui en furent témoins : le premier tir d’Ariane, le 24 décembre 1979, assurant enfin l’indépendance de l’Europe dans l’accès à l’espace ; le lancement d’Ariane 2, en 1982, et celui d’Ariane 3, en 1984 ; puis l’envol d’Ariane 4, le 15 juin 1988 : un lanceur qui, assurant pas moins de 116 missions, aura mis au total 186 satellites sur orbite.

Il y eut aussi, bien sûr, des échecs, des crises, des doutes : ainsi va la science, qui avance en zigzag, mais qui avance.

En 1998, ce fut le premier vol d’Ariane 5, qui en 2004, lançait la sonde Rosetta pour un voyage de dix années, jusqu’à la comète Tchouri. À ce jour, Ariane 5 a réalisé 117 lancements, dont Herschel, le plus grand télescope jamais conçu jusqu’alors.

Et tout récemment, le 14 avril 2023, Ariane 5 lançait Juice, un satellite conçu pour étudier Jupiter et ses trois lunes.

Dans l’odyssée spatiale européenne, la France possède un atout incomparable : une région d’Outre-mer proche de l’équateur, la Guyane, où j’ai tenu à me rendre en décembre dernier.

Au Centre spatial de Kourou aura bientôt lieu l’ultime lancement d’Ariane 5, transportant deux satellites, Syracuse 4 et H2 : un français, un allemand, beau symbole…

Et l’aventure continue puisque, dans quelques mois, ce sera au tour d’Ariane 6 de prendre son envol. 

Ces succès scientifiques et technologiques ne seraient pas possibles sans un engagement fort de la puissance publique, consciente des enjeux stratégiques de la conquête spatiale.

L’Assemblée nationale, bien sûr, vote les crédits de l’État au budget du CNES, ainsi que la contribution de la France à l’Agence spatiale européenne.

Commun aux deux chambres du Parlement, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologique suit avec attention les programmes et les progrès de la conquête spatiale : et ce depuis les années 80, puisque nous allons fêter son 40e anniversaire.

Enfin, et c’est là une responsabilité particulière à laquelle je suis très attachée, les députés français ont le pouvoir de légiférer sur ce qui se passe très loin haut-dessus de nos circonscriptions, dans l’espace.

J’en veux pour preuve la loi sur les opérations spatiales de 2008, qui avait pour objectif de limiter le nombre de débris spatiaux dans l’orbite terrestre basse. 

Bien sûr, l’espace est un lieu de conquête commune qui n’appartient à aucune nation en particulier ; et il doit le rester. Or, nous le savons : avant même que les troupes russes franchissent les frontières ukrainiennes, le 24 février 2022, la guerre avait déjà commencé dans l’espace. L’espace exo-atmosphérique est devenu ces dernières années le théâtre de rivalités des grandes puissances et un véritable champ d’opérations. Au moment où la guerre des étoiles devient une réalité, les Parlements nationaux doivent faire en sorte que l’espace ne se transforme pas en zone de conflit et demeure le patrimoine de l’humanité tout entière.

Oui, les députés doivent se saisir des questions spatiales et c’est tout le message de cette fusée et de ces étranges modules qui, avec l’aide du CNES et de Spartan Space, que je remercie, viennent de se poser dans la Cour d’honneur du Palais-Bourbon et le salon Casimir-Périer, tout près de l’hémicycle.

Dans nos politiques publiques, d’ores et déjà, les enjeux du spatial sont déterminants.

Pour réussir la transition écologique, d’abord : sur les 50 variables climatiques essentielles établies par le GIEC, 26 ne sont observables que depuis l’espace. Prévisions de submersion côtière, préservation des oiseaux migrateurs, implantation propices aux énergies renouvelables : au-delà de la compréhension du système climatique terrestre, les modèles issus des données satellitaires commencent à avoir une influence majeure sur la décision publique.

En matière de défense et de renseignement, je l’ai dit, le spatial apporte depuis plusieurs décennies des capacités essentielles à notre sécurité.

Dans nos territoires, les solutions spatiales apportent des performances adaptées à de multiples usages : mobilité, connectivité, gestion de risques, énergie, environnement, aménagement, agriculture de précision, e-santé… 

Localement, le spatial offre aussi des opportunités de développement économique.

Enfin, en présence de Claudie Haigneré et de Thomas Pesquet que je suis fière d’accueillir ici et qui font rêver nos jeunes générations, je tiens à évoquer l’avenir des vols habités. Dans quelques années, nous le savons, l’Homme sera de retour sur la lune. La plupart des grandes puissances mènent des programmes autonomes et ambitieux en matière de vol habité, la Chine et l’Inde venant s’ajouter aux États-Unis et à la Russie. 

La fin de la station spatiale internationale, probablement vers 2030, et l’émergence de stations privées, conduira peut-être à la fin des collaborations entre États. 

Dans ce contexte, comment l’Europe doit-elle se positionner, dans quelle direction doit-elle faire évoluer sa stratégie spatiale ? C’est la question posée au High Level Advisory Group de l’ESA, mandaté à l’initiative de la Présidence française de l’Union européenne. 

Ainsi, le cinquantenaire d’Ariane n’est pas seulement une commémoration nationale fédératrice : elle nous donne l’occasion de nous réunir pour réfléchir à la suite de cette odyssée, et préparer des succès futurs.

Le plus visionnaire des députés français, Victor Hugo, avait entrevu la conquête spatiale dans son grand poème Plein ciel : et Ariane n’est-elle pas cette « Nef magique et suprême » qu’il annonçait ?

Elle a cette divine et chaste fonction
De composer là-haut l’unique nation,
À la fois dernière et première,
De promener l’essor dans le rayonnement,
Et de faire planer, ivre de firmament,
La liberté dans la lumière.

Pour réaliser pleinement la vision de Victor Hugo, je suis heureuse de donner la parole à nos plus grands experts et je vous souhaite, à tous, un bon voyage dans l’espace.

Je vous remercie.

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