Éloge funèbre de Marielle de Sarnez

Hémicycle
Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Premier ministre,

Mesdames et messieurs les membres du Gouvernement,

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues,

 

Il me revient le triste honneur de prendre la parole pour prononcer l’éloge funèbre de notre collègue Marielle de Sarnez, emportée au début de l’année, le 13 janvier dernier, par une leucémie foudroyante.

Prononcer son éloge est simple, car tous ici nous connaissions ses talents, ses engagements, son dévouement au bien public et à « l’urgence européenne », pour reprendre le titre d’un de ses livres.

Mais un éloge funèbre, cela paraît presque un non-sens car rien n’était moins « funèbre » que son tempérament,
son être même : femme de conviction, toujours active, toujours ardente, Marielle de Sarnez était la vitalité personnifiée,
le mouvement incarné, et dix mois après sa disparition, son âme de combattante semble toujours défier la fatalité.

Fille de résistant, Marielle de Sarnez avait, chevillés au corps, le goût de la liberté, la passion du débat démocratique, la volonté de faire avancer ses idées sans sacrifier au conformisme.

Elle n’était pas seulement centriste, mais centrale :
au centre de nos débats, au point nodal des préoccupations qui sont les nôtres, elle avait consacré sa vie à faire émerger un espace politique nouveau et libre aussi légitime et reconnu que la droite et la gauche et avec qui droite et gauche pouvaient se rencontrer pour parler, imaginer, construire.

Oui, elle fut pionnière, en un temps où la bipolarité semblait la norme, elle qui cherchait à réunir plutôt qu’à exclure.

Le centre qu’elle désirait n’était pas un moyen terme, un « marais » hésitant et ondoyant, mais une vraie cause emportant de vrais combats : le centre selon Marielle de Sarnez empruntait à la droite la droiture, à la gauche la générosité, au gaullisme de son père l’amour de la France et à la démocratie chrétienne l’idée européenne. Synthèse audacieuse qui fut sa marque, quarante ans durant.

La politique, Marielle de Sarnez l’avait connue dès l’enfance, puisque son père était le chef de cabinet de Roger Frey, ministre du général de Gaulle. Pourtant, elle ne voulut pas être une héritière. Rompant avec les traditions d’une famille issue de la noblesse d’Empire, la lycéenne s’élance dans le Paris en ébullition de Mai-68. Puis, le bac en poche, elle cherche à assurer son indépendance matérielle, en travaillant.

La politique ? Ce fut donc par la petite porte qu’elle
y entra, pour un simple emploi de secrétariat.
En 1973, à vingt-deux ans, la voici au sein des jeunes giscardiens. Dans l’effervescence de ces années 70, elle ne veut ni conservatisme ni gauchisme, mais s’enthousiasme à l’idée d’un président jeune qui modernise la France : elle est payée de ses efforts en 1974, quand la victoire de son candidat se traduit par la création d’un secrétariat d’État à la Condition féminine, le droit de vote à 18 ans ou le renforcement des droits de l’opposition. Autant d’innovations qui satisfont sa quête réformatrice.

Durant cette mémorable campagne, elle rencontre François Bayrou, avec qui elle fera chemin, pour le centre, pour l’Europe, pour ces idées qu’ils ont en partage et qu’ils feront avancer ensemble. Je sais la douleur de notre ancien collègue, depuis ce « jour en trop » où son alter ego lui fut trop tôt enlevée.

Il l’a connue militante, députée européenne, élue locale, ministre, députée enfin et d’emblée, présidente de commission.

Entre-temps, elle l’aura accompagné comme conseillère puis directrice de cabinet au ministère de l’Éducation nationale, de 1993 à 1997, ensuite comme secrétaire générale du groupe UDF à l’Assemblée nationale, de 1997 à 1998. Députée européenne à partir de 1999, conseillère de Paris à partir de 2001, elle dirige la campagne présidentielle de François Bayrou en 2002, puis celles de 2007 et de 2012.

Cofondatrice et vice-présidente du MoDem, elle devient en 2009 la secrétaire générale du Parti démocrate européen.

Ses yeux clairs observent avec acuité un monde en pleine mutation, dans lequel les vieux clivages s’estompent et les vieilles dictatures s’effondrent. Elle qui croit en l’Europe, en la démocratie, en une paix raisonnée entre nations raisonnables, elle se passionne pour l’Ukraine et sa « révolution orange »,
la couleur même qu’était en France celle du Mouvement démocrate.

Orange comme le soleil levant, orange comme la fusion des métaux et des idéaux, telle était sa nuance, ardeur et complexité confondues.

La recomposition politique de 2017 ne s’est pas faite sans elle. Lavant l’un de ses rares échecs, dix ans plus tôt, dans la 11e circonscription de Paris, elle obtient plus de 40 % des suffrages au premier tour, et plus de 63,5 % au second.

Sa connaissance des dossiers européens et internationaux la désigne tout naturellement à la présidence de notre commission des Affaires étrangères, où elle brille de tous ses feux.

Le drame syrien, le Brexit et bientôt la crise du coronavirus mobilisent la militante passionnée qu’elle est restée ; la crise migratoire la préoccupe et elle préside la mission d’information sur les migrations.

Surtout, cette convaincue savait aussi écouter les convictions des autres. Respectée et respectueuse, soucieuse de diriger équitablement les débats, Marielle de Sarnez fut une grande présidente de commission, unanimement appréciée pour ce mélange d’entregent et d’autorité dont elle avait le secret.

Ceux-là mêmes qui combattaient ses idées appréciaient sa personne, la dignité qui émanait d’elle, l’intégrité de sa parole. Quand elle disparut, tous lui rendirent hommage, constatant à quel point elle allait manquer à notre commission, à notre Assemblée, à la République tout entière.

C’est donc avec émotion, avec chagrin, que je salue la mémoire de la grande dame de l’Europe qui siégea parmi nous. Son exemple, son courage, sa détermination jusqu’au combat final contre la maladie, nous les saluons aussi, puisqu’ils étaient indissociables de la Marielle que nous avons connue, enthousiaste, volontaire, toujours en mouvement.

Dans nos souvenirs, dans nos cœurs, elle demeurera vivante. Dans notre hémicycle, elle nous manque et son absence nous peine autant qu’elle nous oblige.

L’Assemblée nationale se souviendra d’elle, de sa loyauté, de la profondeur de son engagement.

À ses enfants si importants pour elle et dont elle était
si fière, à sa famille, à ses amis, à ses compagnons de militantisme, à ses collaborateurs, au nom de tous les députés de l’Assemblée nationale et en mon nom personnel, je présente mes condoléances attristées.

En mémoire de notre collègue disparue, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, je vous demande d’observer une minute de silence. 

 

Je vous remercie.

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