Réception des maires - 107e Congrès des Maires et Présidents d'intercommunalité de France

Mercredi 19 novembre

Galerie des fêtes

SEUL LE PRONONCÉ FAIT FOI

 

Madame la Ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, chère Françoise Gatel,

Monsieur le Ministre délégué chargé de la Ruralité, cher Michel Fournier,

Monsieur le Président de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, cher Stéphane Delautrette,

Mesdames et messieurs les membres du Bureau,

Mesdames et messieurs les parlementaires,

Monsieur le Président de l’Association des Maires ruraux de France et maire de Lavoncourt, cher Jean-Paul Carteret,

Monsieur le Président de l’Association nationale des Élus des Littoraux et maire de Bonifacio, cher Jean-Charles Orsucci,

Mesdames et messieurs les maires de France, adjoints et élus locaux,

 

Mesdames, messieurs,

 « On ne s’attendait pas à vous voir : vous êtes la Première Présidente de l'Assemblée nationale à venir ici ! » : j’ai entendu cette phrase tant de fois, de Maretz dans le Nord à Coulonges-les-Hérolles, dans la Vienne, et encore fin septembre dernier au Congrès de l’Association des Maires ruraux de France.

Si je suis partout pour les maires de France, ce n'est pas pour l’anecdote. C'est la preuve de mon engagement, de mon attachement indéfectible à votre action et à vos mandats. C'est pourquoi, depuis 2022, je suis venue à votre rencontre, pour vous soutenir et apprendre de vous, au plus près des réalités.

Des Bouches-du-Rhône au Bas-Rhin, de la Guyane à Mayotte,

Des rivages de Bretagne jusqu’au soleil d'Occitanie,

Et au beau milieu de ces foires pluriséculaires que j’aime tant : comme celles de Châlons-en-Champagne, de Lessay, des Hérolles, Tout au long de mes 76 déplacements, et encore ce matin au Salon des Maires, j'ai senti, partout, l’ardeur de votre action et la ferveur de votre engagement.

À chaque fois, vous me le dites : votre mandat est dévorant, prenant… mais il est aussi passionnant. Oui, c’est excitant de lancer un projet, c’est exaltant de transformer sa commune. D'ailleurs, une enquête publiée la semaine dernière l’a confirmé : la volonté de servir l’intérêt général et de poursuivre les projets engagés sont les deux premières raisons qui poussent les maires à se représenter.

Alors cette passion – et ce sera mon premier message pour vous – ne la gardez pas pour vous. Transmettez-la ! Portez cette flamme de l’engagement !  

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Mais cette flamme, je sais aussi qu'elle peut parfois vous consumer. J’ai entendu tant d'élus me confier la difficulté de concilier vies professionnelle et familiale, me dire leur ras-le-bol parfois.

Car être maire, c'est être d’astreinte républicaine. C'est gérer un conflit de voisinage, la canalisation qui casse, et même le bouc égaré sur la départementale ! En fait, comme le dit bien Cyril Cibert, le Président de l’AMRF de la Vienne et maire de Chenevelles, « nous autres maires, sommes les MacGyver de la démocratie ». 

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Toutefois, toute la bonne volonté et l’ingéniosité des MacGyver se heurtent de plein fouet à une jungle bureaucratique qui, osons-le dire, vous pourrit la vie.

Ce que vous demandez, c'est qu'on vous redonne le pouvoir d’agir. Trop longtemps, trop souvent, l'administration parisienne – trop parisienne - a voulu imposer un 'prêt-à-porter' normatif. Or nos communes ont plutôt besoin de la haute couture de l'action publique : du sur-mesure, de l'écoute et de la confiance.  

Depuis 2003, l’article 1er de notre Constitution dispose que « l’organisation de la République est décentralisée. » Mais l’administration est restée trop centralisée et parisienne. Il faut qu'elle se reconnecte au terrain ! Et pour cela, j’ai une proposition : il faut que tous les fonctionnaires d’administration centrale effectuent obligatoirement une partie de leurs carrières en dehors de la région parisienne.

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Mesdames et messieurs les maires et élus locaux, j'ai sillonné le pays, j'ai écouté vos colères et vos espoirs. J'en reviens avec une certitude absolue. Il faut un rééquilibrage fondamental, total, des pouvoirs.

Un rééquilibrage entre l’exécutif et le législatif – et vous ne serez pas surpris d’entendre la Présidente de l'Assemblée nationale dire cela. Et un rééquilibrage entre Paris et le reste de la France.

Aujourd’hui, le centralisme est à bout de souffle. À force de vouloir tout piloter, l'État ne sait plus où aller. Malgré tous nos efforts, force est de constater que plus personne ne sait qui fait quoi. Le citoyen est perdu, la responsabilité est diluée.

Sans aller jusqu'à faire de la France un État fédéral, ce qui risquerait de mettre en concurrence les régions et de multiplier les tutelles des grandes collectivités sur les plus petites, je crois qu'il faut inventer un nouveau modèle français.

Ce que je vous propose donc, c'est de débattre ensemble pour fonder une organisation plus coopérative de la République. C'est-à-dire une République qui poursuive un objectif commun : l’intérêt général ; et qui l’atteigne avec des moyens mis en commun : la libre et pleine association des citoyens et la répartition concertée des responsabilités.

Cette République coopérative marcherait mieux, car elle marcherait sur deux jambes solides.

- 1. La première jambe, ce serait la société de l'engagement : une société où chacun, de l’élu au citoyen, prend toute sa part à l'effort collectif.  

- 2. La seconde jambe, c'est la coresponsabilité. Chacun peut participer au processus décisionnel : il reçoit des moyens, de la confiance et la liberté d'agir ; et en retour, il prend et assume sa responsabilité pleine et entière.

Alors, comment construire cette République coopérative ? Premièrement, il faut un choc de lisibilité sur les compétences, pour sortir du flou artistique actuel.

L’objectif est donc de tout clarifier, vraiment, drastiquement, en passant de l’État-gérant à l’État-garant.

À l'État reviendraient, au-delà de ses missions régaliennes, les grandes orientations des politiques publiques et la définition des grandes exigences pour notre Nation, comme l’égalité républicaine et l’équité territoriale. Aux collectivités, la gestion pleine et entière de compétences aujourd'hui divisées en deux, trois ou parfois quatre : à l’image du logement, de l’écologie, de l'emploi, de l’urbanisme. Et l’État s’arrêterait de s’occuper encore des compétences qu'il a déléguées.

J’entends déjà cette objection : « Vous allez affaiblir l’État ». C'est tout le contraire. Recentrer l’État, c'est le renforcer. Surtout, il s’agit de construire une action publique, plus proche, plus agile et efficace. Adaptée à la réalité de chaque commune. Garantie par l’État et portée par tous.

Cette clarification des compétences constituerait ainsi le socle d’une véritable organisation plus coopérative de la République, alliant association et responsabilisation de l’État comme des collectivités locales.

Ce que je vous propose en ce sens, c'est un donnant-donnant. Côté pile, l'État partage le pouvoir : il vous transfère massivement les moyens et la liberté d'agir. En contrepartie, côté face, les collectivités assument leurs résultats en responsabilité.   

Cette proximité retrouvée favoriserait enfin l’émergence d’une véritable société de l’engagement. Car quand le citoyen sait que sa voix compte pour son école, son emploi, son bassin de vie, il s’implique davantage. C'est ainsi que nous créerons une culture de la participation citoyenne, et oxygénerons notre démocratie pour la rendre vivante et permanente. 

Bâtir cette République coopérative, c’est la voie que je propose de construire avec vous, pour vous, au fil de nos discussions – pour guider ce nouvel acte de décentralisation » annoncé par le Premier ministre et que j’avais appelé de mes vœux.

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J’en ai cependant conscience : dans le contexte politique actuel, le « grand soir » institutionnel ne sera pas pour demain. Mais dès à présent, il y a beaucoup de « petits matins » à gagner. Et je crois beaucoup à cette politique des petits pas - pour changer, dès maintenant, tout ce qui peut l’être.

Ma réponse, elle est aussi là. Elle est dans l'action immédiate. Elle est dans une politique construite à votre échelle. Une politique à échelle humaine, qui repose sur deux piliers simples et concrets : Différenciation. Et simplification.

Différencier, c'est faire confiance au terrain ! C’est respecter le principe de subsidiarité et étendre le pouvoir de dérogation des préfets. Et simplifier ? C'est déclarer la guerre à cette hydre administrative qui décourage les meilleures volontés. C'est clarifier et préciser les compétences.

Pour ce faire, les idées sont là et les solutions existent, notamment celles des rapports d’Éric Woerth ou de Boris Ravignon – j’en ai parlé avec lui, à Charleville-Mézières. Ces rapports sont sur la table, ils ne doivent pas servir à caler des armoires!

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Mais au-delà des procédures à simplifier, il faut surtout libérer l’essentiel : l’humain. Votre engagement.

C'est le sens de la loi sur le statut de l’élu. Après son adoption à l’unanimité en première lecture à l'Assemblée nationale, elle sera examinée à partir du 8 décembre en séance publique, et je m’en réjouis.

Car cette loi, c'est du concret. C’est une loi qui reconnaît mieux votre investissement : en revalorisant vos indemnités jusqu'à 10 %, ou en prolongeant les congés électifs et de formation.

C'est une loi pour mieux vous préparer à la vie d'après-mandat, en renforçant la validation des acquis de l’expérience, en doublant la durée de l’allocation de fin de mandat et en majorant d'un trimestre par mandat votre durée d’assurance retraite.

C’est une loi pour libérer l’engagement des jeunes, avec la création d'un statut de l’élu étudiant, prévoyant des aménagements d’emploi du temps.

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Libérer l’engagement des femmes, c’est aussi le sens de la loi qui instaure la parité dans toutes les communes.

Nous en avions un besoin criant. Comment accepter, au pays d’Olympe de Gouges, que seulement 2 maires sur 10 soient des femmes ?  

Bien sûr, j’ai entendu les critiques sur cette loi, mais je veux rassurer chacun : vous n’aurez aucun mal à constituer vos listes. Beaucoup de femmes sont prêtes à s’engager. Et je le dis à toutes les autres : Osez-vous engager !

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Outre la parité, un autre engagement qui me tient à cœur, c'est celui pour nos maires d’Outre-mer. Vous êtes venus en nombre et en force ce soir, vous êtes même encore plus nombreux que les années précédentes !

À la Commission des Lois, comme ministre ou au perchoir, j'ai toujours défendu ce que j'appelle le « réflexe Outre-mer ». Pour que notre législation intègre vos spécificités d'emblée, et non après-coup.

Cet engagement, je le nourris des paroles de vérité que j’entends, cash, sur le terrain. En Nouvelle-Calédonie, avec le Président Larcher, pour renouer les fils du dialogue. À Mayotte, juste après Chido. À Saint-Pierre-et-Miquelon. Et la semaine dernière, au 33e Congrès de l’Association des communes et collectivités d’outre-mer.

Oui, chers maires ultramarins, grâce à vous, la France est un pays-monde, qui rayonne sur tous les océans. Comptez sur moi pour que vos voix, celles des Outre-mer, celle de tous les maires de France, résonnent avec force dans l’hémicycle.

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C'est vrai sur tous les sujets. Et c'est vrai sur la mère des batailles : le budget.

Tenir un budget. Équilibrer recettes et dépenses. L’État n’y arrive plus depuis 1974. Mais vous, vous y êtes habitués chaque année. Et je sais que vous faites beaucoup avec peu.

Bien entendu, le redressement de nos finances est un impératif collectif. Chacun doit y prendre sa part… mais sa juste part. Or, quand la dette locale ne représente que 8 % de la dette publique totale, il est inéquitable d'exiger des élus locaux une contribution qui dépasserait largement cette proportion.

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Cette bonne gestion qui vous caractérise, c'est le résultat de votre rigueur, de votre inventivité. C'est pourquoi je ne suis pas seulement venue dans vos communes pour vous écouter.

Je suis venue m'inspirer de vous et de vos innovations que vous mettez en œuvre sur le terrain. Car oui, nos communes sont de vrais laboratoires de politiques publiques. Et j'ai vu partout cette innovation en action :

L’innovation écologique : Je l'ai vue à École-Valentin, dans le Doubs, avec mon collègue Laurent Croizier et le maire Yves Guyen, en inaugurant une cour d’école "oasis". Je l'ai vue à Samatan, dans le Gers, avec Jean-René Cazeneuve et Hervé Lefebvre, en posant le premier bardage d’une école faite de matériaux innovants.

L'innovation face aux déserts médicaux : Je l'ai vue à Lavoncourt, en Haute-Saône, chez le Président de l’Association des Maires ruraux de France, cher Jean-Paul Carteret, avec l’ouverture d’un cabinet pour "docteurs juniors".

L'innovation pour l’accès aux services publics, je l’ai vue aussi à Valdivienne, dans la Vienne, aux côtés du député Pascal Lecamp et de la maire Claudie Bauvais, avec les bus et maisons France Services. Je l'ai vue aussi en inaugurant le nouveau bureau de poste à Sartrouville, avec Pierre Fond – et je salue tous les députés, maires et élus des Yvelines présents!

Et j’ai vu aussi les magnifiques projets que vous portez pour l’engagement civique et en particulier des jeunes. Comme à Saint-James, avec le député Bertrand Sorre et le maire David Juquin, et à Vitré, où la députée Christine Le Nabour et le maire Pierre Léonardi font vivre les Conseils municipaux de la jeunesse. Comme à Valmy, chers Lise Magnier et Cédric François, vous qui avez eu su mettre la jeunesse au cœur de l’inauguration du moulin rénové, symbole de notre patrimoine républicain.

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Mesdames et messieurs les maires, Être tenu responsable de tout. Devoir avancer dans l’incertitude. Trancher dans le vif, tout en rassemblant. Dépasser les clivages avec pragmatisme pour l’intérêt général. C'est votre quotidien… et c'est aussi le mien.

Ces points communs ne sont pas un hasard. Car avant d'être des élus de la Nation, plus de la moitié des députés sont toujours des élus de terrain. Moi-même, je suis d’ailleurs toujours conseillère municipale. 

Même s’il y a beaucoup de points communs entre les députés et les maires, il y a quand même une différence entre nous. Une différence qui nous rend jaloux : votre popularité ! Puisque les Français font confiance à leurs maires à 69 % !

Ce que je voulais vous dire aujourd'hui, c'est que les députés aussi vous font confiance, à 100 %. Nous vous sommes reconnaissants. Je vous suis reconnaissante.                                      

Chaque jour, vous nous le prouvez : il n'y a pas de petits maires. Il n'y a que de grands serviteurs de la République. Et il n’y a pas de petites communes. Il n'y a qu'une grande France. La nôtre.

Alors vive la République, vive la France et vivent les maires de France !

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