Discours à l'occasion de l'ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire

Abidjan
Seul le prononcé fait foi

 

Monsieur le Vice-Président de la République,

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale de la Côte d’Ivoire,
cher Adama BICTOGO,

Mesdames et messieurs les présidents d’assemblée,

Mesdames et messieurs les ministres,

Mesdames et messieurs les députés,

Mesdames et messieurs les ambassadeurs,

 

C’est un très grand honneur qui m’est fait aujourd’hui de prendre ici la parole.

En septembre dernier, monsieur le Président BICTOGO, j’ai eu le plaisir de vous accueillir à la présidence de l’Assemblée nationale française, pour un entretien d’une grande cordialité qui témoignait de l’amitié entre nos deux pays.

Aujourd’hui, vous me rendez la politesse au centuple, en me conviant à intervenir dans votre hémicycle, pour l’ouverture de la session ordinaire de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire.

Session ordinaire pour vous, moment extraordinaire pour moi, car c’est la première fois que je m’exprime devant un Parlement hors de France ; c’est aussi mon premier déplacement officiel sur le continent africain, et je vous prie de croire que je mesure tout à la fois la chance et la responsabilité qui sont les miennes à cette tribune.

Grâce à vous, je parle à la représentation nationale ivoirienne, dans toute sa pluralité ; et à travers ses élus ici rassemblés, je salue une grande nation africaine, amie de la France.

Grâce à vous aussi, M. le Président, je parle simultanément à plusieurs pays africains, de Rabat au Cap et de Dakar à Djibouti, représentés ici par nos homologues.

Grâce à vous, je parle à l’Afrique ; grâce à vous, M. le Président, je parle à l’avenir du monde.

Un quart de l’Assemblée générale des Nations-Unies, un sixième de la population mondiale avec près d’un milliard et demi d’habitants et une jeunesse radieuse : oui, l’Afrique est un continent qui doit être respecté, oui vous comptez et compterez de plus en plus dans les grands équilibres du monde !

Le passé, nous le connaissons. Cette histoire, ancienne et pleine de blessures, nous la regardons en face, nous devons l’assumer, pour mieux parvenir à la dépasser ensemble. Car telle est bien notre fonction de responsables politiques : l’histoire, nous ne la subissons pas, nous la forgeons par nos votes et par nos décisions, nous nous emparons d’elle pour en changer le cours.

C’est justement ce qu’ont réussi à faire Félix Houphouët-Boigny et les autres pionniers des indépendances africaines.

C’est aussi ce que nous voulons faire maintenant, car le présent et l’avenir, nous avons pour mission de les imaginer, de les façonner, et par là de transformer en profondeur les relations entre l’Europe et l’Afrique, entre l’Afrique et l’Europe. C’est ce message que je suis venue porter ici, au nom de la représentation nationale française, aux peuples de votre continent.

Le Président de la République française, au cours de son récent voyage en Afrique centrale et australe, a exposé sa vision du lien entre nos deux continents.

Pour relever les grands défis mondiaux, pour renforcer leurs souverainetés respectives dans un monde où d’autres cherchent à s’imposer par la force, l’Europe et l’Afrique ont aujourd’hui l’opportunité d’un nouveau partenariat, d’une relation équilibrée.

Entre nos pays, la coopération économique a déjà changé de nature. Une métropole comme Abidjan, forte de ses six millions et demi d’habitants, a lancé des projets d’ampleur tels que la construction d’un métro, d’un aéroport international rénové, des infrastructures majeures sur lesquelles nos entreprises travaillent en partenariat avec les entreprises ivoiriennes.

Sur la base de tels échanges, c’est une véritable co-industrialisation que nous pouvons bâtir, à travers nos petites, moyennes et grandes entreprises, ivoiriennes et françaises, africaines et européennes. Et au moment où les nouvelles technologies, la numérisation, et maintenant l’intelligence artificielle, révolutionnent nos modes de production au plan mondial, travailler ensemble à relever le défi numérique, c’est ouvrir de vastes perspectives de croissance et de développement, dans l’intérêt de tous et spécialement de nos jeunes.

De même, 2024 sera une grande année sportive qui nous donnera l’occasion d’œuvrer conjointement à la réussite de deux grands rendez-vous internationaux : la Coupe d’Afrique des nations, ici, en Côte d’Ivoire, puis les prochains Jeux olympiques, en France. Deux échéances majeures qui témoigneront concrètement des liens qui sont les nôtres, puisqu’elles seront préparées, suivies, encouragées, aussi bien en Europe qu’en Afrique.

Dans cette incroyable et foisonnante ville d’Abidjan, une communauté française très active assure le lien entre nous, à travers un précieux réseau d’entrepreneurs et d’ingénieurs. Et de même en France, des Ivoiriens, des Maliens, des Tunisiens, des Sénégalais, les diasporas de toute l’Afrique sont à l’œuvre dans nos entreprises, dans nos universités, dans nos associations, passeurs indispensables entre nos cultures.

Car le nouveau partenariat franco-africain est aussi culturel, ce qui revêt une importance stratégique en ce nouveau millénaire où l’image, la notoriété, l’invention, sont devenues créatrices de valeur ajoutée.

La future Maison des mondes africains, à Paris, contribuera à mettre en lumière la vitalité, le dynamisme de vos jeunes créateurs. De nos jours les arts, la mode, la musique, le cinéma, l’animation, l’univers des jeux vidéo n’appartiennent déjà plus aux nations, ils synthétisent des influences multiples et les cultures africaines y exercent tout leur attrait.

C’est dire que notre partenariat culturel n’est plus seulement institutionnel : il recouvre de véritables industries créatives, qui donnent leur chance à nos jeunes et qui renouvellent le goût, la vision, les perceptions même de nos concitoyens, en un vaste échange interculturel.

Dans ce mouvement global, la francophonie représente, je le crois, un atout précieux. À cet égard, monsieur le Président, je vous remercie d’avoir convié ici les sections africaines de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, ce Parlement transnational qui œuvre pour la paix et la compréhension mutuelle.

Car la langue française a depuis longtemps échappé à la France, qui ne compte plus qu’un quart de ses locuteurs au plan mondial : c’est ici, en Afrique, que la langue de Molière est devenue aussi celle de Tahar Ben Jelloun et d’Ahmadou Kourouma, c’est ici que des millions de francophones font vivre notre langue commune, se l’appropriant, sans craindre de l’enrichir. Le nouchi parlé à Abidjan le montre avec éclat.

Notre nouveau partenariat culturel est aussi patrimonial, comme en attestent déjà de récentes restitutions d’œuvres d’art ou de témoignages du passé africain. Comme l’a annoncé le Président de la République Emmanuel Macron, une loi-cadre sur les restitutions sera prochainement soumise au Parlement français. L’Assemblée nationale, et j’en prends devant vous l’engagement, examinera avec soin ce texte emblématique – et bientôt le fameux « tambour parleur », le tambour Djidji Ayokwê, fera de nouveau entendre sa voix en terre ébrié, amplifiant pour l’ensemble du continent un processus régulier et bien encadré dans lequel restitution rimera avec valorisation.

Là encore, en matière de muséographie et de conservation, l’expérience et l’expertise se partagent sans dommage : loin de s’amoindrir elles se renforcent dans l’échange.

Dans notre partenariat culturel, nous devons collectivement affirmer comme fondamental le droit à la vérité, qui à l’heure du numérique va plus loin que la seule liberté de la presse : le droit d’accéder à des contenus de qualité, le droit de se former et de s’informer, le droit d’échanger librement entre citoyens de bonne foi, ce qui constitue l’aspiration légitime de la société civile dans l’ensemble de nos pays.

Ainsi, qu’il s’agisse d’information, de culture, d’économie, le maître-mot de notre nouvelle relation est en définitive celui de « partenariat ».

Oui, la France est partenaire de l’Afrique et partage avec elle des intérêts vitaux.

Oui, la France se sent concernée quand les pays du continent africain sont touchés par les conséquences économiques de la guerre en Ukraine : aucun de nos pays n’est responsable de ce conflit, mais tous nous en pâtissons dans nos exportations comme dans nos importations, dans le renchérissement des prix alimentaires, dans les tensions qui crispent le marché de l’énergie, dans la rupture de circuits commerciaux qui déstabilisent des pans entiers de nos économies. Ainsi, la France a œuvré en vue de faciliter les exportations de blé, parce qu’elle a conscience que la guerre en Ukraine n’est pas un conflit local, pas un simple conflit en Europe ni un conflit entre Européens, mais bien une crise géopolitique de portée mondiale qui appelle, sur la scène internationale, une action solidaire de tous ceux qui veulent la paix et la prospérité, au nord comme au sud de la Méditerranée.

Je sais que nous partageons tous cette idée que la souveraineté et l’intégrité territoriale des États doivent être respectées : on ne peut accepter que l’usage de la force armée viole le droit international, ce bien précieux que je remercie la Côte d’Ivoire et de nombreux pays africains d’avoir défendu à l’Assemblée générale des Nations-Unies.

De manière plus large, nos pays sont confrontés aux mêmes défis globaux : atteintes à l’environnement, pandémies, terrorisme, autant de fléaux qui ignorent les frontières et menacent indifféremment tous nos concitoyens. C’est ensemble, en mettant en commun nos efforts et nos ressources, que nous parviendrons à les combattre efficacement.

Nous avons donc des responsabilités partagées. En s’engageant contre la déforestation, en préparant ensemble le récent Sommet sur les forêts qui s’est tenu en mars dernier au Gabon, la France et ses alliés préservent l’avenir de tous nos enfants.

En créant une Académie internationale de lutte contre le terrorisme, la France et la Côte d’Ivoire font ensemble œuvre utile pour combattre la menace.

Et c’est dans cette même logique partenariale que s’effectuera la transformation de notre présence militaire sur le continent africain. Comme l’a rappelé le Président de la République, il ne s’agira pas de nous désengager, mais de concentrer notre appui sur des actions de formation et d’équipement.

En tissant des relations de Parlement à Parlement, en tissant des relations de peuple à peuple, comme nous le faisons aujourd’hui, la France et la Côte d’Ivoire, ainsi que de nombreux autres pays, font avancer la démocratie, les droits de l’Homme et la paix. Je me suis rendue en Pologne, en Allemagne, en Ukraine, en Arménie, me voici devant vous aujourd’hui pour vous dire : oui, je crois en la diplomatie parlementaire, en son efficacité.

De même, je considère comme un devoir de parler avec les forces vives, les personnalités engagées dans la défense des droits. En tant qu’élue, je me ferai la porte-parole de l’Afrique en France et en Europe, afin de contribuer à changer le regard porté sur votre continent, afin de faire connaître ses aspirations.

En tant que femme, la première à présider l’Assemblée nationale en France, je voudrais enfin dire mon admiration pour mes sœurs africaines, pour ces femmes qui, à travers les tempêtes de l’histoire et toutes les difficultés de la vie, avec générosité, ténacité, font vivre l’Afrique. Ces citoyennes, je les ai rencontrées. 

À Paris d’abord, où, à l’occasion de la Journée internationale des femmes, des voix africaines ont pu s’exprimer à l’Assemblée nationale, au Palais-Bourbon. Et puis ici, en Côte d’Ivoire, à travers une série de visites qui m’ont mise en contact avec les figures féminines de votre société. Les femmes, en s’émancipant, modernisent chaque jour un peu plus nos pays et renforcent la démocratie.

Je vois ici des collègues députées, des homologues présidentes d’assemblée – et je voudrais saluer mes homologues rwandaise, sud-africaine, angolaise, togolaise , des femmes investies comme moi d’un mandat politique : là encore, nous avons une responsabilité partagée, celle de faire émerger l’égalité véritable, l’égalité des droits, qui n’est pas une invention occidentale car longtemps l’Occident n’en a pas voulu, mais qui est tout simplement une exigence de la raison et la forme la plus accomplie de la justice sur Terre.

Mesdames, messieurs, chers collègues parlementaires de la Côte d’Ivoire et de l’Afrique entière, j’aurais tant à vous dire encore, sur notre avenir commun et nos responsabilités partagées…

Toutefois, monsieur le Président, cher Adama BICTOGO, je m’en voudrais de monopoliser la parole dans cette assemblée qui m’accueille et où je suis venue d’abord pour écouter, pour entendre – pour comprendre.

J’évoquais tout à l’heure Ahmadou Kourouma, je suivrai donc son conseil : « Ce ne sont pas par ses discours et ses gesticulations, mais par le silence et le sérieux que le sage se distingue dans une assemblée. »

Je vous remercie.

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