Inauguration d’une exposition célébrant le 150ème anniversaire de l’amendement Wallon

Jeudi 30 janvier

Salle des Pas Perdus
Seul le prononcé fait foi

Mesdames et messieurs les membres du Bureau, 

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Mesdames et messieurs les membres de l'Association des amis et descendants d'Henri Wallon,

Chers étudiants,

Il y a 150 ans jour pour jour, le député du Nord Henri Wallon montait à la tribune de l'Assemblée nationale à Versailles. 

Il défendit son amendement - qui tenait dans les trois phrases suivantes :

« Le Président de la République est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans. Il est rééligible. »

Trois courtes phrases - et qui vont pourtant changer notre destin républicain. 

Il s’en est fallu cependant de peu. De très peu. Quand à 18 heures passées, cet article additionnel est mis aux voix, le suspense est à son comble, car l'Assemblée est à majorité monarchiste. 

Quelques instants plus tard, le résultat tombe : l’amendement est adopté à 353 voix contre 352. À une voix près, le mot République entre dans les lois constitutionnelles.

Cette voix décisive, selon la légende, fut celle d’un député monarchiste. Outré par un collègue aristocrate qui lui avait tendu un parapluie et confondu avec un laquais, il aurait voté avec la gauche pour se venger…   

Ce qui est certain en revanche, c'est le rôle décisif que jouèrent les élus de ce que l’on nommait alors « la représentation parlementaire coloniale » : ils votèrent tous pour l’amendement Wallon, à l’exception du représentant de l’Inde. Sans leurs voix, sans ces voix d’Outre-Mer, la République aurait été rejetée.

« Ma proposition ne proclame pas la République, elle la fait » résuma Henri Wallon. Ce 30 janvier, la République n'est en effet pas proclamée en grande pompe, mais reconnue implicitement au détour d’un complément du nom. 

Même si deux autres votes essentiels sur le Sénat républicain et nos lois constitutionnelles, aux résultats bien moins serrés, se tinrent en février et juillet 1875, ce 30 janvier reste une date charnière dans notre histoire républicaine. 

Car en 1870, la République était loin d’être une évidence. Elle était là par intérim ou par défaut.

Pour preuve de cette fragilité, la loi du 31 août 1873 dispose que les institutions ne sont que très provisoires, « en attendant qu'il soit statué sur les institutions définitives de la France ».  

En somme, comme le résume avec malice l’historien Serge Berstein, « avec l'amendement Wallon, une Assemblée en majorité monarchiste vient de fonder la IIIe République, sans exclure de la transformer un jour en monarchie. »

C’est pour mieux comprendre ce paradoxe que nous avons replacé ce 30 janvier dans le contexte des débuts de la IIIe République.  

Grâce à la richesse de nos collections, grâce encore aux Archives nationales et aux archives municipales de Valenciennes, vous pourrez découvrir de véritables trésors : comme le procès-verbal authentique de la séance du 30 janvier 1875, ou le manuscrit de l’amendement d’Henri Wallon, écrit de sa main. 

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Bien évidemment, cette exposition met aussi en lumière la figure trop méconnue d’Henri Wallon. 

Car l’homme est loin de se réduire à un amendement. 

Inclassable et insaisissable, il est conservateur, mais républicain ; catholique, mais libre penseur ; modéré, mais déterminé… en somme, il incarne le compromis républicain, au sens premier du terme.

Notre exposition nous rappelle aussi qu'en 1847, un an avant la seconde abolition, Wallon écrit une Histoire de l’esclavage dans l’Antiquité, saluée par Victor Schœlcher en personne. Schœlcher le nomma ensuite secrétaire de la Commission de l’abolition de l’esclavage et l’aida à devenir député suppléant en Guadeloupe.

Aujourd’hui, nous honorons donc tant un des pères de la IIIe République qu'un humaniste et défenseur des droits humains universels.  

Pour faire vivre cet héritage, je salue les membres de l’Association des amis et descendants d’Henri Wallon présents parmi nous. Et je les remercie d’avoir enrichi nos collections, avec le don de ce buste d’Henri Wallon que nous avons le plaisir d’exposer. Je remercie enfin le Comité d’histoire politique et parlementaire, pour sa contribution à ce projet.

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Mesdames, Messieurs,

Ce qui s'est joué à une voix près, il y a 150 ans, nous parle encore. Oui, le passé continue d’éclairer le présent.


Présidente de l’Assemblée nationale, je vois au moins trois grands enseignements à tirer de ce « moment Wallon. » 

Le premier, c'est que chaque voix compte en démocratie. Il suffit parfois d’une voix, d’une seule voix, pour faire basculer un scrutin crucial et parfois changer le visage de nos démocraties.


Dans notre histoire, un autre vote crucial se joua également à une voix près. Et pas le moindre : la mort de Louis XVI. Le 18 janvier 1793, les représentants du peuple doivent décider de la peine à infliger à Louis XVI. À 361 voix, soit une voix de plus que la majorité requise, ils optent pour la mort. Trois jours plus tard, le « Citoyen Capet » est guillotiné place de la Révolution.

Plus près de nous dans le temps, et dans un tout autre contexte, la révision constitutionnelle de 2008 fut elle aussi adoptée à une voix près – et elle aussi à Versailles.

À une voix près, les droits du Parlement n’auraient pas été singulièrement renforcés. À une voix près, la Question Prioritaire de Constitutionnalité, cette révolution juridique et démocratique, aurait été refusée aux Français.

**

Oui, toutes les voix comptent en démocratie : tel est le premier enseignement du « moment Wallon ».

Son deuxième, c'est de nous montrer la force du compromis. 

Car cet article additionnel n’aurait jamais vu le jour sans ce que René Rémond appela une « conjoncture des centres » : une entente entre des forces que l’on disait irréconciliables, et qui pourtant surent se rassembler sur l’essentiel. Sur la République.  

Henri Wallon, homme de dialogue et de nuances, fut un des architectes de ce compromis. Il aida à bâtir des convergences et à dépasser les divergences. Il prouva que le compromis n’était pas une compromission, mais une ambition. 

Dans notre paysage politique fragmenté, où les divisions pourraient paralyser l’action, il nous faut aussi pleinement retrouver cet esprit de compromis au fondement de l’idéal tertio-républicain, pour rassembler au-delà des fractures et agir au-delà des postures. 

**

Mais ce compromis ne se contentait pas d’unir. Il stabilisait aussi nos institutions.

Et tel est le troisième enseignement de ce moment Wallon : il nous montre la nécessité, comme les bienfaits, de la stabilité institutionnelle pour notre pays.

Car à l’origine de l’amendement, il y avait un besoin impérieux. Celui, selon les mots mêmes d’Henri Wallon, de « sortir du provisoire ». De retrouver – je le cite encore - « de la stabilité dans le pouvoir »

Pour lui, cette stabilité institutionnelle n’était pas une fin en soi. Mais le prérequis pour que la France puisse « se relever (…), recouvrer sa prospérité [et] reprendre sa place dans le monde ».

Ce besoin de stabilité se comprend bien. De 1791 à 1875, 13 constitutions se succèdent. Aucune d’elles ne tient plus de 15 ans.

Au contraire, les lois constitutionnelles de 1875 vont perdurer jusqu'en 1940. Il s’agira du régime républicain le plus durable – jusqu'à l’an dernier, lorsque la Ve République l’a dépassé.

L’avenir aura donc donné raison à Henri Wallon. 

Cette stabilité institutionnelle a donné à la France l’élan et l’assise nécessaire pour adopter les lois qui forment encore notre socle républicain.

La loi de 1881 sur la liberté de la presse. 

Les lois de 1881 et 1882, pour l’école gratuite, laïque et obligatoire. 

La loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État.

C’est ainsi la troisième leçon du moment Wallon : la stabilité est le socle du progrès.

Dans la période tumultueuse et tourmentée que nous vivons, marquée par le doute et les divisions, il est donc de ma responsabilité d’œuvrer pour stabiliser nos institutions.  

Aussi fragmentée, aussi clivée soit-elle, je continuerai ainsi à me battre pour faire fonctionner notre Assemblée nationale. Pour construire des passerelles au-delà des murs. Pour trouver la stabilité par le compromis et le dialogue.

Entendez-moi bien : des institutions stabilisées ne signifient pas des institutions figées. La stabilité n'est pas l’inertie ; bien au contraire, elle est le socle sur lequel nous pouvons continuer à moderniser et à adapter nos institutions, pour les rapprocher de nos concitoyens. 


Je pense en particulier à la pratique référendaire, en sommeil depuis 20 ans et que je propose de réveiller. D’une part à travers une révision ciblée de l’article 11 de notre Constitution, pour élargir le champ du référendum ; d’autre part en instaurant, une fois par an, une Journée de la participation démocratique.

**

Mesdames, Messieurs,

Transmettre les enseignements de notre histoire, les rendre vivants, accessibles, dans ce lieu chargé de symboles qu’est l’Assemblée nationale : voilà une responsabilité qui m’est particulièrement chère.

C’est pourquoi je suis fière que la présente exposition prenne place dans cette salle des Pas-Perdus. Et je suis encore plus fière qu’elle s’ouvre au plus grand nombre, en particulier aux étudiants dont je salue la présence ici.

Telle est ma vision, ma conception de la politique d’ouverture de l'Assemblée : elle doit être un pont. Un pont entre l’Assemblée et les Français. Un pont entre le présent et le passé, entre la mémoire et l’avenir.

**

Mesdames, Messieurs,

Il y a 150 ans, prit ainsi forme le vœu prophétique que formula, 24 ans plus tôt, un autre grand député de notre histoire, Victor Hugo, et je termine par ses mots :

« Savez-vous ce qui fait la République forte ? Savez-vous ce qui la fait invincible ? Savez-vous ce qui la fait indestructible ? C’est qu’elle est la somme du labeur des générations, c’est qu’elle est le produit accumulé des efforts antérieurs, c’est qu’elle est un résultat historique autant qu’un fait politique, c’est qu’elle est la forme absolue, suprême, nécessaire, du temps où nous vivons ».

Je vous remercie, et cède désormais la parole à Mme Fabienne Giard, Présidente de l'Association des descendants et amis d'Henri Wallon.

Vive la République et vive la France ! 

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